22 aout 2018 La loi permet l’octroi d’une
autorisation de séjour aux personnes titulaires d’une admission provisoire qui
montrent des signes positifs d’intégration et qui séjournent en Suisse depuis
au moins 5 ans.
Le canton de Vaud rechigne à autoriser l’octroi de ce permis
B et de plus en plus de familles restent durablement coincées avec un permis F,
qui est un sous-statut extrêmement précaire, discriminatoire, retenant dans la
marginalité et la pauvreté tout un groupe de population.
Voici l’exemple de la famille Temnay, qui vit en Suisse
depuis plus de 9 ans. Les 4 enfants suivent leur scolarité avec succès. Ils
sont nés en Suisse et ne connaissent rien de leur pays. L’aîné est brillant à
l’école. Les deux garçons font du foot et la fille de la gymnastique.
Les parents parlent couramment le français. Le père indique
dans son CV qu’il comprend 6 langues ! le français, l’arabe, l’italien,
l’anglais et deux langues de son pays. Il maîtrise l’informatique. Il a d’abord
travaillé en Suisse comme mécanicien dans un garage puis il a été engagé à la
Migros où il a entrepris un apprentissage de vendeur et de gestionnaire des
stocks. Après l’obtention de son diplôme, il n’a pas pu poursuivre dans
l’entreprise et ses recherches d’emploi sont restées vaines depuis, les
employeurs refusant d’engager des personnes titulaires d’un permis F, jugé trop
instable. Les recherches d’emploi de son épouse sont également restées vaines,
pour la même raison. Une agence de placement a expliqué qu’elle n’acceptait
aucun permis F parce que les délais pour obtenir l’autorisation auprès du SPOP
sont trop longs.
L’octroi du permis B résoudrait ces problèmes et permettrait
à la famille de s’installer durablement en Suisse, de construire de réels
projets d’avenir, et d’avoir un statut qui corresponde à la réalité de leur
séjour en Suisse, où les enfants grandissent et ont toute leur vie ici.
Mais voilà, le SPOP refuse depuis 4 ans d’accorder
l’autorisation et maintient ainsi la famille dans une situation sociale
difficile qui empêche leur intégration réelle. Plus l’attente pour l’octroi du
permis B sera longue, plus il sera difficile au père de retrouver du travail,
et plus les chances pour la famille d’accéder à l’autonomie économique seront
réduites. Les pratiques cantonales restrictives en matière de régularisation
entraînent pour de nombreuses familles une dépendance de plus en plus durable à
l’aide sociale.
En outre, elles poussent les gens à accepter n’importe quel
emploi dans des conditions abusives. M. Temnay a notamment travaillé plus d’un
an comme livreur de produits surgelés à domicile. Il parcourait presque 200 km
par jour avec un camion frigorifique, 70 heures par semaine pour un salaire en dessous
du minimum vital. Il ne voyait plus ses enfants et a été contraint de cesser
cet emploi par épuisement.
L’autorité cantonale sait que les personnes titulaires d’une
admission provisoire ne trouvent pas de travail ou seulement une très faible
proportion d’entre eux. Le refus d’octroi d’une autorisation de séjour est une
politique de rétention de tout un groupe de population dans la marginalité et
l’absence de perspectives, une politique d’exclusion.
Ces pratiques dégradent l’image des requérants d’asile aux
yeux du public et aggravent ainsi les risques de discrimination, de précarité
et d’isolement social.
De nombreuses entraves rendent la vie impossible aux
titulaires d’une admission provisoire, épuisent moralement les gens, les
découragent et les excluent. Les conditions de logement, fixées par l’EVAM,
sont souvent particulièrement difficiles. La famille Temnay par exemple vit à 6
personnes dans un appartement de trois pièces. De nombreuses communes refusent
l’allocation d’un logement subventionné aux titulaires d’un permis F ce qui les
empêche de rechercher par eux-mêmes un appartement où ils ne vivraient pas
entassés les uns sur les autres. Il en va de même des agences qui refusent
systématiquement les titulaires d’un permis F, même avec la caution d’une
personne suisse, ce dont la famille Temnay a fait plusieurs fois l’expérience.
Elle se trouve dans l’impossibilité de déménager et de choisir par elle-même
son appartement.
À noter que la famille Temnay a le statut de réfugiés. Leur
retour en Érythrée est impossible où ils risquent l’arrestation et la détention
arbitraires ainsi que la torture, couramment pratiquées dans ce pays à
l’encontre des déserteurs et des dissidents ou perçus comme tel.
Leur séjour en Suisse est donc durable et c’est le sens même
de la décision du SEM, de leur reconnaître la qualité de réfugiés afin de leur
permettre de refaire leur vie en Suisse.
Or, les entraves à l’intégration des titulaires de
l’admission provisoire vont à l’encontre des engagements de la Suisse au titre
de la Convention relative au statut des réfugiés, qui prévoit des facilités
d’insertion en faveur des réfugiés reconnus, précisément pour les protéger
contre les discriminations politiques, économiques et sociales qui sont trop
souvent le lot des étrangers.
Leur enclavement dans un statut précaire qui les empêche de
participer à la vie économique et de conduire leur existence avec de réelles
perspectives de développement personnel, porte atteinte au droit des réfugiés
de s’installer effectivement et de manière viable dans le pays d’accueil.
Pour citer ou reproduire l’article : L’improbable
permis B, aout 2018, http://droit-de-rester.blogspot.ch/