lundi 27 octobre 2014

Lettre ouverte au directeur du SPOP, M. Maucci

Concerne : renvoi famille Grabanica -   Lettre ouverte

Monsieur le Directeur,

Vous, vous saviez dans quelle détresse vous plongiez Liridona, seule avec ses trois filles lorsque, dans un premier temps, vous emprisonniez Nexhad.
Vous, vous saviez que Liridona était à l’hôpital lorsque Nexhad a été dans un deuxième temps liberé et vous imaginiez le soulagement de la famille fragilisée lors de leurs retrouvailles.
Vous, vous saviez en libérant Nexhad que sa sortie de la prison administrative de Favra, n'était pas une libération mais une porte grande ouverte vers l'avion. Lui, il ne le savait pas! Vous, vous avez donc accepté la libération de Nexhad pour ensuite mieux profiter de leur vulnérabilité avérée afin de les renvoyer!
Ses geôliers lui ont dit "Vous êtes libre" et il a cru à ces paroles. Rentré chez lui à nouveau plein d'espoir, il a été menotté et expulsé de force,48h après,  avec toute sa famille.
Vous, vous saviez, quand au Spop, après sa sortie de Favra, vous lui avez renouvelé son papier blanc pour 12 jours qu'il n'en aurait plus besoin. Avez-vous vu son espoir, son soulagement dans ses yeux quand il s'est présenté? Personne, par contre, n’a vu son regard quand à 6h du matin le lendemain la police a débarqué chez lui pour le jeter avec sa famille hors de ce pays qui ne le voulait pas. "Respirez tranquillement" lui a dit la police "Tout va bien se passer. Il y a un médecin dans l'avion qui va prendre soin de vous"! A l'aéroport, il s'est défendu, il a dit qu'il venait d'être libéré deux jours auparavant de prison. 10 policiers l'ont immobilisé et violemment ligoté mains et pieds,ainsi que sa femme,  sans aucune retenue vis à vis des petites filles témoins de la violence sur leurs parents. C'est ligoté et attaché au siège de l'avion qu'ils sont arrivés au Kosovo, comme l'ont été tous et toutes les expulsé.e.s de Suisse.
Vous, vous saviez que toute la famille serait expulsée ce jour-là. Mais pour Nexhad, pour sa femme Liridona, pour Suela (5 ans) Sumea (3 ans) et pour la petite Esma (3 mois), toutes les trois nées en Suisse, ce départ avait été effacé de leurs soucis 48h avant. Ils pensaient pouvoir à nouveau espérer rester en Suisse. "Vous êtes libre"...ils n'ont pas voulu lui dire que c'était une liberté de 48h et vous, vous n'avez rien dit non plus. Vous avez juste continué à accomplir votre "devoir envers Berne", comme vous dites, et cela, quitte à le faire dans une forme extrême d'inhumanité.

L'ensemble des personnes connaissant la famille, leur parcours et ayant eu écho de cet événement a été extrêmement choqué de ces agissements alarmants.

Nous vous accusons d'avoir tendu un piège à cette famille, d'avoir trahi leur confiance en profitant de leurs retrouvailles pour les arrêter tous ensemble, par surprise.
Nous vous accusons d'avoir employé des méthodes perverses, manipulatrices et dénudées d'humanité à l'encontre de cette famille et d'avoir usé d'une sérieuse forme de maltraitance psychologique. Nous vous accusons d'un dangereux manque d'humanité et et d'une violation du respect et de la dignité auxquels chaque être humain a droit. Nous vous accusons d'user d'une violence institutionnelle traumatisante sur la famille et ses trois enfants. Quelles seront les séquelles psychologiques sur Suela, Sumea et Esma ? Avez-vous seulement un instant pensé aux conséquences de ces actes sur la famille ?

La famille Grabanica était en Suisse depuis 6 ans, ils avaient suivi une intégration parfaite: deux promesses d'embauche pour Nexhad, l'école et l'avenir pour les filles. C'est bien vous, le Spop et non Berne qui a dit non à sa demande de régularisation. Pourquoi?
 Aujourd’hui, ils sont au Kosovo, dans une chambre unique et sans fenêtres et sans avenir dans cet autre pays. Les menaces, motifs de leur exil en Suisse, sont toujours présentes.
Nexhad et sa famille, Fatmir et tous et toutes les autres expulsé.e.s ne sont pas des marchandises à déplacer comme des surplus incommodants. Ces personnes ont le droit de connaître une vie familiale sereine en Suisse, là où ils ont déployés déjà tant d'efforts pour se forger une place légitime et ils ont droit à une dignité d’être humain.
Leur seule désignation comme des personnes illégales, ne vous permet pas, à vous, ni aux autorités suisses, de les traiter avec une telle violence et un tel mépris.


Au vue de tout ce qui précède, nous vous demandons, Monsieur le Directeur, vous qui saviez, le rapatriement immédiat en Suisse de la famille Grabanica pour que leur dignité d'êtres humains puisse être rétablie et que réparation leur soit faite.

Collectif Droit de rester

jeudi 16 octobre 2014

Manifestation pour un logement décent, ici et maintenant! On n'est pas en guerre, pas de bunker!

On est pas en guerre, pas de bunker 
Un logement décent, ici et maintenant! 

Manifestation 
Mardi 28 octobre 2014
17 h 30
Place Chauderon - Lausanne

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Depuis le mois d’août 2014, un collectif de demandeurs d’asile est entré en lutte pour exiger de bonnes conditions d’hébergement dans le canton de Vaud. 
Epuisés par des conditions de vie profondément dégradées dans les abris PC de l’EVAM, ils ont entrepris plusieurs actions et ont exigé du Président du Conseil d’Etat et de la direction l’EVAM une négociation. Ces demandes, malgré l’urgence, sont encore aujourd’hui restées sans réponse. 
Plus de 400 requérants d’asile sont logés dans les abris de la Protection Civile gérés par l’EVAM. Ils sont contraints de vivre dans des locaux sous terre, sans fenêtre, dans des dortoirs collectifs parfois insalubres, sans intimité. L’accès à une cuisine leur est interdit. 
Ces personnes sont obligées de partir chaque jour à 10h de l’abri sans possibilité d’y retourner avant le soir. Dans ces conditions, la santé mentale et physique des personnes est dégradée, le sommeil difficile. Le droit de vivre décemment et dignement leur est refusé. 

Ce collectif exige d’être logé décemment, c’est-à-dire dans un lieu de vie non souterrain. 
Dans l’attente de la réalisation de cette revendication légitime, ils exigent la mise en œuvre immédiate de mesures concrètes visant l’amélioration de leurs conditions de vie : l’ouverture 24h sur 24 des abris, l’accès à une cuisine qui leur assure l’autonomie et un hébergement non surpeuplé. 
Nous appelons toutes et tous à soutenir la lutte exemplaire de ce collectif et à être solidaires de leurs revendications, en participant la manifestation du 28 octobre 2014. 
La politique menée ici est un laboratoire de réduction des droits fondamentaux qui frappe toujours les plus faibles d’abord et qui est amenée à se généraliser. 
Nous refusons que des personnes soient contraintes de vivre dans un abri PC. Un logement décent, ici et maintenant! 

Collectif Droit de Rester

Soutien (23.10.14): Droit de rester, Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers et de la côte, Solidarité sans frontières, Fédération syndicale SUD, Association de défense des chômeurs/euses, L’autre syndicat, SSP Vaud, Parti Ouvrier Populaire, Jeunes POP NE, SolidaritéS Vaud, Gauche Anticapitaliste, Organisation Socialiste Libertaire, SOS-Asile, Collectif Vaudois de Soutien aux Migrant-e-s, Unia Vaud

Un renvoi est un renvoi de trop


Le collectif Droit de rester fait part avec tristesse et colère du renvoi forcé de
Fatmir Krasniqi, en Suisse depuis 18 ans, 
ainsi que de
Nexhad et Liridona Grabanica et de leurs trois enfants (Suela 5 ans, Sumea 3 ans, Esma 3 mois), en Suisse depuis 6 ans,
le vendredi 10 octobre 2014 par vol spécial au Kosovo.

Arrivés à Pristina, Nexhad a été arrêté par la police et son épouse Liridona s’est retrouvée seule, avec trois enfants en bas âge, dans un pays qu’elle a quitté il y a 6 ans. Nexhad a été libéré le jour même et a pu la rejoindre. Quant à Fatmir Krasniqi, renvoyé au Kosovo alors qu’il venait d’Albanie, il a dû trouver par lui-même une solution pour rejoindre son pays. Lundi 13 octobre, il nous a appelé depuis l’Albanie.
Vendredi, les autorités suisses ont montré une fois de plus leur mépris des personnes, de leurs situations particulières, de leurs projets individuels. Elles n’ont que faire des protestations de citoyen-ne-s indigné-e-s par l’arrestation de leurs amis ; elles n’ont que faire de l’avenir d’enfants nées ici ; elles ne tiennent pas compte des avis des médecins, inquiets pour la santé de la famille.
La machine bureaucratique a broyé une fois de plus, avec l’aide active des employé-e-s du Service de la population (SPOP), de l’Office des Migrations (ODM) et des policier-e-s, des vies innocentes qui avaient leur place en Suisse.
Un renvoi est un renvoi de trop !

Collectif droit de rester

vendredi 3 octobre 2014

Renvoyé en Italie et séparé de sa sœur jumelle

2 octobre 2014         Olivier et Shamsa sont jumeaux. Ils sont âgés de 17 ans. Ils ont perdu leur père à l’âge de 6 ans et leur mère à l’âge de 12 ans. Eux-mêmes sont séparés depuis des années. Ils se sont retrouvés par hasard en Suisse avec l’aide de la Croix-Rouge. Les autorités restent sourdes à leurs demandes désespérées de pouvoir rester ensemble en Suisse. Ils sont l’un pour l’autre leur seule famille.

Olivier a été placé en détention administrative et il va être renvoyé en Italie en application des accords de Dublin pour le traitement de sa demande d’asile. Il sera ainsi définitivement séparé de sa sœur, les demandeurs d’asile n’ayant aucune possibilité de voyager au sein de l’Union Européenne.

Olivier est originaire du Congo où il était enfant des rues pendant deux ans, après la mort de sa mère. Puis il a été recueilli par une œuvre de charité et avec de l’aide, il est parvenu à venir en Suisse où il espérait trouver son père. C’est sa sœur jumelle qu’il a retrouvée et qui a dû lui apprendre le décès de leur père en 2005, en Suisse, des suites d’une grave maladie.

Depuis août 2013, toutes les procédures tendant à l’annulation du renvoi en Italie pour permettre aux deux jeunes de rester ensemble ont échoué. Les autorités sont restées intraitables. Elles ont pour principal argument qu’Olivier n’ayant pas déposé de documents d’identité, il n’a pas prouvé son âge et il n’est donc pas prouvé qu’il est mineur.

Les autorités n’ont pas tenu compte de tous les autres éléments du dossier plaidant en sa faveur. Sa sœur jumelle a elle-même produit sa carte d’identité originale. A son arrivée en Suisse quelques années plus tôt, elle a déclaré avoir un frère jumeau et elle a donné son identité. La Croix-Rouge a pu les retrouver et les mettre en contact sur la base de leurs déclarations qui étaient concordantes. Une expertise ADN a montré qu’il existe une probabilité de 99.83% que Shamsa et Olivier soient de la même fratrie. L’autorité d’assistance a placé Olivier dans un centre d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés, compte tenu de sa maturité et de son comportement d’adolescent. Il s’est vu attribuer un éducateur et il a été intégré à l’OPTI, qui accueille des jeunes de plus de 14 ans, pour y poursuivre leur scolarité dans le but de les préparer à un intégrer un apprentissage. Selon un rapport médical psychiatrique, de janvier 2014, d’un service spécialisé dans la prise en charge des adolescents, les contacts réguliers qu’Olivier entretient avec sa sœur ont un effet bénéfique sur sa santé. En raison de sa maturité affective et de son apparence, il est considéré par son entourage comme un mineur. Il est très vulnérable et sa santé psychique a été profondément ébranlée. Un autre certificat médical atteste qu’Olivier « présente toutes les caractéristiques biologiques et psychosociales d’un adolescent ».

L’intervenante sociale du centre d’accueil où séjourne Shamsa, qui se trouve dans un canton alémanique, atteste que le frère et la sœur se téléphonent plusieurs fois par semaine. Ils se sont rencontrés pour la première fois au centre en novembre 2013. Shamsa a décrit ces retrouvailles de manière très positive. Ils ont passé les fêtes de fin d’année ensemble et ils se retrouvent très souvent les week-end. L’état psychique de Shamsa s’est fortement dégradé lorsqu’elle a appris la détention administrative de son frère. Elle a pleuré durant tout l’entretien. Elle ne supporte pas l’idée que son frère risque d’être renvoyé en Italie. Pendant de nombreuses années, elle ne savait pas où il était ni ce qu’il était devenu. Depuis qu’ils se sont retrouvés, ils se voient souvent et se téléphonent souvent. Quelqu’un a trouvé la jeune fille avec un couteau à la main dans la cuisine. Elle était dans un état de crise et il a fallu appeler immédiatement les urgences. Elle a été hospitalisée en milieu psychiatrique en raison d’un état de détresse intense. Olivier de son côté a aussi tenté de se suicider en détention, en avalant le contenu d’une pile.

Ces deux frère et sœur, qui entretiennent des liens affectifs étroits compte tenu de leur parcours de vie difficile et de leur jeune âge, et qui n’ont aucune autre famille sur qui compter, vont être séparés par les autorités qui ont décidé que la demande d’asile d’Olivier devait être traitée en Italie. Il s’agit d’une décision administrative digne de la plus haute bureaucratie, laquelle n’a que pour objet l’application des règlements de police, qui définissent ce qui est bon pour la Suisse, c’est-à-dire qu’il y ait le moins de requérants d’asile possible sur le territoire helvétique. Les autorités sont demeurées sourdes à la situation de détresse et d’humiliation dans laquelle les deux jumeaux se retrouveront après avoir été séparés de force, contre leur volonté. Le processus de l’asile est censé prendre en compte les besoins de protection des gens. Ici, le traitement administratif a prévalu, qui rompt les liens de famille d’Olivier et de Shamsa et les prives de la liberté de vivre ensemble selon leurs besoins affectifs et identitaires respectifs. Le traitement administratif détruit l’individu, sa famille, ses libertés et son identité.