samedi 30 novembre 2013

Le dossier numéro 530 275 de l'ODM...

« C'est un cri du coeur ouvert à la Conseillère fédérale de justice et police » 

Chère Madame la Conseillère fédérale, pendant mon dernier séjour en clinique psychiatrique à Cery, j’ai fait un rêve singulier : J'étais Jésus…

Normalement Jésus est ma personnalité préférée. La montagne des Oliviers… Le climat méditerranéen… Je suis entouré par mes disciples… La foule m’écoute…
« Je suis la lumière ; celui qui m’écoute ne marchera jamais dans les ténèbres…
Je leur demande : Que voulez-vous que je vous fasse ? Ils me répondent : Que nos yeux s’ouvrent… Les passants se demandent : Qui est celui-ci ? Et la foule répond :    C’est Jésus, le prophète, de Budapest »  J’adore ça ! C'est comme un conte de fée...

Mais cette fois, Madame la Conseillère fédérale, tout était autrement. Peut-être c’est à cause d’un nouveau médicament… Je vais vous raconter.

C’était à l’aéroport de Zurich. Une femme, en uniforme de l’office des migrations, a pris ma main.
- Mon Dieu, me disait-elle en hongrois... Vous êtes victime d’un complot. On veut vous crucifier.
- Relaxez-vous, Madame, nous sommes en Suisse. Je suis sauvé.
- Non. Vous vous trompez. Ce n’est pas la Suisse, c’est un département qui s’appelle « Asile ». Ils veulent vous crucifier.

J’ai tout compris. La pauvre femme… « C’est un esprit impur qui la rendait malade.  J’étendis la main, et dis : Esprit impur, tais-toi, et sors de cette femme ! »

- Monsieur Jésus, s’il vous plaît, soyez sérieux. Je veux vous protéger. J’écrirai que vous êtes sorcier.
-Quoi ? Un sorcier ? Madame, comment pouvez-vous dire une chose pareille ?  Je suis médecin. J’ai mon diplôme, voyez…
- Je sais que vous êtes médecin. Dans le temps on parlait beaucoup de vous… Croyez-moi ! Les gens dont je vous parle sont superstitieux, ils ont peur des sorciers. Ça peut vous protéger.

« De nouveau je levai la main, et dis : Esprit impur, je te l’ordonne, sors de cette femme, et n’y rentre plus »

- Arrêtez-vous… O.K. Pas de sorcier. J’écris, profession : « spiritueller Heiler ». Avec ça on peut gagner du temps.

Mais qu'est-ce que tout ça ?!
« Comme je faisais beaucoup de bruit, arriva une foule armée de bâtons... Ces gens contrôlèrent mes papiers et ligotant mes mains, ils me conduisirent dans la maison des principaux sacrificateurs »

Qu'y a-t-il écrit sur la façade ? « Le Sanhédrin, le département d’asile »
- Mes amis ! Mais pourquoi l’asile ...? Rendez-moi mon passeport et autorisez mon transfert vers la Hongrie selon l’art. 23 let. a, b et d  LAsi. C’est ma nouvelle patrie. J’ai ma maison là-bas.

« Mais ils ne m’écoutèrent pas, ils me poussèrent à l’intérieur où s'assemblèrent tous les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin. Le souverain sacrificateur m’interrogea sur mes convictions spirituelles et sociales … »

Mes convictions... Comment les expliquer dans une ambiance pareille ?

Je me suis réveillé dans le centre d’hébergement pour requérants d’asile à Crissier.
« Ainsi fut accompli ce que dit l'Écriture : Il a été mis au nombre des malfaiteurs »

Il s’est passé deux longues années…  

En été 2011 je suis sorti de nouveau de l’hôpital. Mon médecin a décidé d’envoyer un rapport médical au Sanhédrin, pour faire bouger les choses. J’ai pris ce rapport, je l’ai mis sous enveloppe et une pensée stupide a traversé ma tête : « Si je me cache dans cette enveloppe, je peux gratuitement aller à Berne et regarder ce qui se passe avec mon dossier ».

J’ai le syndrome de dissociation. Ça veut dire que parfois je m’occupe de mes affaires et je laisse mon corps faire ce qu’il veut et où il veut.

Sans trop réfléchir, je me suis glissé entre les pages de ce rapport médical…

Je dois dire que la poste en Suisse fonctionne bien. Le lendemain, je suis arrivé très confortablement au Sanhédrin. La secrétaire m’a mis dans mon dossier dans l’armoire et... j’ai réalisé que pendant tout ce temps personne ne s’est intéressé à mon dossier. Il y avait beaucoup de poussière… Je suis allergique à ça. J’ai crié…

Un jour, un Monsieur, dont je ne connais pas encore le nom, ouvrant l’armoire a dit :
- C’est quoi tout ce bordel ! On ne peut plus travailler comme ça ! Vous avez entendu la directive de la Ministre ? Il faut accélérer la procédure !

- Merci Monsieur.

Prenant mon dossier, sans l'avoir lu, il nous a jetés à la poubelle.
J’ai perdu le don de la parole... C’est ça que vous appelez l’accélération ?! 
Le soir, la femme de ménage, polie, tranquille et un peu triste, a remarqué mon nom sur le dossier dans la poubelle. Elle a pris mon dossier dans ses bras, elle l’a nettoyé soigneusement et priant elle l’a mis sur la table du Monsieur.  Et j’ai compris que des gens en Suisse… ils m’aiment. Merci.

Le 2 septembre 2011.  
Dossier numéro 530 275. Nom - Jésus. Adresse - Budapest. Profession - médecin.
- Hm… Qu’est-ce qu’il fait ici ?

« Le requérant a déposé une demande d’asile à l’aéroport de Zurich, le 20 août 2009.
Il a fait l’objet d’une audition sur les données personnelles le 24 août 2009. Il a été auditionné sur ses motifs d’asile, au sens de l’art. 29 al. 1 LAsi, le 28 août 2009.
Le 3 septembre 2009, l’ODM a rejeté sa demande d’asile au sens de l’art. 3 LAsi et prononcé son renvoi. Le 15 octobre 2009, il a été admis à entrer en Suisse en raison de la durée de la procédure de recours engagée suite au recours formulé le 9 septembre 2009 auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision matérielle négative de l’ODM du 3 septembre 2009 ».

Où se trouve la réponse du TAF ? Où ont-ils mis la réponse du TAF ?
- Est-ce que quelqu’un a vu la réponse du TAF ?
- On peut demander la copie.
- La copie… Il s’est passé déjà deux ans… Qu’est-ce qu’ils vont penser de nous ?
Essayons de penser logiquement... Donc, si le requérant, en attendant, se trouve en Suisse, cela veut dire que le Tribunal a annulé notre décision du 3 septembre 2009...
- Oui, c’est logique.
Qu’a-t-il dit à le deuxième interview ?
- Où se trouve le deuxième interview ?
Il n’y a pas eu de deuxième interview ?!  Tiens, tiens !
- Que va-t-on faire ? Lui accorder le deuxième interview… après deux ans... ?
Mais que pensera-t-on de nous… Non, ça ne va pas.  Ecrivons :

« ... Dans la mesure où les déclarations du requérant ne satisfont pas aux conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié selon l’art. 3 LAsi, l’Autorité peut se dispenser d’examiner leur vraisemblance.

En conséquence, le requérant n’a pas la qualité de réfugié et sa demande d’asile doit être rejetée ».
                                                     O.K. Je signe…

Qui va signer ?   Je lis… Spécialiste Asile  M. Judas  

Afin que vous reconnaissiez la certitude de ce récit, Madame la Ministre, il me semble bon de vous exposer une conversation qui a eu lieu le 12 mars 2012. 
« C'était le matin. Monsieur Judas conduisit mon dossier au Prétoire. Il n'entra point lui-même dans le tribunal, afin de ne pas se souiller... Mais, comme c'était parmi eux une coutume, le juge sortit donc pour discuter avec lui… »

- Bonjour Monsieur Judas.
- Bonjour Monsieur Pilate.

Le nom du juge - Pilate ?! Oh, non. C'est trop ! C’est mauvais signe.
« Je criai : S'il est possible, éloignez de moi cette coupe ! »

Le juge Pilate prit le dossier. Il lit mon nom.
- Quelle accusation portez-vous contre lui ?
« Nous avons trouvé cet homme excitant la nation à la révolte, en enseignant partout sa doctrine, depuis la Hongrie où il a commencé, jusqu'ici »
- Que voulez vous donc que je fasse ?
- Crucifiez-le.
- Crucifier Jésus ?!  « Mais quel mal a-t-il fait à vous ? 

- Ce n’est pas lui, c’est son dossier. Après sa crucifixion on pourra l’effacer. « Il est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple » sinon la réputation de tout notre département ... De plus, je peux perdre ma place de travail…

- Cet argument est grave. Je dois étudier le dossier…

Le dossier numéro 530 275. L’audition sur les données personnelles du 24 août 2009. L’audition de l’ODM sur les motifs d’asile du 28 août 2009, les 17 pages. Le rejet de la demande d’asile au sens de l’art. 3 LAsi, du 3 septembre 2009…

Seulement cinq jours, week-end inclus, pour examiner attentivement… ?!

- Vous travaillez très efficacement, Monsieur Judas.
- Ce n’est pas moi. C’était avant mon arrivée à l’Office. 

Le rejet du 3 septembre 2009   « Der Gesuchsteller, ein 51-jähriger spiritueller Heiler aus ….........., stammt gebürtig aus …............. »  ?!

- Monsieur Judas, êtes-vous sûr que ce document concerne Jésus ?
- Bien sur Monsieur Pilate, regardez le numéro… 

Oui. C’est son numéro. Pourtant c’est étrange… Ils ont changé son lieu de naissance, sa nationalité et sa profession...
- Pourquoi l’art. 23 let. a, b et d  LAsi n’a-t-il pas été appliqué à l’aéroport ?
- Une petite négligence… « NEM » selon l’art. 3 ou l’art. 23… cela nous est égal.
Page 6   « … In anbetracht des vorliegenden Sachverhaltes muss allerdings der Schluss gezogen werden, dass die vom Gesuchsteller vorgebrachten Verfolgungsmassnahmen als zu wenig intensiv zu werten sind… »  ?!

C’est chez nous, en Suisse, que les collègues de Monsieur Judas considèrent les souffrances de Jésus comme ... pas assez intensives ?! « Mais c’est du blasphème ! » 

- Monsieur Judas… Vous-même, avez-vous lu l’histoire de Jésus ?
- Chez nous, monsieur Pilate, il est interdit de lire les histoires que racontent les hérétiques.
- Vraiment ? C’est comme ça que vous…?! Mais cela n’a pas d’importance. En tout cas je vais annuler cette décision de l’ODM du 3 septembre 2009. En plus j’ai le rapport de son médecin traitant qui prouve que pendant plusieurs années, avant son arrivée en Suisse, il a subi une pression psychique insupportable. L’Art. 3 al. 2 LAsi.

« Je n'ai rien trouvé en ce dossier qui mérite la mort. Je relâcherai donc Jésus… »

- Monsieur Pilate, regardez ma décision du 2 septembre 2011...  

La décision du 2 septembre 2011    « ... »  ?!

- Monsieur Judas, est-ce que vous fumez du ...
- Ne vous énervez pas, Monsieur Pilate. Cette décision a déjà été annulée.
- Annulée ? Mais... par qui ?
- Par moi. Regardez ma décision du 19 septembre 2011.

La décision du 19 septembre 2011    « ... Votre mandant a déposé une demande d'asile en Suisse le 20 août 2009. Celle-ci a fait l'objet d’une décision négative le 3 septembre 2009, décision contre laquelle son mandataire d'alors avait formulé un recours le 10 septembre 2009.
Ce recours étant toujours pendant et la décision devant le Tribunal administratif fédéral et la décision du 20 août 2009 n'étant pas entrée en force, nous annulons par la présente notre décision du 2 septembre 2011... »  ?!

- Mais c'est une diablerie...  Dans ma pratique je n’ai jamais vu le dossier pareil...

- Monsieur Pilate...  « Nous avons une loi... et selon cette loi Jésus doit mourir... »
- Qu’est-ce que cette loi ?! 
- C’est l’instruction d’en haut...

« Pilate, voyant qu'il ne gagnera rien, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit : Afin que vous sachiez. Je suis innocent du sang de ce juste. Cela regarde le département d’asile ! »
- Ce que vous demandez sera fait. Je vais écrire l’arrêt du 12 mars 2012.
- Monsieur Pilate, fumez un peu, ça vous aidera.

« Je propose que Jésus soit pris en charge par les psychiatres de son pays d’origine »

- C’est très cynique, monsieur Pilate… Vous savez bien que dans son pays d’origine la psychiatrie depuis toujours est à la solde de l’Etat. Avec ses convictions spirituelles et sociales Jésus très rapidement finira en prison. Rappelez-vous ce fameux procès de trois jeunes femmes : une prière non autorisée, une peine de deux ans de prison. Là-bas Jésus peut être condamné à perpétuité. Cela Dieu ne nous pardonnera jamais et Humans Rights Watch non plus.  La simple crucifixion sera plus que suffisante…

- Mais pourquoi la crucifixion ?
- Dans le cas de Jésus nous pourrions écrire dans notre rapport : L’acte de regroupement familial… Dieu l’a amené chez nous, et maintenant nous…
   « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »

Votre Monsieur Judas, Madame la Ministre, est très dangereux. Une fois il a mis un sac de plastique sur ma tête et il a dit : « Étouffe-toi, étouffe-toi ». Une autre fois il m’a mis sur le balcon pendant la nuit et il a dit : « Saute, saute ». Une dernière fois il a attaché une corde au plafond de ma chambre et il a crié : « Pends-toi, pends-toi »
Il me fatigue…
- Pends-toi toi-même, si tu veux ! Je ne le veux pas ! 

Mais il insiste… Il vient souvent pendant la nuit dans ma chambre et il insiste, insiste, insiste…

Chaque fois que j’ouvre mon dossier, Monsieur Judas me dit : Je suis ton dieu…
« Le tentateur me montra les Alpes dans toute leur gloire, et il me dit : Regarde à l’orient. Au delà de ces belles montagnes, se trouve la Hongrie. Je te transférerai là-bas, si tu te prosternes et m'adores. Je lui dis : Retire-toi ! J’insiste pour que la justice lise mon dossier »

« Le diable me transporta au tribunal. Il me montra le symbole de la justice - une femme avec les yeux bandés et une balance en mains. Et il me dit : Naïf, tu espères qu’elle le lira… Ha ! Ha ! Ha ! »

Chère Madame la Ministre, je n’en peux plus... S’il vous plaît examinez vous-même le dossier numéro 530 275. Assurez-moi que tout ce cauchemar n'a aucun rapport avec mon dossier, que je délire…


P.S. - Au secours !!!

Annexe : Loi sur l’asile (LAsi)  du 26 juin 1998
 Art. 3 Définition du terme de réfugié 1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. 2 Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable.
 Art. 23 Renvoi préventif à l’aéroport
 1 Lorsque l’office n’autorise pas le requérant à entrer en Suisse à l’aéroport, il peut le renvoyer préventivement si la poursuite de son voyage vers un Etat tiers est possible et licite et qu’elle peut raisonnablement être exigée de lui, notamment :a. si cet Etat est compétent pour traiter sa demande d’asile en vertu d’une convention ;
b. si le requérant y a séjourné auparavant et qu’il peut y retourner et y demander protection ;
c. si le requérant possède un visa pour cet Etat tiers ;d. si de proches parents ou d’autres personnes avec lesquelles il a des liens étroits y vivent.
 2 Le renvoi préventif est immédiatement exécutoire si l’office n’en décide pas autrement.

En août 2009 l’office a décidé autrement. Je n’ai pas été renvoyé vers la Hongrie.
Pourquoi ? Je ne sais pas. Personne ne juge nécessaire de me l’expliquer…



mardi 26 novembre 2013

Jeune femme menacée de renvoi en Hongrie


7 novembre 2013  Sonia est une jeune femme kosovare qui a demandé l’asile en Suisse. L’ODM a décidé qu’elle sera renvoyée en Hongrie, pays par lequel elle a transité. Elle raconte son passage en Hongrie :
J’ai été arrêtée à la frontière. Les gardes m’ont conduite dans un centre de détention où j’ai été fouillée. J’ai été complètement déshabillée pour la fouille ce qui était humiliant et terrorisant. Ensuite, j’ai été enfermée dans une cellule avec une vingtaine d’autres femmes. On ne m’a pratiquement rien donné à mangé pendant 24 heures, seulement un peu de pain. Il fallait supplier et crier pour pouvoir se rendre aux toilettes. Les matelas étaient posés directement par terre, sans draps ni couvertures. Il faisait très froid. Le lendemain on m’a amenée dans un centre surveillé, dans les mêmes conditions, dans une grande pièce sans commodités aucune, où on ne m’a donné qu’une fois un peu de pain à manger en tout et pour tout. J’ai prétexté vouloir aller faire une course et les gardiens m’ont laissée sortir. Je me suis enfuie avec une famille en abandonnant mes affaires dans ce centre.

En Hongrie, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont en-dessous des normes minimales. La loi prévoit de nombreux motifs de détention des requérants d’asile et la détention est prononcée de manière quasi-automatique pour 6 mois. Il n’y a pas de voie de recours indépendante. Les centres sont surpeuplés (celui de Debrecen accueille plus de 1'300 personnes), infestés par la vermine et les conditions d’hygiène sont déplorables. (cf. Hungarian Helsinki Committee, Brief Information Note on The Main Asylum-Related Legal Changes in Hungary as of 1 July 2013, en ligne)

Nous sommes inquiets de la décision de l’ODM de renvoyer Sonia en Hongrie. Elle est une jeune femme à la santé psychique fragile. Elle n’a aucune famille ni aucun soutien là-bas, et le risque de prostitution forcée est très élevé compte tenu des trafics importants qui sévissent dans toute la région, de son origine kosovare et de l’absence totale de protection pour elle sur place. Elle n’a jamais vécu en Hongrie. Elle est susceptible de se retrouver là-bas dans une situation d’extrême vulnérabilité et d’abus.

Le SPOP, à qui cette situation a été dûment signalée, notamment par le médecin psychiatre qui suit la jeune femme, la menace d’appeler les policiers pour qu’ils aillent la chercher à son domicile et la renvoient de force. Elle vit dans la peur. Ces menaces sont lourdes compte tenu de l’insécurité dans laquelle Sonia se retrouverait si elle était renvoyée en Hongrie.

lundi 4 novembre 2013

L’EVAM supprime les prestations d’urgence



30 octobre 2013 Douardo a reçu une décision de rejet de sa demande d’asile au motif qu’il n’a pas apporté de preuves suffisantes. Il survit donc à l’aide d’urgence et avait été placé par l’EVAM dans l’abri de protection civile de Pully, qui est une espèce de cave en béton où les résidents dorment dans des dortoirs collectifs, sur des couchettes superposées, et sont expulsés de l’abri pendant la journée jusqu’à 18 heures. Après plusieurs mois de ces conditions éprouvantes, Douardo se met en ménage commun avec sa fiancée, qui habite à Yverdon.
L’EVAM a royalement ignoré le changement de situation et enregistré ce déménagement à son propre crédit, l’air de rien, en déclarant simplement à Douardo qu’une place lui est toujours réservée dans l’abri de protection civile, en cas de besoin, et qu’il peut chaque jour aller y chercher son sandwich de midi (avant 9 h 00), ou y prendre le repas du soir (après 18 h).
Huit mois plus tard, Douardo en parle à son mandataire qui l’aide à demander le versement des prestations d’aide d’urgence à l’EVAM, conformément à la jurisprudence du Tribunal cantonal PS.2011.0042 du 10 janvier 2012, qui dit que les prestations ne sont interrompues que si l’entretien est effectivement pris en charge par un tiers. En l’occurrence, Douardo ne peut pas être pris en charge par sa fiancée qui reçoit elle-même l’aide sociale et qui est enceinte.
L’EVAM a refusé de verser les prestations rétroactivement à la date de leur suppression. La raison en est que cette aide est « subsidiaire ». Cela signifie que, puisque Douardo n’est pas mort de faim au cours de ces huit mois, c’est bien la preuve qu’il n’avait pas véritablement besoin des prestations d’urgence.
Donc, pour faire des économies budgétaires, la solution pour l’EVAM est très simple. Les prestations sont supprimées en informant oralement les intéressés qui vivent avec leurs proches qu’ils peuvent toujours aller chercher le sandwich de midi ou le repas du soir, s’ils en ont vraiment besoin, dans un lieu déterminé par l’EVAM, en l’occurrence pour Douardo, à quelques 30 km de son domicile. Ils n’ont par ailleurs pas droit aux titres de transport qui ne font pas partie du droit fondamental au minimum vital, et ils doivent s’y rendre à pieds ou aux frais d’autrui. S’ils ne s’y rendent pas, l’EVAM pourra toujours affirmer qu’ils ne « demandent » pas l’aide d’urgence et qu’ils ne sont pas du tout obligés de la recevoir. L’autorité économise ainsi sur les prestations jusqu’à ce que les intéressés, finalement, parviennent à prendre contact avec un mandataire qui les aide à faire une demande officielle, écrite et motivée. Pour Douardo, les économies sur l’aide d’urgence se montent à environ 9,50 frs par jour pour l’entretien et 300 frs par mois pour le loyer soit un total, sur les huit mois, de 4'730 frs.
Le Tribunal fédéral a jugé que l’aide d’urgence se confond avec le droit fondamental au minimum vital et qu’en aucun cas les prestations dont la survie du requérant dépend ne peuvent être supprimées. Il y a un monde entre la définition de notre beau droit tel que les autorités et les tribunaux l’idéalisent à l’attention du public, et la réalité que vivent au quotidien les personnes contraintes de se conformer aux instructions de l’EVAM sur leur vie quotidienne.