Le Courrier publie aujourd’hui un article
accablant pour l’EVAM et le SPOP. Il révèle un rapport rédigé
par un groupe de travail composé de représentant-e-s de ces deux
institutions, dont les conclusions sont pour le moins troublantes. Ce
rapport a le mérite de clarifier des mesures que nous dénonçons
depuis trop longtemps.
Ce groupe de travail a été chargé de« […]
de proposer des solutions visant à diminuer le nombre de
personnes demandant l'aide d'urgence dans le canton de Vaud ».
Le ton est donné, le but clair : chasser les
gens de l'aide d'urgence en les poussant à tout prix à disparaître
dans la nature. Nous rappelons que le droit à l’aide d’urgence
est ancré dans la Constitution suisse qui stipule que toute personne
a « le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de
détresse » (art 12).
Pour cela, les membres du groupe de travail
EVAM/SPOP fouillent dans les poubelles des cantons les plus
restrictifs en matière d'asile (Lucerne, Grisons et Berne). Voilà
que l'éternel slogan de M. Leuba «par rapport aux autres cantons,
Vaud mène une politique juste et humaine » est oublié. Vaud
n'est donc plus le meilleur canton parmi les pires !
Parmi toutes les mesures proposées dans le
rapport, nous dénonçons en particulier :
- le mépris des lois existantes et la volonté de les contourner ;
- les chicanes administratives que l’EVAM prévoit de mettre sur le parcours des migrant-e-s qu’il devrait « accueillir » ;
- l’arrogance des membres du groupe de travail face aux médecins de la Polyclinique médicale (PMU).
La lecture du rapport, que nous avons également
consulté, nous apprend que les responsables du SPOP et de l’EVAM
envisagent de modifier la loi, quand ce n’est pas tout simplement
de la contourner et de l’ignorer. Ils proposent ainsi d’assouplir
la décision du Grand Conseil du 18 décembre 2007 qui interdit toute
arrestation dans les locaux du SPOP (pt.3.4 du rapport), et de
restreindre les possibilités de régularisation telles que le
prévoit l’art. 14 de la Loi fédérale sur l’asile (LAsi)
(pt.8.2).
Il est inacceptable que des employé-e-s de l’Etat
s’arrogent le droit d’envisager de violer la loi.
Toujours dans le but de faire diminuer le nombre
de personnes à l’aide d’urgence, le groupe de travail envisage
une série de mesures pour leur rendre la vie la plus dure possible.
Le misérable papier blanc (le fameux document sur
lequel ne figure pas la photo de la personne concernée mais qui
représente jusqu’à présent la seule reconnaissance de son
existence légale) devient dangereux : il pourrait être utilisé
comme papier d'identité !!! Pour éviter cela, le SPOP et
l’EVAM proposent de raccourcir la durée de validité de l’octroi
de l’aide d’urgence et de ne plus remettre systématiquement de
décision écrite. Réduire drastiquement la durée de validité de
l’attestation d’aide d’urgence à un jour par exemple, va à
l’encontre des règles générales du droit administratif, comme le
reconnaissent même les auteurs du rapport (pt. 3.1 du rapport).
Ceux-ci préconisent aussi de faire déménager de
manière totalement aléatoire les réfugiés à chaque
renouvellement de leur aide d’urgence. Cette mesure doit permettre
de les « dynamiser ». (pt.4.7) On retrouve ici une notion
qui vient directement du canton Zürich où elle été néanmoins
abolie étant donné qu’elle rendait les gens fous.
Autre mesure : isoler les centres d’aide
d’urgence dans la montagne. (pt. 4.2) Le groupe de travail pense à
l’arc jurassien. Nous ne sommes pas persuadés que les bénéfices
de l’air frais de la montagne effacent l’inhumanité d’une
telle mise à l’écart.
Après analyse de la situation, le groupe de
travail est catégorique : l’hébergement en foyer collectif
est le seul mode d’hébergement véritablement dissuasif (pt.4.1).
Femmes, hommes et enfants en abris PC ? C’est bientôt une
réalité si on en croit ce rapport, bien que les responsables de
l’EVAM déclarent régulièrement qu’il s’agit là de « la
pire des solutions ».
Il y a malheureusement un problème avec les
recours possibles contre cette mesure et les attestations de
vulnérabilité établies par les médecins de la Polyclinique
médicale (PMU) en faveur de leurs patient-e-s les plus vulnérables,
peut-on lire dans le rapport. Les membres du groupe de travail
soupçonnent ainsi les médecins de ne pas savoir faire leur travail
et d’évaluer la gravité des problèmes médicaux sur la base de
critères politiques. Il nous semble que l’EVAM a déjà trouvé
comment éliminer le deuxième problème, les certificats médicaux
seront de moins en moins pris en considération (pt.7.2). On attend
la réaction des médecins concernés.
Les responsables politiques doivent intervenir !
Le rapport du groupe de travail SPOP-EVAM, dont le
Courrier se fait l’écho aujourd’hui, éclaire donc
clairement les pratiques qui ont cours actuellement en matière
d’asile dans le canton. On s’étonne moins de voir avancer ainsi
main dans la main les deux services maintenant que le chef du premier
est arrivé à la tête du second. Néanmoins, ce groupe de travail a
dû se réunir bien avant.
Dans l’enquête publiée par le Courrier,
Philippe Leuba, non content d’afficher un mépris certain face aux
travailleurs de l’EVAM qui ont eu le courage de dénoncer ces
pratiques, se cache derrière un mandat que le Conseil d’Etat lui
aurait donné. Nous aimerions bien avoir le point de vue de ses
collègues de l’exécutif sur la réalisation et les conclusions de
ce rapport.
Quoi qu’il en soit, les responsables de l’EVAM
et du SPOP mentent sur leurs pratiques et leurs intentions. Leurs
déclarations habituelles dans la presse sur leur impossibilité à
agir sur un cadre fédéral restrictif, les problèmes d’hébergement
auquel l’EVAM serait confronté, tout ceci ne tient plus face à un
rapport aussi accablant que ne l’est celui dont nous avons
désormais connaissance. D’autre part, et contrairement à ce
qu’affirme son ministre de tutelle, certaines de ces mesures sont
déjà en vigueur, comme nous les avons déjà dénoncées au cours
des derniers mois.
Nous demandons que les député-e-s du Grand
Conseil se saisissent du dossier et enquêtent sur ces pratiques ;
nous demandons que le Conseil d’Etat retire à Philippe Leuba la
gestion de l’asile, lâchement abandonné par la majorité
rose-verte au début de la législature.
Collectif Droit de rester, 19 novembre 2012.