mercredi 17 juin 2020

COVID-19 dans les foyers pour migrant·e·s : l’heure du bilan

La crise de la COVID-19 a profondément marqué la société, et a révélé des fractures importantes entre personnes privilégiées et celles précarisées. Les personnes sans statut légal se sont retrouvées subitement sans emploi et sans protection sociale. On n’a moins parlé des requérant·e·s d’asile, en procédure ou débouté·e·s, qui vivent dans des centre d’hébergement collectif.
Dans certains cantons, les autorités se sont assises sur leur devoir d’assistance, à tel point qu’une plainte pénale a même été adressées contre les responsables des centres de Zurich. Dans le canton de Vaud, la prise en charge sanitaire a été correcte, il n’y a pas eu de réelle explosion de cas dans un foyer, celles et ceux qui en avait besoin ont été soignés. Mais les mesures sans doute nécessaires pour lutter contre le virus ont eu des conséquences néfastes pour la vie dans les foyers, déjà difficiles sans la COVID-19.
Pour les résident·e·s des foyers, le confinement a amplifié les problèmes déjà existants : promiscuité, manque d’intimité, contrôle social exercé par le personnel de l’EVAM, notamment les agents de sécurité en uniforme. Le vrai problème ce n’est pas l’épidémie, mais l’existence même de foyers pour migrant·e·s.
En Suisse, les hébergement collectifs sont généralement prévus pour répondre aux besoins spécifiques d’une population : EMS pour les personnes âgées ou souffrant de grave troubles psychiques, foyers pour mineur-e-s en danger... Deux exceptions : la prison - pour des raisons pénales et les centres d’accueil pour migrant·e·s.
Dans le canton de Vaud, le cadre légal prévoit un hébergement collectif pour les personnes à l’ « aide d’urgence ». La visée est alors purement répressive. En fermant aux personnes déboutées de l’asile l’accès aux logements individuels (appartement), les autorités souhaitent les dissuader de s’installer en Suisse.
Pour celles et ceux qui sont au bénéfice d’un permis N (demande d’asile en cours) ou F (admission provisoire), le guide d’assistance de l’EVAM prévoit entre autres des critères tels que « l’existence d’un revenu stable », le « comportement, collaboration et intégration » et « l’aptitude à vivre en logement individuel ». Le préjugé sous-entendu est flagrant. Certain·e·s requérant·e·s d’asile sont perçu·e·s comme intrinsèquement ou culturellement inaptes à la vie normale dans notre société. La réalité démontre l’absurdité de cette position : Les personnes qui obtiennent le statut de réfugiés (permis B) sont prises en charge par le CSIR qui ne dispose d’aucun logement collectif. Sauf exceptions liées à leur état de santé, elles sont donc toutes logées en appartement indépendamment de la perception qu’on les autorités de leur « intégration » ou de leur « comportement ».Des milliers de bénéficiaires du Revenu d’Insertion (RI) vivent normalement en appartement sans bénéficier d’un revenu stable...
Les personnes logées en foyer sont soumises à un contrôle social accru. Des agents de sécurité en uniforme contrôlent les entrée et les sorties et peuvent effectuer des contrôle en chambre jour et nuit. Surtout ils rédigent d’innombrables rapports  « d’incivilités » dès qu’une personne hébergée s’écarte un tant soit peu d’une position de parfaite soumission. Ces rapports peuvent ensuite être utilisés pour justifier ad aeternam le maintien en foyer.
Les conflits sont bien entendu inévitables entres les personnes entassées dans les hébergements collectifs. Celles et ceux qui souffrent de troubles psychiatriques peuvent facilement décompenser et adoptent parfois un comportement violent. Mais ces problématiques sont prises en charge, plus ou moins heureusement, par le personnel de l’EVAM. Les personnes qui habitent dans les foyers ne sont pas consultées, elles ne peuvent que subir sans avoir le droit d’agir.
L’hébergement en foyer constitue donc la parfaite illustration de la discrimination envers les requérants d’asile : jugé·e·s culturellement inadapté·e·s, trop agité·e·s, trop sal·e·s pour vivre normalement en appartement. Le foyer pour migrants est également le lieu où cette discrimination trouve sa justification : les résidents sont sous observation quasi-permanente du personnel de l’EVAM. Dans de telles conditions tout comportement peut être relevé et interprété comme une contre-indication à la vie en appartement.
Il s’agit d’une politique assumée par l’Etat : L’EVAM a des appartements à disposition mais résilie de manière anticipée ses baux immobiliers...

Nous exigeons  la fermeture de tous les foyers EVAM destinés spécifiquement aux migrant-es et leur relogement dans des appartement décents !

Quand j’avais un papier blanc (l’aide d’urgence), l’EVAM me disait : « il faut avoir un permis F ou B pour avoir un appartement ». Quand j’ai eu un permis F, ils m’ont dit « il faut avoir un travail pour avoir un appartement ». Mais c’est impossible de trouver du travail en vivant dans un foyer, il y a toujours du bruit, toujours des problèmes, on ne peut pas se reposer. L’EVAM veut nous garder dans les foyers pour nous contrôler et qu’on ne puisse pas s’intégrer. Ça fait huit ans que je suis en Suisse, toujours dans des foyers. Je voudrais une vie normale.I.F. 31 ans
Je vis avec mon fils de 4 ans dans une pièce de 12m2. Pendant le confinement, nous nous étions organisé avec une autre famille pour nous occuper à tour de rôle de nos enfants. Parfois la journée, ils jouaient sous la surveillance d’un adulte dans le couloir entre les chambres. On ne pouvait pas aller dans les parcs et les enfants ont besoin de se dépenser. Un Securitas nous a dit que nos enfants n’étaient pas sages, que j’étais une mauvaise mère et que le SPJ allait me prendre mon fils !K. S. 38 ans