mercredi 30 novembre 2011

Ma vie sous terre??

Chère passante, cher passant,

Loin de toi, sous terre et sans lumière, on m’enterre avec ma voix et avec mes droits mais je souhaite te parler.

Dans quelques heures, il sera 21h, il fera déjà nuit et très froid. Après une longue journée d’errance et d’occupations futiles, j’irai faire la file pour rentrer là où je dormirai et endormirai ce qui me reste de dignité. Dans un abri PC. Comme chaque jour, on me fouillera et je devrai présenter mon papier, mon malheureux droit à entrer dans ce lieu.
Je rentrerai. L’oxygène se réduira, l’odeur se fera asphyxiante et l’air s’humidifiera. Je respirerai un peu moins fort pour le partager avec les 65 autres dormant dans ce hall dénudé de 35/25 m2.
J’oublierai alors totalement qui je suis pour faire face à cet autre monde où plus rien n’a de valeur. Je tenterai de faire entrer mon sac dans le minuscule casier où je dois faire entrer ma vie et oublier mon intimité. Je serai sous l’œil des caméras et des securitas et quoi que je fasse, où que j’aille, je serai contrôlé, observé. Je ne saurai plus où trouver un espace de liberté, il ne me restera apparemment que ma tête, pour autant qu’elle résiste…

J’irai me coucher entre ces dizaines d'autres hommes dont les destins ont croisé le mien, pour la seule raison qu’ils ont aussi laissé derrière eux un pays trop lointain. Sur un lit métallique qui résonne comme ma douleur de ne plus exister, je trouverai le sommeil malgré le bruit ambiant.
Dans cet anonymat, cette tension et ce contrôle permanent, j’aurai, comme souvent, peur de perdre mes forces et de perdre ma tête. Comme d’autres ici. Peur d’oublier qui je suis.
Je le sens au fil des jours, les potentiels et les richesses en moi se meurent, à force de ne pas être exploités.

A 6h du matin, un securitas me secouera, me dira de me lever et d’aller me doucher. D’autres auront été réveillés déjà bien avant, pour commencer à faire la file : 3 douches pour 65.
A 8h30, la porte de l’abri se fermera derrière moi pour ouvrir celle d’un monde nous fermant d’autres portes : celles des droits au travail, à un logement décent, à une intimité, à une vie sociale, à une reconnaissance et, souvent, celle de la légalité. Que faire ?
J’irai manger les 2 maigres repas qu’on me donnera. Je n’aurai quasi pas d’argent pour m’offrir quoi que ce soit de plus ou même pour prendre le bus. Je passerai alors ma journée à en attendre une meilleure, à ne savoir où aller et que faire pour maintenir mon esprit intact et mon identité vivante. On me regardera comme tu me regardes peut-être, comme quelqu’un de « vide » et sans voix, comme une menace ou même comme une personne dangereuse.
Mon « crime » est d’avoir quitté mon pays, d’avoir cherché la paix et la survie. La sentence est sévère, bien pire qu’une prison.

Chère passante, cher passant, je voudrais que tu ailles au-delà des préjugés et que tu cherches à savoir qui je suis réellement. Que tu t’imagines un instant ce que serait ta vie dans ces conditions.

Le plus grand des crimes est celui de réduire un être humain à néant. Ces  pratiques inhumaines détruisent nos vies et violent nos droits les plus fondamentaux.

Nous demandons :

-           La fermeture des abris PC et des centres d’aide d’urgence
-           Le droit à la dignité, à la parole et à une vie décente
-           Le droit de faire valoir nos ressources et nos potentiels
-           Le droit d’exister, de travailler et de rester

Tract du 1er décembre 2011

mercredi 23 novembre 2011

Agir contre le racisme et pour les droits des migrant·e·s : États des lieux – que faire ?

Le 3 décembre prochain, le Mouvement de lutte contre le racisme (MLCR) organise une journée de réflexions et de débats sur le thème d’

Agir contre le racisme et pour les droits des migrant·e·s : États des lieux – que faire ?

Cette journée se déroulera à la Fraternité (locaux du Centre social protestant, sis à la Place Arlaud 2, à côté du Théâtre Boulimie à Lausanne) entre 9h30 et 17h°°.

Programme ici et sur le site du MLCR

vendredi 18 novembre 2011

Les sans-papiers ont faim de droits! Cacerolazo pour la régularisation collective de tou.te.s les sans-papiers !

Samedi 19 novembre 2011 à 14h devant le Temple (Rue de Romont) à Fribourg 

Les lois créent les sans-papiers
Les frontières européennes ont été fermées à toute personne non-européenne. Mais tant que des guerres impérialistes et des relations étatiques d’ordre postcolonial continueront de créer de la violence, de la faim et de la misère, des hommes et des femmes migreront. Pour eux, le fait de quitter leur famille, leur terre et leur culture n’est pas un choix, mais une obligation. La Suisse, par ses intrigues politico-économiques, porte aussi la responsabilité de cette situation. Pour des ressortissants non européens, il est presque impossible de s’établir en Suisse ; la loi sur les étrangers leur interdit l’immigration légale : la seule option pour obtenir un permis de séjour stable est de déposer une demande d’asile mais pour la plupart, l’espoir d’obtenir l'asile s’évanouit au cours d’un long processus de souffrance et d’arbitraire. Interdiction de travailler, discriminations racistes, assignation dans des camps semi-fermés dit d’aide d’urgence, peines de prison fermes et finalement déportation : Autant de chemins qui poussent et/ou maintiennent les étrangers dans l’illégalité.
Libre circulation globale et de véritables protections sociales pour tou.te.s !
Les sans-papiers du CAFri dénoncent les accords de Schengen/Dublin et la dite libre circulation des personnes intra-européenne. Ce régime migratoire est fondé sur la préférence nationale et européenne à l'embauche. Il provoque la mise en concurrence brutale de tou.te.s les travailleurs/-euses entre eux/elles quelques soient leurs origines nationales, la précarisation accrue des contrats de travail, la sous-enchère salariale et la détérioration des conditions de travail. A ce régime discriminatoire et arbitraire, les sans-papiers de CAFri opposent la lutte pour la régularisation collective de tou.te.s les sans-papiers et pour l’amélioration des conditions de travail et d’existence de tou.te.s les travailleurs/-euses (protection effective contre les licenciements, extension des conventions collectives, salaire minimum légal, renforcement des droits syndicaux, etc.)

Régularisation collective des sans-papiers ! 
Le 30 septembre 2011, les sans-papiers du Collectif Autonome des Immigré.e.s de Fribourg (CAFri) ont déposé une demande régularisation collective devant les autorités fédérales. Cette demande collective comprend des personnes illégalisées aussi bien par la Loi sur l'asile que par la Loi sur les étrangers.  

N’oubliez pas d’amener vos vieilles casseroles 
La cacerolazo est une forme de manifestation pour laquelle tout.e.s les  participant.e.s amènent leurs casseroles et autres ustensiles de cuisine, afin de faire du bruit! La Cacerolazo est devenue connue lors des manifestations en Argentine en 2001.

lundi 7 novembre 2011

lettre à Pierre Imhof, directeur de l'EVAM

Monsieur,

c’est avec consternation que nous avons lu dans la presse (24Heures du 7.10.11) votre menace de fermer le centre EVAM de Vennes pendant la journée et de le transformer en sleep-in, jetant ainsi des dizaines de personnes à la rue. Cette mesure ne pourra pas être appliquée sans violer, à nouveau et un peu plus profondément, les droits fondamentaux de toutes les personnes.

Dans la continuité des différentes critiques que nous vous avons adressées concernant la dégradation des conditions de vie et l'atteinte à la dignité des requérant-e-s d'asile dans le cadre de leur « prise en charge » par l’EVAM dans le canton de Vaud, nous vous interpellons aujourd'hui sur cette « proposition » que vous avez lancée dans les médias et qui reflète une fois de plus le mépris des gens qui subissent l'aide d'urgence et la banalisation de leur traitement inhumain.

Vous justifiez ce « projet » (sur lequel nous n'avons par ailleurs jamais été informé) en vous basant sur le nombre de « délits » commis par les résidents de Vennes, surtout en ce qui concerne le trafic de drogue, et ce suite à la descente de 148 policiers vaudois du 4 octobre 2011. Or, vous savez aussi bien que nous qu’en sanctionnant ainsi une minorité - par une double peine, car il existe une instance judiciaire chargée d'appliquer la Loi sur les stupéfiants - vous pénalisez gravement tous les requérants, en les exposant à l’errance et en les privant d’un minimum d’accueil auquel ils ont droit. Vous savez aussi que la petite délinquance dont vous accusez certains résidents de Vennes n’est qu’une conséquence de la misère dans laquelle cette population a été plongée. Et vous n’êtes pas sans savoir que des réseaux de trafiquants en tous genres profitent pour s’infiltrer parmi les requérants, entre autres à Vennes, et recruter ainsi des êtres humains à exploiter.

De plus, avez-vous réfléchi aux conséquences d'une telle mise à la rue? Contraindre les personnes à l'errance en ville est une manière de renforcer leur marginalisation ainsi que leur criminalisation. Elles se trouveraient non seulement tout autant voire plus exposées aux réseaux de trafic que vous-même signalez, mais seraient par ailleurs la cible des incessants contrôles policiers au faciès que vivent déjà les requérant-e-s. Ainsi on se débarrasse des gens parce qu'ils seraient délinquants, sachant que si délinquance il y a elle est le produit d'une condition sociale ultra précaire, et comme « solution » on précarise encore cette condition. Il est évident que cette logique va droit dans le mur et que surtout sa conséquence est une atteinte toujours plus grande aux droits des migrant-e-s. Nous vous rappelons qu’il est de votre responsabilité de protéger les personnes à l’aide d’urgence dans les centres gérés par l’EVAM, non d'accroître sans cesse la contrainte pesant sur elles et de les mettre encore plus en danger.

Pour toutes ces raisons basées sur le respect des droits fondamentaux de toute personne et dans le souci de voir l’administration traiter les êtres humains dont elle a la responsabilité en êtres humains, nous nous opposons fermement à la transformation du centre de Vennes en sleep-in et à toute autre forme de durcissement ultérieur de l’application de l’aide d’urgence. Nous estimons au contraire que le centre de Vennes devrait fermer et les personnes être relogées dans des conditions de logement et d’assistance dignes. Notre démarche fait écho aux discussions que nous avons eues avec de nombreux requérants de Vennes qui vivent dans l’angoisse de la mise en pratique de votre menace. Nous vous demandons donc de bien vouloir clarifier votre intention de fermeture diurne du centre de Vennes, en divulguant des informations aux personnes et associations concernées et non seulement aux médias.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous adressons, Monsieur, nos salutations,


Collectif Droit de rester et  Coordination Asile-Migration,
4 novembre 2011

vendredi 4 novembre 2011

15 ans ans passés en Suisse, ce n’est pas une preuve d’intégration suffisante ?

L'article 14 de la Loi fédérale sur l’Asile permet la régularisation des personnes qui sont en Suisse depuis au moins 5 ans, dont le lieu de séjour a toujours été connu des autorités, et dont la situation constitue un cas de rigueur grave en raison de leur intégration poussée. Or, cette loi est interprêtée de manière trop restrictive… La preuve avec le cas de Fatmir K.

D’origine albanaise, en Suisse depuis 1996… soit depuis 15 ans, Fatmir K. a pourtant fait tous les efforts possibles pour s’intégrer et parvenir au plus vite à fonctionner de manière autonome. Il a appris ainsi rapidement le français, suivi différentes formations proposées par l’EVAM, et a travaillé successivement dans l’agriculture, comme traducteur, puis pour une entreprise de transports. Un grave accident de travail en 2005 l’a forcé cependant à cesser de travailler pour une longue période.
Malgré un séjour de plus de 10 ans en Suisse, une demande de régularisation de sa situation a été rejetée en 2007. A ce jour, M. K. est frappé d’une interdiction de travailler. Séjournant depuis 15 ans en Suisse, il est fortement affecté par la perpétuelle incertitude quant à son avenir, la menace quotidienne d’une arrestation et d’un renvoi, l’impossibilité de se sentir utile à la société et autonome ainsi que par la peur que sa situation ne se stabilise jamais. Malgré cela, il continue à travailler au sein des programmes d’occupation de l’EVAM dès qu’il en a l’occasion.

Aujourd’hui, Fatmir K. est menacé d’expulsion par le SPOP. Les pressions qui lui sont faites sont intolérables, mais sont malheureusement fréquemment subies par les requérant-e-s d’asile débouté-e-s qui vivent dans l'angoisse constante de leur renvoi. Pour justifier le refus de régulariser M. K., le service de la population met en avant son « passé pénal » : en l’occurrence, en 2003 Fatmir a été contrôlé en possession d’un unique faux billet de 200 francs, remis à son insu par une connaissance, ce qui lui a valu une amende de 1'500 francs. Voilà donc ce qu’est un « cas pénal » ! Cet épisode suffit à réduire à néant 15 années passées en Suisse, la maitrise de la langue et la volonté manifeste d’être autonome. Mais jusqu'à quand Fatmir K. devra-t-il payer pour cet incident de parcours ?

Le cas de M. K. n’est de loin pas isolé : nous avons remis une liste de 37 noms à Philippe Leuba en juin 2011. Aucune de ces personnes n’est à ce jour régularisées alors que toutes répondent aux critères fixés par la LAsi.

Nous  considérons que l’installation  durable  (cinq  ans)  sur  le  sol  vaudois  constitue  en  soi  un  cas  de rigueur justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour. Nous estimons qu’une telle durée  implique  de fait une  intégration poussée  de par  les  travaux,  liens, réseaux, famille, services, échanges et autres apports que les personnes déboutées de  l’asile  créent  dans  notre  canton.  A  partir  du  moment    ces  personnes séjournent  depuis  si  longtemps  dans  le  canton,  un  renvoi  forcé  constitue  une atteinte à leur intégrité et à leur vie privée et familiale. Il faut dès lors mettre en place les conditions favorables à leur intégration complète en leur délivrant un permis de séjour.
Nous demandons la régularisation immédiate de Fatmir K., ainsi que des 36 autres personnes dont les noms figurent sur la demande de régularisation déposée le 21 juin 2011.


Lausanne, le 3.11.11

- voir l'article dans Le Courrier, 4.11.11