mercredi 14 novembre 2018

Journée internationale des droits de l’enfant: Les enfants migrants sont des enfants comme les autres!

Venez manifester votre colère face aux renvois forcés d’enfants de la Suisse et le bafouement de leurs droits avec le Collectif Droit de Rester et d’autres le mardi 20 Novembre à 17h30 à Saint Laurent, pour la journée internationale des droits de l’enfant!

Amanil, 20 mois et sa mère, ont été renvoyés de force le 4 Septembre dernier vers la Grèce, pays réputé pour ses conditions misérables d’accueil des personnes exilées. Il a été séparé de sa mère en pleurs par une dizaine de policiers et de fonctionnaires du Service de la Population (SPOP), lorsqu’ils sont venus les chercher au foyer de l’EVAM à Ecublens. Il a été réuni avec elle, seulement lors de leur arrivée à Athènes.

Des dizaines d’autres enfants vivent sous la menace d’un renvoi forcé dans le canton de Vaud. Ils vivent dans la peur constante d’une descente de police ce qui, ajouté au régime cruel de l'aide d'urgence, nuit à leur santé mentale et à leur stabilité matérielle. Leur intérêt est pourtant garanti par l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la Suisse: “dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociales, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale”.

Le canton de Vaud doit prendre ses responsabilités face aux droits des enfants migrants et cesser de mettre en execution des renvois forcés de mineurs, même accompagnés de leurs parents, vers des pays où leur droits fondamentaux sont en danger!

lundi 12 novembre 2018

Sabina, 7 ans, née en Suisse, expulsée en Bosnie


Sabina, née en Suisse en 2011, a été expulsée par la force avec sa maman et son grand frère le 23 mai 2018. Son papa, en dépression grave, était hospitalisé. A Sarajevo personne ne les attendait.





jeudi 8 novembre 2018

Prise de position d’employé-e-s de l’EVAM (assistant-e-s sociales-aux, éducateurs-trices, surveillants, coordinateur-trices de programme d’occupation…)


Nous relayons la prise de position des employé-e-s de l'Evam 

Prise de position d’employé-e-s de l’EVAM (assitant-e-s sociales-aux, éducateurs-trices,  surveillants, coordinateur-trices de programme d’occupation…)

Le 4 septembre 2018, une mère isolée et son fils de 20 mois, Amanil, ont été renvoyés subitement et de force vers la Grèce lors de l’irruption d’une dizaine de policier, à 6h du matin, dans sa chambre.

Privé du réconfort de sa mère pour assurer la « réussite » de l’expulsion, Amanil, paniqué, n’a cessé de hurler pendant près de 5heures. Ce n’est qu’arrivés à Athènes que sa mère a pu le prendre dans ses bras pour tenter de le réconforter.

Cette intervention de police s’est déroulée au foyer EVAM d’Ecublens, sous les yeux des employés présents et d’autres bénéficiaires. Depuis cet évènement, les familles « à l’aide d’urgence » vivent dans la crainte permanente d’être les prochains.

Certaines choisissent de se cacher. Pour leurs enfants, qui connaissent déjà l’angoisse du renvoi, commence une véritable errance d’un logement précaire à l’autre, entre les nuits chez des amis et les chambres d’un soir. L’impact sur leur santé, sur leur scolarisation et sur leur développement est catastrophique !

Au sein des foyers EVAM, de tels événements laissent également des traces. Et ce au moment-même où – quelle ironie ! - l’EVAM met sur pied un groupe de travail visant à améliorer les conditions de vie dans ces foyers. Il ne s’agit pas d’une question de confort, c’est le cœur du travail des professionnel-le-s qui est menacé : la relation de confiance entre assistant social, éducateur ou encadrant et le ou la bénéficiaire.

Comment maintenir ce lien de confiance avec les bénéficiaires après avoir été les témoins impuissants, et donc en apparence consentant-e-s, d’une scène où d’autres fonctionnaires, travaillant pour le même Etat, presque des collègues, arrachent un petit enfant aux bras de sa mère ? Pire encore lorsqu’on nous demande de collaborer aux expulsions, comme en témoigne cet extrait du « journal événement » d’un foyer :

« 10h.16 : Reçu appel de la gendarmerie, pour nous informer que demain 15.08.2018 ils viendront au foyer vers 9h00 – 9h15 matin pour chercher M. X. Ils m’ont précisé de ne pas transmettre l’info au bénéficiaire bien évidemment et leurs contacter rapidement si ce dernier essaye de partir,  demain matin avant que la gendarmerie arrive au foyer. »

Le renvoi forcé d’Amanil et de sa mère n’est qu’un exemple des nombreuses discriminations  et maltraitances visant les mineurs migrants, notamment dans l’accès aux activités extra-scolaires et dans le domaine de l’hébergement.

Ces pratiques portent atteinte à nos conditions de travail et à notre santé, d’autant plus qu’elles vont à l’encontre de la mission de l’EVAM -l’accueil des migrants-, de notre éthique professionnelle et de notre attachement aux droits humains, notamment ceux garantis par la convention internationale  relative aux droits de l’enfant. Celle-ci précise que « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. »

Nous ne pouvons rester passifs et donc complices de ces pratiques et souhaitons rendre la présente prise de position publique et interpeler notre direction, le cas échant le conseil d’Etat sur les problématiques suivantes :

  • Descentes de police visant à des expulsions pour des familles avec enfants mineurs dans les foyers EVAM.

  • Implication des employé-e-s dans les expulsions, y compris de majeur-e-s.

  • Prise en compte des besoins spécifiques des enfants hébergés dans les foyers EVAM.

  • Prise en charge pour les mineur-e-s « à l’aide d’urgence » des activités culturelles et sportives sous l’angle de l’équité de traitement avec les enfants permis N et F et Mineurs Non Accompagnés, assisté-e-s par l’EVAM.

Nous donnons mandat à notre syndicat, le SSP, et sa délégation de nous accompagner dans ces buts.


lundi 29 octobre 2018

Les droits des enfants doivent passer avant leur permis de séjour ou leur couleur de peau !




Amanil (2 ans), Uliana (5 ans), Vera (4 mois), Daria  et Abigail (9 ans) sont des enfants. Et tous les enfants ont des droits, affirmés notamment dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, que la Suisse a signée.
Mais aux yeux des autorités suisses, Amanil, Uliana, Vera et tant d’autres sont des migrant∙e∙s, des réfugié∙e∙s, des exilé∙e∙s avant tout, et plus que leur âge, c’est leur permis de séjour qui compte. En l’occurrence, ici c’est l’absence de permis. Leurs parents ont demandé l’asile en Suisse, un asile refusé.
Amanil a été renvoyé en Grèce le 4 septembre. Uliana, Abigail, Daria et les autres vivent sous la menace constante d’un renvoi. Elles n’arrivent plus à dormir, à suivre l’école, ou n’ont pas le droit de participer aux excursions scolaires hors de Suisse. Les enseignant∙e∙s, les psys, leurs proches sont inquiet∙e∙s et constatent tous les jours leur stress, leur angoisse, qui les empêchent de grandir comme les autres enfants.
Le Collectif Droit de rester est confronté toujours plus souvent à ces situations d’enfants dont les droits sont bafoués, à des enfants paniqué∙e∙s à l’idée d’un renvoi, le plus souvent vers des pays dont ils n’ont aucun souvenir. Les autorités vaudoises n’ont plus aucun scrupule à renvoyer de force des familles avec des enfants en bas âge, au mépris complet de leurs droits, de leurs besoins et de leur avenir.
Nous vous appelons à venir manifester votre solidarité à l’égard de ces enfants le mardi 20 novembre à Lausanne. Nous demandons :
-        L’arrêt immédiat des exécutions de renvois forcés de mineur∙e∙s, même accompagné∙e∙s de leurs parents, vers des pays où ils et elles n’ont aucun repère, mettant ainsi en péril leur bon développement et la poursuite de leur scolarité. Aucun renvoi forcé ne doit avoir lieu durant l’année scolaire ni dans les foyers EVAM.
-        La prise en compte systématique de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions de l’EVAM et du SPOP lorsque des enfants sont concerné∙e∙s, en particulier à propos de l’hébergement.
-        L’accès aux apprentissages pour les mineur∙e∙s et jeunes adultes à l’ « aide d’urgence ».
-        La prise en charge à 100%, jusqu’à concurrence de CHF 400.00 par année civile des activités culturelles et sportives pour tou∙te∙s les mineur∙e∙s assisté∙e∙s par l’EVAM.


Collectif Droit de rester.

Avec le soutien de :
POP Vaud, SolidaritéS, SUD Étudiant-e-s et Précaires, SUD Éducation, Collectif R, Jeunesse Socialiste vaudoise, AVESAC: association vaudoise des enseignant-e-s en structure d'accueil, SSP région Vaud
(au 7 novembre 2018)



mardi 16 octobre 2018

Comme Chagall, la familleToustsik cherche refuge.


Marc Chagall était Biélorusse, juif, pendant la Deuxième Guerre mondiale il a trouvé refuge et protection aux États-Unis. La famille Toustsik est aussi ressortissante de Biélorussie. Ce n’est pas le nazisme, mais la dictature qui a poussé la famille à l’exil. Mais eux n’ont toujours pas trouvé un refuge. La Suisse, fermant les yeux sur les violences subies par le couple Toustsik, en particulier par Madame, s’acharne à vouloir renvoyer la famille dans les mains du dictateur.
Pourtant, le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM) a reçu tous les documents prouvant les violences subies par la famille, menaces et avis de recherche compris!
La Suisse est-elle prête, sans scrupules, à faire subir à Madame Toustsik et ses enfants le même sort qu’elle a déjà réservé à sa mère? En effet, la mère de Madame Toustsik, qui avait demandé asile et protection à la Suisse en 2014, a été expulsée en 2015 vers la Biélorussie où elle s’est retrouvée dans les geôles du dictateur! À l’époque les autorités helvétiques connaissaient le sort réservé aux dissident∙e∙s de ce pays en cas de renvoi, mais elles n’ont pas hésité à renvoyer Madame, faisant preuve d’irresponsabilité totale.
Allons-nous assister une fois de plus à un exemple de non-assistance à personne en danger? À un exemple de cynisme et de connivence avec des dictateurs de la part des autorités suisses? Nous le craignons fortement, d’autant plus que nous avons appris l’ouverture d’un consulat de Biélorussie à Lausanne au mois de septembre dernier. Dans quel but? Pour mieux surveiller les ressortissant∙e∙s biélorusses? Pour une présence accrue des sbires de L.? Toute la famille Toutstsik est en grave danger en ce moment, non seulement les parents, mais aussi leurs trois filles, Daria (9 ans), Uliana (5 ans) et la petite Vera (3 mois), les deux dernières nées en Suisse.
La famille vit en Suisse depuis 7 ans et tou∙te∙s parlent parfaitement français. Daria et Uliana sont scolarisées. Leur seul souhait, retrouver liberté et espoir dans un avenir plus tranquille.
Nous refusons d’accepter le renvoi de cette famille. Une pétition a été déposée au Grand Conseil en juin. Nous sommes toujours dans l’attente de la décision de la Commission des pétitions. Nous demandons que la famille puisse retrouver calme et sécurité. Nous demandons que les autorités compétentes du canton de Vaud agissent pour la protection du droit des enfants et du droit d’asile pour cette famille.

Lien vers le texte de la pétition déposée en juin pour la famille

Amnesty dénonce régulière la persécution des opposant-e-s au régime. Retrouvez les dernières informations ici.

Le Parlement européen débat de la Biélorussie ici


mardi 11 septembre 2018

Le canton de Vaud sera-t-il le premier à renvoyer vers l’Ethiopie ?


En avril, on apprenait avec une certaine stupeur la signature d’un nouvel accord migratoire avec l’Éthiopie: désormais il sera possible de renvoyer des personnes déboutées de l’asile vers cette dictature. Le canton de Vaud, soi-disant à la traine des renvois selon Berne, a-t-il décidé d’être cette fois un exemple en renvoyant le premier des Éthiopien∙ne∙s vers une destination où ils et elles risquent la torture et la détention arbitraire?
Les opposant∙e∙s politiques sont en Éthiopie durement réprimé∙e∙s. Amnesty International comme Human Rights Watch ont souvent dénoncé la situation. Et pourtant, la Suisse a signé ce printemps un accord qui facilite les expulsions vers ce pays. Un accord qui prévoit la transmission aux services secrets éthiopiens des données personnelles des personnes renvoyées de force. Ces services secrets participent activement aux actes de tortures que dénoncent les ONG. Ils sont à la solde du régime au pouvoir dont les forces spéciales ont exécuté plusieurs centaines de personnes, parmi elles des bébés. Des milliers d’Éthiopien∙ne∙s sont encore détenu∙e∙s arbitrairement, parmi elles des militant∙e∙s politiques et des manifestant∙e∙s pacifiques. Non contentes de renvoyer des êtres humains vers la torture, la Suisse et l’Union européenne facilitent le travail de leurs bourreaux !
Cet accord inique, qui éloigne encore plus la réputation du pays des droits humains de la réalité, n’a pourtant été signé que pour environ 300 personnes qui sont sur la sellette d’un renvoi. Mais près de 1500 autres Éthiopien∙ne∙s attendent dans l’angoisse une décision à leur demande d’asile.
Dans le canton de Vaud, une trentaine de personnes vivent dans la crainte d’être renvoyées directement dans les bras des services secrets éthiopiens. Plusieurs personnes sont déjà assignées à résidence et sous la menace d’une expulsion imminente. Est-ce pour répondre aux critiques de Berne que les autorités mettent désormais la pression sur ces personnes?
Le collectif Droit de rester s’inquiète du sort des opposant∙e∙s politiques qui seront renvoyé∙e∙s. Le canton de Vaud n’a pas à participer à cette violation des droits humains ! Le Conseil d’État présentera-t-il platement ses excuses lorsque nos ami∙e∙s renvoyé∙e∙s auront été torturé∙e∙s? Le SEM devra-t-il les ramener en Suisse, comme il avait dû le faire avec deux Sri Lankais en 2014?
Nous demandons que les autorités vaudoises cessent immédiatement de collaborer à un tel déni des droits et fassent tout leur possible pour que le SEM accorde aux ressortissant∙e∙s éthiopien∙ne∙s un droit de séjour. En attendant, les renvois doivent être suspendus !

Voir le rapport d’Amnesty International sur l’Ethiopie, 2017/2018 :
https://www.amnesty.org/fr/countries/africa/ethiopia/report-ethiopia/

mardi 4 septembre 2018

Amanil, âgé de 20 mois et né en Suisse a été renvoyé ce matin à 6h45 vers la Grèce.


Amanil est né en Suisse le 1er décembre 2016. Sa maman est originaire d’Erythrée, où elle a rencontré son papa, avec qui elle s’est mariée en 2013. Le couple a fuit l’Erythrée et après un long voyage est arrivé en Grèce. La maman d’Amanil y a obtenu l’asile, mais pas son papa. La maman d’Amanil a eu la chance d’être ponctuellement aidée par une église éthiopienne, mais elle n’avait pas de logement, ni argent, ni accès aux soins, ni nourriture. Lorsqu’elle est tombée enceinte d’Amanil, elle a décidé de quitter le pays et de demander l’asile en Suisse où Amanil est né il y a presque deux ans.
La maman d’Amanil a voulu éviter à son fils de connaître la précarité de la rue. C’est pourquoi elle s’opposait à son renvoi à Athènes. La Suisse a en effet refusé d’entrer en matière sur sa demande, au prétexte qu’elle avait le statut de réfugiée en Grèce – les persécutions subies en Érythrée ont en effet été reconnues et la Grèce a admis qu’elle ne pouvait pas rentrer dans son pays d’origine.
Le HCR, Amnesty International, Human Rights Watch et MSF dénoncent régulièrement la situation des réfugié∙e∙s en Grèce. Les services d’aide aux réfugiés étant extrêmement précaires en Grèce, la plupart des réfugié∙e∙s n’ont ni logement ni travail et vivent dans la rue. C’est le cas non seulement des demandeurs d’asile, mais aussi des personnes qui ont obtenu la reconnaissance de leur statut de réfugié.
Amanil ne connait ni l’Érythrée ni la Grèce. Il ne connait pas non plus son papa, dont la trace s’est perdue en Grèce. Il ne connait que le foyer EVAM d’Ecublens. Mais aujourd’hui, ce matin à 4h, il a été réveillé par une dizaine de policiers ; il a vu sa maman pleurer et il a été obligé de partir avec elle.
À l’heure actuelle, nous sommes sans nouvelle d’Amanil et de sa maman, qui doivent pourtant être arrivés à Athènes. Nous exigeons de savoir où est la famille, quelle a été leur prise en charge à leur arrivée, et s’il est garanti qu’Amanil et sa maman auront un toit pour vivre et une aide sur le long terme en Grèce. Nous avons malheureusement de bonnes raisons d’en douter.
Mais aussi nous voulons savoir pourquoi les autorités vaudoises s’acharnent ainsi sur les plus faibles, renvoient des familles, des petits enfants ; comment est-il possible de ne pas comprendre qu’une jeune mère souhaite à son bébé de ne pas grandir dans la rue ? comment est-il possible de parler d’un renvoi « sans contrainte » (communication du spop), lorsqu’il y a  une dizaine de policiers pour embarquer une jeune femme, des cris, des larmes, et ceci devant témoins ? Les autorités vaudoises ont apparemment perdu tout sens des notions de bienveillance, d’accueil, comme de violence et de contrainte. Ont-elles aussi perdu tout sens des responsabilités qu’elles renvoient ainsi une maman et son fils de 20 mois dans les rues athéniennes ?
Nous exigeons des réponses et l’arrêt de tous les renvois mettant en cause des enfants. 

Collectif Droit de rester, 4 septembre 2018

mercredi 29 août 2018

L’improbable permis B - Une politique d’exclusion du canton de Vaud



22 aout 2018 La loi permet l’octroi d’une autorisation de séjour aux personnes titulaires d’une admission provisoire qui montrent des signes positifs d’intégration et qui séjournent en Suisse depuis au moins 5 ans.
Le canton de Vaud rechigne à autoriser l’octroi de ce permis B et de plus en plus de familles restent durablement coincées avec un permis F, qui est un sous-statut extrêmement précaire, discriminatoire, retenant dans la marginalité et la pauvreté tout un groupe de population.
Voici l’exemple de la famille Temnay, qui vit en Suisse depuis plus de 9 ans. Les 4 enfants suivent leur scolarité avec succès. Ils sont nés en Suisse et ne connaissent rien de leur pays. L’aîné est brillant à l’école. Les deux garçons font du foot et la fille de la gymnastique.
Les parents parlent couramment le français. Le père indique dans son CV qu’il comprend 6 langues ! le français, l’arabe, l’italien, l’anglais et deux langues de son pays. Il maîtrise l’informatique. Il a d’abord travaillé en Suisse comme mécanicien dans un garage puis il a été engagé à la Migros où il a entrepris un apprentissage de vendeur et de gestionnaire des stocks. Après l’obtention de son diplôme, il n’a pas pu poursuivre dans l’entreprise et ses recherches d’emploi sont restées vaines depuis, les employeurs refusant d’engager des personnes titulaires d’un permis F, jugé trop instable. Les recherches d’emploi de son épouse sont également restées vaines, pour la même raison. Une agence de placement a expliqué qu’elle n’acceptait aucun permis F parce que les délais pour obtenir l’autorisation auprès du SPOP sont trop longs.
L’octroi du permis B résoudrait ces problèmes et permettrait à la famille de s’installer durablement en Suisse, de construire de réels projets d’avenir, et d’avoir un statut qui corresponde à la réalité de leur séjour en Suisse, où les enfants grandissent et ont toute leur vie ici.
Mais voilà, le SPOP refuse depuis 4 ans d’accorder l’autorisation et maintient ainsi la famille dans une situation sociale difficile qui empêche leur intégration réelle. Plus l’attente pour l’octroi du permis B sera longue, plus il sera difficile au père de retrouver du travail, et plus les chances pour la famille d’accéder à l’autonomie économique seront réduites. Les pratiques cantonales restrictives en matière de régularisation entraînent pour de nombreuses familles une dépendance de plus en plus durable à l’aide sociale.
En outre, elles poussent les gens à accepter n’importe quel emploi dans des conditions abusives. M. Temnay a notamment travaillé plus d’un an comme livreur de produits surgelés à domicile. Il parcourait presque 200 km par jour avec un camion frigorifique, 70 heures par semaine pour un salaire en dessous du minimum vital. Il ne voyait plus ses enfants et a été contraint de cesser cet emploi par épuisement.
L’autorité cantonale sait que les personnes titulaires d’une admission provisoire ne trouvent pas de travail ou seulement une très faible proportion d’entre eux. Le refus d’octroi d’une autorisation de séjour est une politique de rétention de tout un groupe de population dans la marginalité et l’absence de perspectives, une politique d’exclusion.
Ces pratiques dégradent l’image des requérants d’asile aux yeux du public et aggravent ainsi les risques de discrimination, de précarité et d’isolement social.
De nombreuses entraves rendent la vie impossible aux titulaires d’une admission provisoire, épuisent moralement les gens, les découragent et les excluent. Les conditions de logement, fixées par l’EVAM, sont souvent particulièrement difficiles. La famille Temnay par exemple vit à 6 personnes dans un appartement de trois pièces. De nombreuses communes refusent l’allocation d’un logement subventionné aux titulaires d’un permis F ce qui les empêche de rechercher par eux-mêmes un appartement où ils ne vivraient pas entassés les uns sur les autres. Il en va de même des agences qui refusent systématiquement les titulaires d’un permis F, même avec la caution d’une personne suisse, ce dont la famille Temnay a fait plusieurs fois l’expérience. Elle se trouve dans l’impossibilité de déménager et de choisir par elle-même son appartement.
À noter que la famille Temnay a le statut de réfugiés. Leur retour en Érythrée est impossible où ils risquent l’arrestation et la détention arbitraires ainsi que la torture, couramment pratiquées dans ce pays à l’encontre des déserteurs et des dissidents ou perçus comme tel.
Leur séjour en Suisse est donc durable et c’est le sens même de la décision du SEM, de leur reconnaître la qualité de réfugiés afin de leur permettre de refaire leur vie en Suisse.
Or, les entraves à l’intégration des titulaires de l’admission provisoire vont à l’encontre des engagements de la Suisse au titre de la Convention relative au statut des réfugiés, qui prévoit des facilités d’insertion en faveur des réfugiés reconnus, précisément pour les protéger contre les discriminations politiques, économiques et sociales qui sont trop souvent le lot des étrangers.
Leur enclavement dans un statut précaire qui les empêche de participer à la vie économique et de conduire leur existence avec de réelles perspectives de développement personnel, porte atteinte au droit des réfugiés de s’installer effectivement et de manière viable dans le pays d’accueil.

Pour citer ou reproduire l’article : L’improbable permis B, aout 2018, http://droit-de-rester.blogspot.ch/