jeudi 27 février 2020

Lettre au Commandement des gardes-frontières

Voici la lettre que le collectif Droit de rester a envoyée cette semaine au Commandement des gardes-frontières:  le 7 décembre 2019, en gare de Lausanne, des gardes-frontières ont interpellé un membre de notre collectif, et n'ont pas hésité à utiliser son fils, âgé de 11 ans, pour effectuer toute la traduction. Le fils s'est donc retrouvé à transmettre à son propre père une notification d'interdiction d'entrée... Choqué-e-s, voici ce que nous avons écrit: 



Lettre adressée à : Commandement des gardes-frontières, Régions V, Avenue Tissot 8, 1006 Lausanne                                                     


                                                                                 Lausanne, le 17 février 2020


Plainte suite à l’intervention de vos services le 07.12.2019 en gare de Lausanne

Madame, Monsieur,

En date du 07.12.2019, M. V.G. et son fils G, né le 12.11.2008, ont été interpelés par vos agents gardes-frontières en gare de Lausanne aux environs de 13h00. Durant toute l’intervention, qui a conduit à la notification d’une interdiction d’entrée, vos agents ont obligé G., un enfant de moins de douze ans, à effectuer la traduction. Cela constitue une violation des droits de M. V.G, dont celui d’être entendu et un grave manquement à votre devoir de protection des mineur-e-s, dévolu à toute administration.

M. V.G et son fils ont quitté la Géorgie il y a moins de deux ans après le décès de la mère de G. Gravement atteint dans sa santé M. V.G a besoin de soins et ne pouvait travailler pour assurer sa subsistance ni celle de son enfant. Le système de santé géorgien est déficient et il n’y existe pas d’aide sociale. Pour des raisons qui nous échappent, la Suisse a rejeté leur demande d’asile.

La situation de la famille est connue des autorités vaudoises qui lui octroie l’« aide d’urgence » (nourriture, hébergement et soins médicaux). G. est également scolarisé comme tous les enfants de son âge. Il excelle à l’école et apprend le français à une vitesse impressionnante.

En lui imposant le rôle de traducteur, vos agents ont profité des compétences de G. pour l’instrumentaliser dans une procédure à l’encontre de son père. Cela est d’autant plus inacceptable que G. serait également concerné au premier chef en cas d’expulsion forcée du territoire. Une telle pression émotionnelle peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé psychique d’un enfant.

Tous les mineur-e-s qui séjournent sans statut légal en Suisse avec leur(s) parent(s) subissent déjà au quotidien le harcèlement administratif et la peur d’être renvoyé-e-s de force. Toutes et tous sont atteint-e-s à des degrés divers dans leur santé psychique et physique. Les dommages sont démultipliés lorsqu’elles et ils sont utilisé-e-s contre leur gré pour servir d’intermédiaire avec les autorités.

Vos agents n’ont pas demandé à G. s’il était d’accord de traduire. Et quand bien même : un enfant de moins de douze ans est par définition incapable de donner un consentement éclairé dans un tel contexte. La traduction effectuée n’a aucune valeur.

Vos agents ne se sont pas interrogés un instant sur les conséquences pour G. de ce qu’il allait dire et entendre au cours de cette intervention ni de ce qu’il pouvait en comprendre. Ils n’ont eu de considération ni pour son bien-être ni pour le respect de ses droits selon le concept d’« intérêt supérieur de l’enfant »[1].

Vos agents ont abusé de leur autorité sur un enfant, bien trop jeune pour se défendre, aussi intelligent soit-il.

L’intervention du 07.12.2019 s’est faite au mépris des droits fondamentaux de l’enfant. Au-delà de la question de la protection de nos frontières, semble-t-il menacées par un veuf et son jeune fils qui rentraient tranquillement chez eux, cela en valait-il la peine ?

Nous pensons que non. Un recours a été interjeté et nous sommes persuadés que la justice invalidera votre décision pour vice de forme. Mais ce triste épisode n’est malheureusement qu’un nouvel exemple des abus de pouvoir de vos services en gare de Lausanne. Vos agents semblent considérer la gare comme leur territoire de chasse et y harceler tout ce qu’ils considèrent comme « étranger », particulièrement les personnes qui bénéficient de l’« aide d’urgence » délivrée par les autorités vaudoises.

Nous exigeons de votre part des mesures immédiates pour que pareille situation ne se reproduise plus, en particulier :
- Que les agents responsables de l’intervention du 07.12.2019 soient sanctionnés.
- Des excuses publiques envers M. V.G. et son fils
- La garantie de votre part de ne pas utiliser de mineur à fin de traduction
- La garantie de votre part que les bénéficiaires de l’« aide d’urgence », connus des autorités vaudoises responsables de l’exécution des renvois le cas échéant, puissent circuler librement en gare de Lausanne.

Nous vous adressons Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

                                                                          Le Collectif Droit de Rester




[1] Le concept d’«intérêt supérieur de l’enfant» vise à assurer la jouissance effective de tous les droits reconnus dans la convention ainsi que le développement global de l’enfant, que ce soit sur le plan physique, mental, spirituel, moral, psychologique ou social. Ce concept doit être pris en compte lors de l’adoption de toute mesure pouvant avoir un impact sur les enfants, dans le cadre de décisions prises par les autorités ou les instances judiciaires sur des cas individuels, ainsi que dans l’élaboration de lois, politiques, stratégies, programmes, budgets, etc. Source : https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-internationaux/nouvelles/divers-organes-de-lonu/comite-droits-de-lenfant-precise-concept-dinteret-superieur-de-lenfant (11.02.2020)

lundi 17 février 2020

Pétition en faveur de la famille Altun

Pétition en faveur de la famille Altun
adressée à Mme Sonya Butera, vice-présidente du Grand Conseil vaudois
et à M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat

Madame et Monsieur Fatma et Halit Altun et leurs deux enfants âgés de 4 et 9 ans habitent à Bex depuis plus de deux ans. Monsieur est kurde. Madame est turque. Lui est vétérinaire, elle biologiste. Tous les deux sont poursuivis par le régime de Recep Erdogan.
Monsieur Altun est arrivé en Suisse le premier, et directement. Opposant politique, il a plusieurs mandats d’arrêt contre lui et a dû se cacher pendant trois mois avant de pouvoir quitter le pays en camion. Il a déposé une demande d’asile en janvier 2017.
Madame Altun a été gardée à vue après le départ de son mari, puis assignée à résidence. Elle a dû passer par l’Allemagne avec les enfants pour rejoindre son mari. Elle a dû y déposer une demande d’asile sous peine d’être renvoyée directement en Turquie. Elle est arrivée Suisse romande en octobre 2017. Elle a passé quelques semaines en Allemagne, contre son gré. Raison pour laquelle la Suisse refuse de s’occuper de sa propre procédure d’asile. Sommée de quitter la Suisse, elle a reçu le 6 février un plan de vol pour l’Allemagne pour elle et les enfants. Si elle est expulsée, la famille sera séparée.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations a proposé à trois reprises à l’Allemagne de prendre en charge la procédure d’asile du père. Après deux refus, l’Allemagne a fini par accepter. Mais le temps a passé. M. Altun est en Suisse romande depuis trois ans. Il a de la famille établie à Lausanne. Il parle couramment le français, tout comme sa femme et ses enfants. Mme Fatma Altun s’est qualifiée comme auxiliaire pédagogique et M. Halit Altun a une promesse d’engagement auprès d’une entreprise de la région lausannoise. De plus, Madame a pris part à des activités bénévoles à Bex. L’aînée des enfants est une élève brillante. La famille s’est fait beaucoup d’amis dans la région.
Cette famille doit rester unie. Elle a toute sa place en Suisse romande et ne dépendra pas de l’aide sociale.
Nous soussigné-e-s, demandons au Grand Conseil du canton de Vaud et au Conseil d’Etat de ne pas séparer cette famille en exécutant le renvoi en Allemagne de Mme Fatma Altun et des deux enfants du couple.
Nous souhaitons que ces enfants ne vivent pas un nouveau traumatisme par un 2ème déracinement et par  une 2ème séparation avec leur papa.

Télécharger la pétition