mardi 28 mai 2019

La vie à l'aide d'urgence: histoire de M. K.

M. K. vient d’Erevan, en Arménie. Persécutés par les forces de l’ordre, il décide de fuir en Suisse avec sa femme et son fils. La famille arrive en 2012 et demande l’asile. Une année et demi plus tard, ils reçoivent une décision négative : les autorités fédérales ne croient pas leur histoire. Sans réseau pour l’aider, ignorant les accords européens, la famille décide de quitter la Suisse pour la Suède où elle demande à nouveau l’asile. Mais c’est trop de stress et de bouleversement pour le fils qui développe une grave maladie psychique provocant des phases de catatonie.

Sous le coup des accords Dublin, la Suède renvoie la famille en Suisse.

Arrivés à Genève, l’enfant est aussitôt pris en charge par l’hôpital et la famille placée à l’EVAM dans le canton de Vaud. Le fils, âgé de 16 ans, restera 1 an et 18 mois hospitalisé. Bien soigné, il apprend le français et à sa sortie d’hôpital il peut intégrer l’école. Les parents sont soulagés et reconnaissants aux médecins. En 2016, ils attendent toujours une réponse à leur demande d’asile.

M. K. décide alors de faire un voyage en Arménie pour se rendre compte de l’évolution de la situation et espère pouvoir y ramener sa femme et son fils. A la suite de son départ volontaire, celle-ci reçoit une décision négative de la Suisse et l’ordre de quitter le territoire, ce qu’elle fait. En Arménie, la situation ne s’est pas améliorée. M. K. continue d’être menacé et craint pour sa vie. En 2017, le couple revient en Suisse. Craignant qu’un nouveau déracinement et l’incertitude de la procédure ne déclenchent une nouvelle crise chez leur fils, ils le laissent en Arménie.

Leur demande d’asile est redéposée en 2017, accompagnée cette fois de multiples preuves de persécution qu’ils ont collectées en Arménie. Hébergés à nouveau par l’EVAM, ils attendent une réponse qui arrive en 2018 : le refus de l’asile leur est notifié. Ils font aussitôt recours, mais le Tribunal administratif fédéral leur ordonne de payer 750 francs pour l’examen du recours. A l’aide d’urgence – qui consiste en un un soutien uniquement matériel, un logement collectif et de la nourriture – ils ne peuvent payer. Ils écrivent au Tribunal pour expliquer leur incapacité de payer. Résultat : le Tribunal leur intime de quitter la Suisse et de payer 250 francs supplémentaires.

Epuisé d’une vie à l’aide d’urgence qui ne permet que de survivre, choqué de la décision du Tribunal, M. K décide de mettre fin à ses jours et tente de sauter du haut du Grand Pont à Lausanne, le 20 février 2019. Des passants l’en empêchent et sauvent sa vie. M. K est transféré à l’hôpital psychiatrique de Prangins. Régulièrement hospitalisé depuis février, il est toujours à l’aide d’urgence, menacé de renvoi.

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