lundi 19 novembre 2012

Prise de position du collectif Droit de rester suite au rapport EVAM-SPOP sur l’aide d’urgence

Le Courrier publie aujourd’hui un article accablant pour l’EVAM et le SPOP. Il révèle un rapport rédigé par un groupe de travail composé de représentant-e-s de ces deux institutions, dont les conclusions sont pour le moins troublantes. Ce rapport a le mérite de clarifier des mesures que nous dénonçons depuis trop longtemps.
Ce groupe de travail a été chargé de« […] de proposer des solutions visant à diminuer le nombre de personnes demandant l'aide d'urgence dans le canton de Vaud ».
Le ton est donné, le but clair : chasser les gens de l'aide d'urgence en les poussant à tout prix à disparaître dans la nature. Nous rappelons que le droit à l’aide d’urgence est ancré dans la Constitution suisse qui stipule que toute personne a « le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse » (art 12).
Pour cela, les membres du groupe de travail EVAM/SPOP fouillent dans les poubelles des cantons les plus restrictifs en matière d'asile (Lucerne, Grisons et Berne). Voilà que l'éternel slogan de M. Leuba «par rapport aux autres cantons, Vaud mène une politique juste et humaine » est oublié. Vaud n'est donc plus le meilleur canton parmi les pires !
Parmi toutes les mesures proposées dans le rapport, nous dénonçons en particulier :
  1. le mépris des lois existantes et la volonté de les contourner ;
  2. les chicanes administratives que l’EVAM prévoit de mettre sur le parcours des migrant-e-s qu’il devrait « accueillir » ;
  3. l’arrogance des membres du groupe de travail face aux médecins de la Polyclinique médicale (PMU).
La lecture du rapport, que nous avons également consulté, nous apprend que les responsables du SPOP et de l’EVAM envisagent de modifier la loi, quand ce n’est pas tout simplement de la contourner et de l’ignorer. Ils proposent ainsi d’assouplir la décision du Grand Conseil du 18 décembre 2007 qui interdit toute arrestation dans les locaux du SPOP (pt.3.4 du rapport), et de restreindre les possibilités de régularisation telles que le prévoit l’art. 14 de la Loi fédérale sur l’asile (LAsi) (pt.8.2).
Il est inacceptable que des employé-e-s de l’Etat s’arrogent le droit d’envisager de violer la loi.
Toujours dans le but de faire diminuer le nombre de personnes à l’aide d’urgence, le groupe de travail envisage une série de mesures pour leur rendre la vie la plus dure possible.
Le misérable papier blanc (le fameux document sur lequel ne figure pas la photo de la personne concernée mais qui représente jusqu’à présent la seule reconnaissance de son existence légale) devient dangereux : il pourrait être utilisé comme papier d'identité !!! Pour éviter cela, le SPOP et l’EVAM proposent de raccourcir la durée de validité de l’octroi de l’aide d’urgence et de ne plus remettre systématiquement de décision écrite. Réduire drastiquement la durée de validité de l’attestation d’aide d’urgence à un jour par exemple, va à l’encontre des règles générales du droit administratif, comme le reconnaissent même les auteurs du rapport (pt. 3.1 du rapport).
Ceux-ci préconisent aussi de faire déménager de manière totalement aléatoire les réfugiés à chaque renouvellement de leur aide d’urgence. Cette mesure doit permettre de les « dynamiser ». (pt.4.7) On retrouve ici une notion qui vient directement du canton Zürich où elle été néanmoins abolie étant donné qu’elle rendait les gens fous.
Autre mesure : isoler les centres d’aide d’urgence dans la montagne. (pt. 4.2) Le groupe de travail pense à l’arc jurassien. Nous ne sommes pas persuadés que les bénéfices de l’air frais de la montagne effacent l’inhumanité d’une telle mise à l’écart.
Après analyse de la situation, le groupe de travail est catégorique : l’hébergement en foyer collectif est le seul mode d’hébergement véritablement dissuasif (pt.4.1). Femmes, hommes et enfants en abris PC ? C’est bientôt une réalité si on en croit ce rapport, bien que les responsables de l’EVAM déclarent régulièrement qu’il s’agit là de « la pire des solutions ».
Il y a malheureusement un problème avec les recours possibles contre cette mesure et les attestations de vulnérabilité établies par les médecins de la Polyclinique médicale (PMU) en faveur de leurs patient-e-s les plus vulnérables, peut-on lire dans le rapport. Les membres du groupe de travail soupçonnent ainsi les médecins de ne pas savoir faire leur travail et d’évaluer la gravité des problèmes médicaux sur la base de critères politiques. Il nous semble que l’EVAM a déjà trouvé comment éliminer le deuxième problème, les certificats médicaux seront de moins en moins pris en considération (pt.7.2). On attend la réaction des médecins concernés. 

Les responsables politiques doivent intervenir !

Le rapport du groupe de travail SPOP-EVAM, dont le Courrier se fait l’écho aujourd’hui, éclaire donc clairement les pratiques qui ont cours actuellement en matière d’asile dans le canton. On s’étonne moins de voir avancer ainsi main dans la main les deux services maintenant que le chef du premier est arrivé à la tête du second. Néanmoins, ce groupe de travail a dû se réunir bien avant.
Dans l’enquête publiée par le Courrier, Philippe Leuba, non content d’afficher un mépris certain face aux travailleurs de l’EVAM qui ont eu le courage de dénoncer ces pratiques, se cache derrière un mandat que le Conseil d’Etat lui aurait donné. Nous aimerions bien avoir le point de vue de ses collègues de l’exécutif sur la réalisation et les conclusions de ce rapport.
Quoi qu’il en soit, les responsables de l’EVAM et du SPOP mentent sur leurs pratiques et leurs intentions. Leurs déclarations habituelles dans la presse sur leur impossibilité à agir sur un cadre fédéral restrictif, les problèmes d’hébergement auquel l’EVAM serait confronté, tout ceci ne tient plus face à un rapport aussi accablant que ne l’est celui dont nous avons désormais connaissance. D’autre part, et contrairement à ce qu’affirme son ministre de tutelle, certaines de ces mesures sont déjà en vigueur, comme nous les avons déjà dénoncées au cours des derniers mois.
Nous demandons que les député-e-s du Grand Conseil se saisissent du dossier et enquêtent sur ces pratiques ; nous demandons que le Conseil d’Etat retire à Philippe Leuba la gestion de l’asile, lâchement abandonné par la majorité rose-verte au début de la législature.

Collectif Droit de rester, 19 novembre 2012.

dimanche 18 novembre 2012

Vivre entre colère, espoir et désespoir

Je n'ai jamais pu aller à l'école en Afrique, ma famille n'avait pas l'argent pour m'y envoyer . Comment m'en sortir alors que j'étais analphabète, je ne savais pas lire, je ne savais pas compter, je ne savais pas communiquer. J'ai beaucoup souffert , j'étais en colère, j'ai décidé que mes frères et sœurs n'auraient pas à vivre la même chose. J'ai décidé de trouver un travail. Pleine d'espoir, je suis partie à la ville et... je suis devenue esclave. Menacée, j'ai réussi à m'enfuir. J'ai quitté mon pays en larmes, je ne pouvais plus y rester.
J'ai traversé la Méditerranée dans un caisson... je n'ai pas vu la mer !
J'ai demandé l'asile en Suisse en 2005. J'ai tout raconté à l'audition, je pensais que les autorités d'un pays libre et riche pouvaient m'aider. Je suis devenue une requérante d'asile, puis une déboutée. J'ai beaucoup souffert, j'ai fait des séjours en hôpital psychiatrique, j'ai vécu dans l'angoisse permanente d'un renvoi de force. Je savais que je ne pouvais pas retourner dans mon pays mais ici on ne me voulait pas. Je n'avais nulle part ailleurs où aller. Malgré ma souffrance, j'ai appris à lire, à écrire, à me défendre et à lutter pour ma survie.
Pendant 7 ans, ma vie a basculé du désespoir à l'espoir et de l'espoir au désespoir, pendant toutes ces années j'ai tremblé chaque fois qu'une lettre de Berne m'arrivait. Ma santé s'est dégradée. J'étais dans une situation inhumaine, difficile à vive : sans argent, sans possibilité de travail, avec un papier blanc comme seul papier d'identité. Ma colère contre l'injustice, la solidarité avec d'autres personnes dans la même situation que moi m'ont aidée à survivre .
Finalement j'ai eu un permis F, j'ai tout de suite trouvé un travail. Maintenant j'ai un permis B et je suis heureuse. Je suis indépendante, libre, je peux finalement aider mes frères et sœurs resté.e.s au pays.

Une migrante

Pourquoi autant de souffrance ?
Pourquoi des années perdues enfermée dans des centres ?
Pourquoi ce mépris de la vie d’êtres humains qui demandent protection ?

Stop à la violence d’Etat qui détruit des personnes
13.11.12

Face à la révision de la loi sur l’asile : non, nous ne nous résignons pas !


La Loi fédérale sur l’asile (LAsi) vient de subir un noveau tour de vis. Désormais, il n’est plus possible de déposer une demande d’asile dasn une ambassade suisse ; plus possible non plus de demander protection en cas de désertion d’une armée en guerre ; le Conseil est autorisé à mener des « essais » dans les procédures, comme par exemple réduire les délais de recours. La révision, adoptée à une écrasante majorité par le Parlement le 28 septembre, est entrée en vigueur le lendemain, sous prétexte de l’urgence. 
Ce nouveau durcissement de la LAsi vide encore plus de sa substance un texte qui devrait pourtant servir à secourir les personnes qui viennent demander protection à un pays qui se targue d’être la Patrie des droits humains. Il est plus que jamais nécessaire de résister au démantèlement du droit d’asile et à la violation conséquente et bien réelle des droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Que faire face à cette spirale de durcissements subis depuis l’entrée en vigueur de la LAsi en 1981 ? Que faire pourtant face à un Parlement qui adopte en masse (à 122 contre 49 voix au Conseil national et 36 contre 9 au Conseil des Etats) cette nouvelle révision ? Les Parlementaires de gauche, que l’on attendait plus critiques, plus près des valeurs de justice sociale et d’égalité, n’ont pas répondu présent-e-s. Comment dès lors s’opposer à des lois déjà entrées en vigueur ?
Une coalition d’associations et de partis ont opté pour la voie référendaire. Face aux nouvelles dégradations du droit d’asile, ces militant-e-s n’ont pas vu d’autres réponse possible que la récolte des 50'000 signatures nécessaires pour faire se prononcer le « peuple », c’est-à-dire les citoyen-ne-s majeur-es et légaux, et non les habitant-e-s de ce pays. Cette coalition espère faire entendre la voix de la résistance et rassembler un large front de soutien durant la campagne référendaire. Les personnes qui désirent joindre le mouvement et signer le référendum peuvent le faire sur www.asile.ch.
Le Collectif Droit de rester a décidé de ne pas rejoindre le comité référendaire et ne participera pas à la récolte des signatures. Et pourtant nous ne nous résignons pas ! Au contraire, nous allons continuer, comme nous le faisons malheureusement depuis trop longtemps, à combattre sur le terrain l’application de ces lois iniques et à apporter concrètement notre solidarité aux refugié-e-s débouté-e-s, en désobéissant s’il le faut – puisqu’il le faut.
Notre décision de ne pas rejoindre le mouvement référendaire tient principalement en trois raisons :
1)       Nous rejetons en bloc la LAsi et pas uniquement les nouvelles modifications. Nous refusons de participer à la légitimation par le « peuple » de ces changements.
2)       Nous sommes présent-e-s par nos actions de solidarité auprès des migrant-e-s qui vivent actuellement dans des conditions indignes d’êtres humains. Les débouté-e-s de l’asile sont logé-e-s la nuit dans des abris de protections civiles froids et mal ventilés, sans espace privatif, et èrent le jour en comptant les heures, sans droit au travail, sans moyen de subsistance. Dans le canton de Vaud uniquement, on compte actuellement plus de 890 personnes (hommes, femmes et enfants) qui (sur)vivent à l’aide d’urgence.
La récolte des signatures pour un référendum nous éloigne de notre action sur le terrain. Or, après ce référendum, il faudra en lancer un second lorsque la loi sera à nouveau révisé en décembre, puis un troisième en 2013…
Il faut impérativement résister aux lois sur le terrain, par des actions de désobéissances civiles qui doivent prendre deux formes : des actions de protestations symboliques comme par exemple l’occupation de centres de détention administrative ; des actions de désobéissance civile menées par toutes les personnes qui, dans le cadre de leurs fonctions, sont amenées à exercer la LAsi : policiers, assistant-e-s sociaux, fonctionnaires, refusez de dénoncer, de renvoyer, de déloger des êtres humains sous le seul motif qu’ils ne sont pas ce qu’ils devraient être !
3)       Nous ne voulons plus être confiné-e-s sur le terrain que nous désigne le monde politique dominant. Non, nous ne voulons plus avoir à répondre encore et toujours aux discours d’abus, d’urgence, de surpopulation étrangère. Nous qui sommes des migrant-e-s, nous qui contoyons des migrant-e-s, nous avons un autre discours à tenir et un autre projet à défendre. Nous sommes toutes et tous des êtres humains avec des droits fondamentaux (droit à la dignité, droit au logement, droit à la vie privée, droit à la formation, droit au travail, etc) et nous refusons d’être enfermé-e-s dans un débat stérile entre « nous » et « eux », entre « les légaux » et les « illégaux », les « bons étrangers » et les « mauvais étrangers ».
Par conséquent, nous ne participerons pas à la campagne référendaire. Nous ne pouvons qu’encourager nos camarades dans leur combat politique et souhaiter qu’effectivement cette nouvelle lutte éveille quelques consciences et vienne renforcer le front de résistance à la xénophobie montante. Les personnes qui désirent signer le référendum sont invitées à le télécharger depuis www.asile.ch.
Le collectif Droit de rester continue à dénoncer l’application du droit d’asile, qui n’en est plus un et qui s’est transformé en machine à broyer la dignité.
Nous demandons :
- la fin de la détention administrative et des vols spéciaux
- la fin du régime d’aide d’urgence qui prive les requérant-e-s d’asile débouté-e-s du droit au travail et à la dignité
- la fin des déplacements forcés d’un centre à l’autre pour les requérants d’asile débouté-e-s
- la régularisation de tou-te-s les habitant-e-s de Suisse la reconnaissance de nos droits
- une nouvelle loi sur l’asile qui tienne compte des engagements internationaux de la Suisse