On l’appelle administrative mais c’est une prison comme les autres. A un détail près: les personnes qui s'y trouvent n’ont pas commis de crimes, ne sont pas passées devant un tribunal, ne sont pas condamnée à des peines, mais à leur expulsion du territoire suisse.
Leur migration est leur seul délit.
On arrive à la prison administrative de Frambois (GE) pieds et mains menottés, dans des fourgons cellulaires, avec pour toutes affaires ce que l'on avait sur soi au moment de l’arrestation. Après une fouille complète, la porte de la prison se referme, puis celle de la cellule, pour des mois, jusqu'à 18 mois consécutifs.
S. avait essayé de vivre dans son pays d’origine, mais impossible de construire un espace de vie digne dans un pays de guerre et de misère quand on est pauvre. Il y a plus que 5 ans, il avait rejoint ses parents détenteurs d'un permis C et sa sœur naturalisée. Mais pour lui, il n’y eu pas de place en Suisse : uniquement la prison et l’expulsion, et cela en dépit d'un bras en bandoulière. Son épaule, blessée pendant un programme d’occupation à l’EVAM, nécessitait une opération agendée début octobre. Pas vitale l’opération ? Non, on ne meurt pas d’une épaule qui se déboîte, c'est pourquoi on lui a dit d’aller se faire soigner chez lui : on l'a donc renvoyé par avion spécial avec 4 autres personnes « superflues » en Suisse.
Combien peuvent bien coûter à la Suisse, aux cantons, ces avions spéciaux qui s’envolent dans le secret depuis Zurich avec quelques migrant-e-s à bord et autant d'agents assurant l'expulsion? Pourquoi ce manque de transparence? Pourquoi personne ne peut assister aux expulsions?
Au nom de quelle logique des personnes qui cherchaient un espace de liberté et de vie trouvent-elles des menottes et un séjour de plusieurs mois en prison? Quel est le coût de cette politique absurde?
Que deviennent ces personnes une fois débarquées « chez elles » et remises aux mains des autorités qu’elles ont fui? Nul doute que pour S. l’accueil a dû être chaleureux et que les portes des hôpitaux se seront ouvertes pour soigner, gratuitement, son épaule...
Nous qui avons accompagné S. ces derniers temps, sommes révolté-e-s contre la violence, l’arbitraire, le déni de justice, le non respect des droits fondamentaux, dont a été victime S. et d’autres réfugié-e-s. Sorti de prison un lundi matin, nous l’avons attendu sur le parking de la Police Cantonale à la Blecherette et nous avons assisté impuissant-e-s à ce qu’on peut appeler un trafic d’êtres humains. Fortement dérangé-e-s par notre présence, des hommes et des femmes « accomplissaient leur devoir » de transfert d’un fourgon à un autre de personnes menottées. Qui étaient ces personnes? D’où venaient-elles et ou allaient-elles? Pourquoi ces efforts pour nous cacher ce qui se passait ? Pourquoi cette agressivité à notre égard? Et pourquoi ces longues palabres avec les inspecteurs de police en civil pour que finalement la mère de S. puisse simplement dire au revoir à son fils !
L’expulsion de S. et les conditions dans lesquelles elle a eu lieu démontrent une nouvelle fois le traitement inhumain fait aux migrant-e-s que les autorités décident d’expulser, comme s'il n'avait pas été suffisant de les maintenir pendant des années dans la restriction de leurs droits à recréer une vie digne. Souvent au moment où ils/elles pourraient aspirer à une régularisation, l'arbitraire de l'expulsion intervient pour briser tous ces efforts et tout espoir.
Un récent document onusien définit la migration comme moteur du développement humain. En Suisse, la migration est toujours considérée comme un problème et les migrants comme des êtres humains dont les autorités peuvent disposer selon les besoins de l’économie ou du cours de la politique.
Nous disons NON à cet état des choses. L’arbitraire, la discrimination, le racisme, la violence d’Etat doivent disparaître. Il en va non seulement du respect des migrant-e-s et de leur droits mais aussi de l’avenir de la communauté humaine.
Nous demandons l'arrêt immédiat de tous les renvois forcés et la régularisation des personnes migrantes qui ont reconstruit leur vie en Suisse et participent de cette société.
tract distribué le mardi 27.10.09 devant le Grand conseil vaudois
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