lundi 14 décembre 2020

Faire-part

 



 

Arrivé à 19 ans en Suisse en octobre 2009, où il avait déposé une demande d’asile, Abdoul Mariga, titulaire d’un CFC en restauration, travaillait comme cuisiner au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Son employeur le décrivait comme un jeune homme exigeant, soigneux, respectueux, de très bonne sociabilité, apprécié de son entourage et investi dans son travail, « un collaborateur sur qui nous pouvons pleinement compter ». D’après d’autres témoignages de son entourage, Abdoul était persévérant, déterminé dans ses apprentissages et il avait montré beaucoup de courage pour mener à bien sa formation professionnelle, réussie avec succès.

Renvoyé en Guinée par la force le 6 novembre 2019, Abdoul Mariga s’est retrouvé seul à Conakry, sans logement et rapidement désargenté. Il a survécu sur place grâce à son dernier salaire du CHUV puis grâce à l’aide privée d’amis suisses. Sa santé s’est vite dégradée et il n’a pas pu avoir accès aux soins médicaux. Il a été hospitalisé alors qu’il se trouvait au plus mal et est décédé quelques jours plus tard, seul, sans l’accompagnement d’aucun proche. Cette terrible nouvelle nous laisse dans l’incrédulité et la colère, ainsi que dans une profonde tristesse.

 

Voici un témoignage d’Abdoul Mariga qui décrit sa situation et sa détresse à Conakry :

 « Ma santé ne va pas bien. Mes bras et mes jambes s’endorment. Ça a commencé pendant ma détention en Suisse, avant l’exécution du renvoi, et maintenant c’est de plus en plus fréquent. J’ai des vertiges et parfois je perds l’équilibre et je tombe. J’ai été à l’hôpital au début, mais je n’ai plus accès, faute d’argent. J’ai pris un traitement quelque temps, mais maintenant c’est fini, je n’ai plus de médicaments et plus de soins.

 Même me loger devient très difficile. Je suis là avec beaucoup d’angoisses parce que les prochains jours, je ne sais pas comment je vais être. Je vis très difficilement ici et chaque fois que la police me contrôle, ils me prennent tout l’argent que j’ai sur moi. Chaque sortie est risquée et me fait perdre encore mes moyens pour vivre.

 Le ministre de la sécurité a refusé de me donner un document de circulation. Je n’ai pas la nationalité guinéenne et pas de papier d’identité et je risque à tout moment d’être expulsé. J’ai pris un avocat pour avoir un permis de circulation. Mon avocat a saisi la Présidente du Tribunal de première instance de Kaloum. Mardi 25 février 2020, j’ai été convoqué devant le juge du tribunal de Kaloum. Actuellement, la procédure n’a pas abouti et je n’ai plus de moyen de recours et plus d’argent pour payer mon avocat.

  Je suis malade je ne dors plus. Partout quand je vais dans les hôtels on me demande un passeport et si je sors pour manger, je risque de me faire arrêter par la police et racketter. Pour le logement, on me demande de payer 8 à 12 mois d’avance, ce que je ne peux pas. Je suis complètement bouleversé, des fois, je ne mange pas. Je paie seulement l’hôtel. C’est trop difficile pour moi. »

  Sans ce renvoi décidé par le SEM, Abdoul Mariga serait certainement toujours en vie et contribuerait aujourd’hui encore aux services essentiels du CHUV, tant estimé en ces temps de pandémie. Son destin était dans vos mains. Nous vous tenons responsables de ce décès. Malgré les interventions de son avocate, vous avez persisté dans votre décision alors même que le canton de Vaud vous avait demandé de lui accorder un permis pour cas de rigueur après 10 ans de séjour en Suisse.

Pourquoi lui avoir refusé ce permis ?

Renvoyé dans l’indifférence, décédé dans la solitude : la vie brisée d’Abdoul Mariga

 Le 6 novembre 2019, Adboul Mariga, 29 ans, cuisinier au CHUV, a été renvoyé de Suisse par la contrainte, en Guinée. Le 17 octobre 2020, il décédait, seul, dans un hôpital de Conakry, probablement des suites d’une hépatite B. Le collectif Droit de Rester avait publiquement dénoncé ce renvoi d’un jeune homme très intégré vers un pays où il n’avait aucune attache.

«Ma santé ne va pas bien. Mes bras et mes jambes sendorment. Ça a commencé pendant ma détention en Suisse, avant lexécution du renvoi, et maintenant cest de plus en plus fréquent. Jai des vertiges et parfois je perds l’équilibre et je tombe.

Jai été à lhôpital au début, mais je nai plus accès, faute dargent. Jai pris un traitement quelque temps, mais maintenant cest fini, je nai plus de médicaments et plus de soins. Même me loger devient très difficile. Je suis là avec beaucoup dangoisses parce que les prochains jours, je ne sais pas comment je vais être.

Je suis malade je ne dors plus. Partout quand je vais dans les hôtels on me demande un passeport et si je sors pour manger, je risque de me faire arrêter par la police et racketter. Pour le logement, on me demande de payer 8 à 12 mois davance, ce que je ne peux pas. Je suis complètement bouleversé, des fois, je ne mange pas. Je paie seulement lhôtel. Cest trop difficile pour moi.»

Abdoul Mariga, septembre 2020

 

Abdoul était arrivé à l’âge de 19 ans en Suisse en 2009. Malgré le refus de sa demande d’asile et une décision de renvoi, il est parvenu à rapidement apprendre le français malgré des conditions de vie difficiles dans les dortoirs d’un abri antiatomique. Par la suite, il a suivi un apprentissage de cuisinier au CHUV. Il a obtenu son CFC et a été engagé. Son employeur qui comptait pouvoir le garder durablement comme employé, le décrit comme un jeune homme exigeant, soigneux, respectueux, de très bonne sociabilité, apprécié par son entourage et investi dans son travail, « un collaborateur sur qui nous pouvons pleinement compter ».

Persévérant, travailleur, Abdoul Mariga a fait un parcours sans faute. Les autorités vaudoises avaient d’ailleurs soutenu sa demande de permis B pour cas de rigueur. Mais le Tribunal fédéral, après un premier rejet de la demande par le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), avait estimé que ses efforts d’insertion, son indépendance financière, le soutien de son employeur, bref tous ces éléments attendus et exigés pour obtenir le précieux sésame, étaient bien réunis mais ne témoignaient pas d’une intégration exceptionnelle.

Après avoir passé son adolescence à chercher un pays pour y poser ses valises et avoir cru pouvoir construire sa vie dans le canton de Vaud, Abdoul est arrêté, jeté en prison administrative, puis renvoyé vers la Guinée, dont sa mère, décédée, était originaire. Abdoul avait pourtant répété à plusieurs reprises aux autorités n’avoir aucune attache en Guinée.

Arrivé sur place, impossible pour Abdoul d’obtenir des documents d’identité. Avec beaucoup de courage et de détermination il a interpellé toutes les autorités guinéennes à même de traiter son cas. Sans succès. Les autorités lui conseillent même de partir en Mauritanie, où il n’a jamais vécu. Vivotant de son dernier salaire du CHUV, l’état de santé d’Abdoul s’aggrave. L’argent arrivant au bout, il se retrouve sans soins, sans médicament, et va d’une petite chambre d’hôtel à l’autre. Nous avons publié l’intégralité de son témoignage, poignant, sur notre site.

Et puis un jour plus rien. Nous apprendrons qu’Abdoul Mariga est décédé à l’hôpital de Conakry le 17 octobre 2020. Seul, dans l’indifférence. Aujourd’hui, nous avons envoyé à tous les collaborateurs du SEM un faire-part annonçant le décès d’Abdoul Mariga, pour les sensibiliser aux conséquences mortelles de la mise-en-œuvre de la politique migratoire inhumaine de la Suisse.

Tout comme nous l’avions fait dans notre communiqué du 10 mars, nous dénonçons son renvoi et nous réitérons nos accusations :

-        Au SEM (Secrétariat d’État aux Migration) de n’avoir jamais accepté la demande d’asile d’Abdoul ;

-        Au TAF (Tribunal Administratif Fédéral) de ne jamais avoir accepté les différents recours d’Abdoul et

-        Au SPOP (Service de la population du Canton de Vaud) d’avoir ordonné l’arrestation, l’emprisonnement et le renvoi de force de ce jeune vers un pays qui n’était pas le sien et qui ne l’a jamais reconnu.

Ce renvoi est inhumain et n’avait nulle obligation d’être exécuté. Les autorités vaudoises avaient d’ailleurs reconnu le parcours du combattant d’Abdoul et préconisaient sa régularisation. Si les autorités fédérales avaient suivi cette recommandation, Abdoul Mariga serait certainement toujours en vie et aurait continué à contribuer aux services essentiels du CHUV, tant estimés en ces temps de pandémie. Quel gâchis de ressources pour s’acharner à appliquer une telle décision absurde, qui a résulté en une mort évitable ! Nous n’oublierons pas Abdoul et nous nous efforcerons de continuer à dénoncer la violence de l’État suisse et de son Secrétariat d’État aux Migrations.

 

Collectif Droit de Rester, Lausanne, le 14 décembre 2020

 

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vendredi 13 novembre 2020

Danaël : plus de onze ans à l’aide d’urgence

 10.11.2020  Danaël est érythréen d’origine. Il a déposé une demande d’asile en Suisse en mars 2009, que le SEM a rejetée. Cela fait plus de onze années qu’il vit sans perspectives d’avenir et privé du droit de travailler, et ainsi de conduire sa vie de manière autonome. Il a passé toute sa vingtaine à l’aide d’urgence. Il est âgé de 31 ans maintenant et il raconte son expérience :

« J’ai pu faire des programmes d’occupation avec l’EVAM jusqu’en 2017 mais depuis trois ans, l’EVAM ne me donne plus rien. Même si je demande régulièrement, ils me disent d’attendre. Je ne fais plus rien de mes journées, des promenades… Avec la pandémie, les choses sont encore plus difficiles. Je ne vais plus non plus à Mozaik où j’aidais un peu à l’atelier de menuiserie ou à la vaisselle. Avant, j’allais deux fois par semaine. A Caritas, j’allais aussi faire des cours de français, boire un café, discuter un peu. J’allais aussi à Point d’Appui des fois. J’allais aussi à l’église orthodoxe à Lausanne, toutes les semaines. Mais avec le covid, je ne peux plus aller nulle part et mes journées sont vides. L’EVAM ne m’a jamais donné de cours de français, à cause du papier blanc. J’ai eu le permis N pendant 6 mois, et maintenant le papier blanc depuis 11 ans.

Un de mes frères est mort en Lybie, fin 2009. J’ai encore un frère et une sœur en Erythrée, mais depuis 2011 environ, je n’ai plus de contacts avec eux. On avait un contact par Facebook avec le compte de mon frère mais ce compte a disparu. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je n’ai aucune nouvelle, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus, ni où ils sont, ni s’ils sont encore en vie. J’essaie de prendre des nouvelles dans la communauté érythréenne, mais personne ne les connaît.

J’ai suivi les cours de français à Caritas de 2009 à 2017, par périodes, une à deux fois par semaine. Maintenant, je parle bien le français.

Cette situation, c’est beaucoup de souffrances pour moi. J’ai connu dix-sept centres collectifs de l’EVAM, les abris antiatomiques aussi, à Préverenges pendant une année, à Orbe, celui de Nyon, encore une année au Sleep-in à Morges. Je devais sortir le matin, passer la journée dehors, et revenir le soir pour le repas et la nuit. A Nyon aussi, il fallait sortir la journée, j’y suis resté une année, et six mois à Orbe, et six mois à celui du Mont sur Lausanne. J’ai passé quatre ans comme ça à errer dans les rues la journée par tous les temps, pluie, neige, vent, froid, humidité, tous les jours de l’année. J’ai passé 5 ans dans le centre à Vevey de 2014 à 2019. Je logeais dans un dortoir avec deux autres hommes. Je n’avais pas d’intimité, toujours du bruit la nuit, il y a souvent des gens qui se bagarrent, ils ont beaucoup de stress et sont tous dans des situations difficiles, ce qui pèse sur le moral. C’est un mauvais endroit. J’ai dormi dans des dortoirs de 4 hommes, de 6 hommes, jusqu’à 20 hommes dans les abris PC. Cela ne fait qu’une année que je suis un peu tranquille, depuis que l’EVAM m’a donné un appartement.

J’ai tenu bon et je n’ai pas sombré dans l’alcool. Je ne me suis jamais laissé impliquer dans des bagarres et je n’ai jamais eu de problèmes avec la police.

Quand même je suis très démoralisé et épuisé par toutes ces années d’errance et d’absence de perspectives. Je n’ai pas pu construire ma vie. Ma situation ici est bloquée et je n’arrive plus à envisager mon avenir. Ma vie ne sert à rien et je me sens inutile. Comme je n’ai pas de famille ici, je n’ai personne à qui me raccrocher et je vis dans une grande solitude. Tous mes amis ont des papiers et font leur vie.

J’ai été un an dans la prison de Makalawi. C’étaient des cellules de 6 à 10 personnes avec des nattes par terre pour dormir. Ils nous donnaient du pain et des pâtes à manger deux fois par jour, et de l’eau. Les gardiens m’emmenaient dans les sous-sols, dans une pièce sans fenêtre et ils me frappaient avec les poings et avec une matraque. J’ai reçu des coups aux jambes, sur les côtes, aux bras, à la nuque et sur la tête. J’étais à la merci des autorités et c’était une expérience terrifiante, qui m’a profondément marqué.

Ici, j’ai tout fait pour essayer de m’en sortir. J’ai suivi des cours de cuisinier avec l’EVAM et j’ai obtenu le certificat. J’aidais à préparer les repas pour les gens qui sont à l’aide d’urgence, comme moi. J’aimerais travailler dans la restauration ou faire des stages comme j’avais fait à l’EMS de Romanel, pendant un mois. J’ai suivi le programme d’occupation cuisine pendant 3-4 ans. J’aime faire la cuisine et participer à ces activités et c’est ce que je ferais si j’avais un permis. »

 

Selon la jurisprudence de la CRA, il n’est pas acceptable de laisser une personne dans l’incertitude sur son sort pendant de longues années : « Or, laisser une personne sans statut et à la charge de la collectivité, pendant autant d'années, n'est pas acceptable. S. S. est en effet entrée en Suisse à l'âge de 22 ans et séjourne maintenant en Suisse depuis plus de onze ans. Elle a donc passé le tiers de son existence dans ce pays. Nul doute que cette impossibilité d'exécuter son renvoi qui dure depuis plus de dix ans a créé une situation inacceptable d'un point de vue humain dans la mesure où l'absence de statut et l'incertitude quant à l'avenir provoquent une grande détresse morale. » (JICRA 2002/17, consid. 6.d)

Cette jurisprudence est maintenant oubliée. Les autorités n’ont plus d’hésitation à laisser ainsi les gens dans une situation de grande précarité sur le très long terme. Il s’agit de formes graves d’exclusion sociale, d’atteinte à la vie économique et privée, et de discrimination de groupes de personnes désignées selon le statut qui leur est assigné par les autorités elles-mêmes, selon leurs pratiques administratives en matière d’asile. Ces gens sont dépendant des modalités de discrimination et de ghettoïsation organisées spécialement pour eux par le SEM, le SPOP et l’EVAM. Il n’y a pas de consultation démocratique autour du sort des érythréen.ne.s ou des personnes à l’aide d’urgence sur le long terme. Les lettres de soutien et de recommandation qui accompagnent les demandes de régularisation de celles et ceux qui se sont malgré tout construit une vie sociale ici, ne sont pas prises en considération. Nos autorités déconsidèrent l’avis des personnes qui témoignent des bonnes relations créées avec des étranger.è.s. En l’occurrence, Danaël avait pu rassembler de nombreuses lettres de soutien de personnes avec qui il était parvenu, malgré sa situation difficile, à créer des liens. Ce réseau a été ignoré du SPOP qui a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au motif que Danaël ne serait pas suffisamment intégré. Faire valoir 11 ans de séjour en Suisse et de nombreux soutiens est une bonne intégration, de sorte que la décision du SPOP n’est pas réellement motivée autrement que par le Droit du Prince de dire « non », quand ça lui chante.

La politique conduite à l’égard des érythréen est interne à l’administration. Elle ne prend pas en compte la contestation civile et la dénonciation des formes de tortures psychologiques imposées à cette population dont la situation est bloquée et sans avenir. Le phénomène le plus marquant ces 20 dernières années des pratiques en matière d’asile est ainsi la montée de la dictature, qui se traduit par une généralisation de la répression à des pans entiers de la population requérante d’asile, le plus souvent sans explications concrètes autres que : « c’est l’autorité qui décide ».

 

mardi 10 novembre 2020

Pas de permanence en novembre

nous devons suspendre nos permanences au moins durant le mois de novembre. Nous vous tenons au courant de leur reprise! 

En attendant n'hésitez pas à nous contacter par collectif [at] stoprenvoi.ch , ou sur facebook. On vous répondra. 

Take care!

jeudi 29 octobre 2020

Décès d’Abdoul Mariga après son renvoi de Suisse

 

26.10.2020

Abdoul Mariga est décédé à l’hôpital de Conakry ce 17 octobre, probablement des suites d’une hépatite B.

Ce jeune homme âgé de 30 ans avait été renvoyé de Suisse par la contrainte le 6 novembre 2019, alors qu’il séjournait en Suisse depuis 10 ans, occupait un emploi au CHUV comme cuisinier, et avait à son actif un parcours d’intégration fulgurant et exemplaire. D’un coup l’exécution du renvoi a laissé son entourage dans le désarroi, a mis fin à tous ses projets de vie, et l’a mis en situation de danger pour sa sécurité et sa santé qui a conduit à sa mort.

Abdoul était arrivé à l’âge de 19 ans en Suisse. Malgré une décision négative et de renvoi, il est parvenu à rapidement apprendre le français, puis il a suivi une AFP (Attestation fédérale de formation professionnelle) pendant deux ans, qu’il a terminée avec succès. Il a ensuite été engagé comme apprenti au CHUV pour un CFC de cuisinier. Il a obtenu son Certificat et a été engagé de manière fixe. Son employeur le décrit comme un jeune homme exigeant, soigneux, respectueux, de très bonne sociabilité, apprécié de son entourage et investi dans son travail, « un collaborateur sur qui nous pouvons pleinement compter ».

D’après d’autres témoignages de ses proches et des personnes qui l’ont accompagné dans son parcours, Abdoul était persévérant, déterminé dans ses apprentissages et il a montré beaucoup de courage pour mener à bien sa formation professionnelle. Son intégration était considérée comme « remarquable », « exemplaire » et « exceptionnelle ».

Les autorités ont ignoré ce parcours méritoire et tous les efforts que le jeune avait accomplis pour construire, de sa propre volonté, une existence viable. Il n’avait aucune famille ici et ne pouvait compter que sur lui-même dans un premier temps, puis sur les personnes avec qui il avait créé des liens. Les autorités ont également ignoré l’avis et l’investissement de tous ceux qui le connaissaient personnellement et avaient exprimé leur attachement ou leur sympathie.

L’exécution du renvoi avait déjà laissé un grand vide et un sentiment d’injustice. Ce jeune n’avait rien à se reprocher et il avait trouvé sa place. Il n’y avait aucune raison de le renvoyer en Guinée.

Là-bas, il n’avait plus de famille. Il s’est retrouvé seul à Conakry sans logement et rapidement désargenté. Il a survécu sur place grâce à son dernier salaire du CHUV puis grâce à l’aide privée d’amis avec qui il était resté en contact. Ses conditions de vie étaient très difficiles et il n’a pas pu avoir accès aux soins médicaux. Il a été hospitalisé alors qu’il se trouvait au plus mal et est décédé quelques jours plus tard, seul, sans l’accompagnement d’aucun proche.

Cette terrible nouvelle nous laisse dans l’incompréhension et la colère, ainsi qu’une grande tristesse. Voici quelques mots d’Abdoul qui expliquait sa situation là-bas, et sa détresse :

« Ma santé ne va pas bien. Mes bras et mes jambes s’endorment. Ça a commencé pendant ma détention [en Suisse, avant l’exécution du renvoi] et maintenant c’est de plus en plus fréquent. J’ai des vertiges et parfois je perds l’équilibre et je tombe.

J’ai été à l’hôpital au début, mais je n’ai plus accès, faute d'argent. J’ai pris un traitement quelque temps, mais maintenant c’est fini, je n’ai plus de médicaments et plus de soins. Même me loger devient très difficile. Je suis là avec beaucoup d'angoisses parce que les prochains jours, je ne sais pas comment je vais être.

Je vis très difficilement ici et chaque fois que la police me contrôle, ils me prennent tout l'argent que j’ai sur moi. Chaque sortie est risquée et me faire perdre encore mes moyens pour vivre. Le ministre de la sécurité a refusé de me donner un document de circulation.

J’ai fait des démarches pour essayer d’obtenir des documents. J’ai été au tribunal de Dixinn au mois de décembre 2019 pour la nationalité. Ils m’ont dit qu’ils ne sont pas compétents pour gérer mon cas. Ils m’ont dit d’aller voir un notaire ce que j’ai fait. Ce dernier m’a dit que je ne peux pas avoir la nationalité et il m’a fait signer un acte de déclaration. Après je suis retourné au tribunal et ils m’ont dit d’aller au ministère de la Sécurité. J’y suis allé et j’ai été arrêté et auditionné. J'ai rencontré des membres de la direction. On m'a reconvoqué pour le lendemain pour me dire que je risquais d'être expulsé selon le Secrétaire général. Après plusieurs convocations et intimidations, j’ai dû prendre un avocat qui est intervenu. Ils m’ont demandé d’aller au ministère des Affaires étrangères.

Mon avocat a saisi la Présidente du Tribunal de première instance de Kaloum. Mardi 25 février à 9h j’ai été convoqué devant le juge du tribunal de Kaloum. Actuellement, la procédure n’a pas abouti et le Tribunal est fermé.

Toutes les autorités guinéennes à même de traiter mon cas ont été saisies. Je me suis rendu partout, mais on ne voulait pas me répondre ni m’écouter. J’ai dû payer un avocat pour faire les démarches, mais je n’ai plus d’argent.

Les autorités m’ont aussi demandé de retourner en Mauritanie. Je n’ai personne là-bas et je n’y ai même jamais habité.

Je suis malade je ne dors plus. Partout quand je vais dans les hôtels on me demande un passeport et si je sors pour manger, je risque de me faire arrêter par la police et racketter. Pour le logement, on me demande de payer 8 à 12 mois d’avance ce que je ne peux pas. Je suis complètement bouleversé, des fois, je ne mange pas. Je paie seulement l'hôtel. C'est trop difficile pour moi. »

Abdoul Mariga est décédé à l’hôpital de Conakry ce 17 octobre. Le collectif Droit de rester est triste et exprime sa sympathie aux proches d'Abdoul. Nous sommes également en colère. Sans ce renvoi décidé par le SEM, Abdoul Mariga serait certainement encore en vie, et travaillerait aujourd’hui encore au CHUV. 

(version actualisée du 10.12.20)

mercredi 28 octobre 2020

Manifestation contre les violences policières 31 octobre à 16h Lausanne

 Grande manifestation contre les violences policières
le samedi 31 octobre à 16h au départ de la place de l'Europe à Lausanne







 




mercredi 7 octobre 2020

Manif à Berne samedi 10 octobre: Nous avons de la place!

 

Il est urgent d'être beaucoup à la manifestation de samedi prochain à Berne. Organisée par Evacuer MAINTENANT,  www.evacuer-maintenant.ch/manif/ et soutenue par plusieurs autres organisations, cette manif se veut la démonstration que nous ne sommes pas d'accord avec la scandaleuse et inhumaine décision du Conseil Fédéral d'accepter seulement une vingtaine de mineurs provenant des camps de l'enfer des îles grecques.

Ce nombre indécent de réfugié.e.s accepté.e.s ne correspond pas à ce que nous toutes et tous désirons. Nous exigeons une Suisse plus ouverte et solidaire avec des être humains en détresse qui frappent aux portes de l'Europe.

Nous n'en voulons pas de l'arrogance inhumaine de Mme Keller Sutter. Dans les rues de Berne et tout le temps partout nous devons faire la démonstration que la politique ne se résume pas à mettre un bulletin de vote dans l'urne et à accepter ensuite toutes les décisions du Conseil Fédéral. Nous continuons à être politiquement présent.e.s dans la rue pour que les choix de la Suisse pour l'asile ne soient pas pris avec d'autres critères que ceux de la solidarité et du partage. La Suisse peut se le permettre et doit être un exemple aussi pour les autres pays.

Ne lâchons pas les dizaine de milliers de personnes qui ont besoin d'un bout de ce monde pour vivre décemment. Venez à Berne samedi prochain.

RENDEZ VOUS à LA GARE DE LAUSANNE SAMEDI 10 OCTOBRE à 13H POUR ENSEMBLE PRENDRE LE TRAIN DE 13h20.

mercredi 1 juillet 2020

MANIF ANTIRACISTE Contre les violences policières

3 juillet 2020 18h30

Quai Wilson Genève

MANIF ANTIRACISTE

Contre les violences policières


Centre Fédéraux d'Asile:

Agents de sécurité, état, police:

STOP aux violences!


mercredi 17 juin 2020

COVID-19 dans les foyers pour migrant·e·s : l’heure du bilan

La crise de la COVID-19 a profondément marqué la société, et a révélé des fractures importantes entre personnes privilégiées et celles précarisées. Les personnes sans statut légal se sont retrouvées subitement sans emploi et sans protection sociale. On n’a moins parlé des requérant·e·s d’asile, en procédure ou débouté·e·s, qui vivent dans des centre d’hébergement collectif.
Dans certains cantons, les autorités se sont assises sur leur devoir d’assistance, à tel point qu’une plainte pénale a même été adressées contre les responsables des centres de Zurich. Dans le canton de Vaud, la prise en charge sanitaire a été correcte, il n’y a pas eu de réelle explosion de cas dans un foyer, celles et ceux qui en avait besoin ont été soignés. Mais les mesures sans doute nécessaires pour lutter contre le virus ont eu des conséquences néfastes pour la vie dans les foyers, déjà difficiles sans la COVID-19.
Pour les résident·e·s des foyers, le confinement a amplifié les problèmes déjà existants : promiscuité, manque d’intimité, contrôle social exercé par le personnel de l’EVAM, notamment les agents de sécurité en uniforme. Le vrai problème ce n’est pas l’épidémie, mais l’existence même de foyers pour migrant·e·s.
En Suisse, les hébergement collectifs sont généralement prévus pour répondre aux besoins spécifiques d’une population : EMS pour les personnes âgées ou souffrant de grave troubles psychiques, foyers pour mineur-e-s en danger... Deux exceptions : la prison - pour des raisons pénales et les centres d’accueil pour migrant·e·s.
Dans le canton de Vaud, le cadre légal prévoit un hébergement collectif pour les personnes à l’ « aide d’urgence ». La visée est alors purement répressive. En fermant aux personnes déboutées de l’asile l’accès aux logements individuels (appartement), les autorités souhaitent les dissuader de s’installer en Suisse.
Pour celles et ceux qui sont au bénéfice d’un permis N (demande d’asile en cours) ou F (admission provisoire), le guide d’assistance de l’EVAM prévoit entre autres des critères tels que « l’existence d’un revenu stable », le « comportement, collaboration et intégration » et « l’aptitude à vivre en logement individuel ». Le préjugé sous-entendu est flagrant. Certain·e·s requérant·e·s d’asile sont perçu·e·s comme intrinsèquement ou culturellement inaptes à la vie normale dans notre société. La réalité démontre l’absurdité de cette position : Les personnes qui obtiennent le statut de réfugiés (permis B) sont prises en charge par le CSIR qui ne dispose d’aucun logement collectif. Sauf exceptions liées à leur état de santé, elles sont donc toutes logées en appartement indépendamment de la perception qu’on les autorités de leur « intégration » ou de leur « comportement ».Des milliers de bénéficiaires du Revenu d’Insertion (RI) vivent normalement en appartement sans bénéficier d’un revenu stable...
Les personnes logées en foyer sont soumises à un contrôle social accru. Des agents de sécurité en uniforme contrôlent les entrée et les sorties et peuvent effectuer des contrôle en chambre jour et nuit. Surtout ils rédigent d’innombrables rapports  « d’incivilités » dès qu’une personne hébergée s’écarte un tant soit peu d’une position de parfaite soumission. Ces rapports peuvent ensuite être utilisés pour justifier ad aeternam le maintien en foyer.
Les conflits sont bien entendu inévitables entres les personnes entassées dans les hébergements collectifs. Celles et ceux qui souffrent de troubles psychiatriques peuvent facilement décompenser et adoptent parfois un comportement violent. Mais ces problématiques sont prises en charge, plus ou moins heureusement, par le personnel de l’EVAM. Les personnes qui habitent dans les foyers ne sont pas consultées, elles ne peuvent que subir sans avoir le droit d’agir.
L’hébergement en foyer constitue donc la parfaite illustration de la discrimination envers les requérants d’asile : jugé·e·s culturellement inadapté·e·s, trop agité·e·s, trop sal·e·s pour vivre normalement en appartement. Le foyer pour migrants est également le lieu où cette discrimination trouve sa justification : les résidents sont sous observation quasi-permanente du personnel de l’EVAM. Dans de telles conditions tout comportement peut être relevé et interprété comme une contre-indication à la vie en appartement.
Il s’agit d’une politique assumée par l’Etat : L’EVAM a des appartements à disposition mais résilie de manière anticipée ses baux immobiliers...

Nous exigeons  la fermeture de tous les foyers EVAM destinés spécifiquement aux migrant-es et leur relogement dans des appartement décents !

Quand j’avais un papier blanc (l’aide d’urgence), l’EVAM me disait : « il faut avoir un permis F ou B pour avoir un appartement ». Quand j’ai eu un permis F, ils m’ont dit « il faut avoir un travail pour avoir un appartement ». Mais c’est impossible de trouver du travail en vivant dans un foyer, il y a toujours du bruit, toujours des problèmes, on ne peut pas se reposer. L’EVAM veut nous garder dans les foyers pour nous contrôler et qu’on ne puisse pas s’intégrer. Ça fait huit ans que je suis en Suisse, toujours dans des foyers. Je voudrais une vie normale.I.F. 31 ans
Je vis avec mon fils de 4 ans dans une pièce de 12m2. Pendant le confinement, nous nous étions organisé avec une autre famille pour nous occuper à tour de rôle de nos enfants. Parfois la journée, ils jouaient sous la surveillance d’un adulte dans le couloir entre les chambres. On ne pouvait pas aller dans les parcs et les enfants ont besoin de se dépenser. Un Securitas nous a dit que nos enfants n’étaient pas sages, que j’étais une mauvaise mère et que le SPJ allait me prendre mon fils !K. S. 38 ans