Nous avons accompagné ces derniers temps différent-e-s requérant-e-s d’asile et nous sommes révolté-e-s contre la violence, l’arbitraire, le déni de justice, le non respect des droits fondamentaux dont ils ont été victime.
Nous sommes allé-e-s sur le parking de la Police Cantonale à la Blécherette et nous avons assisté impuissant-e-s à ce qu’on peut appeler un trafic d’êtres humains. Fortement dérangé-e-s par notre présence, des hommes et des femmes « accomplissaient leur devoir » de transfert d’un fourgon à un autre de personnes menottées. Qui étaient ces personnes? D’où venaient-elles et ou allaient-elles? Pourquoi ces efforts pour nous cacher ce qui se passait ?
Quelques situations :
• S. avait essayé de vivre dans son pays d’origine (RDC), mais impossible de construire un espace de vie digne dans un pays de guerre et de misère quand on est pauvre. Il y a plus que 5 ans, il avait rejoint ses parents détenteurs d'un permis C et sa sœur naturalisée. Mais pour lui, il n’y eu pas de place en Suisse : uniquement la prison et l’expulsion, et cela en dépit d'un bras en bandoulière. Son épaule, blessée pendant un programme d’occupation à l’EVAM, nécessitait une opération agendée début octobre. Pas vitale l’opération ? Non, on ne meurt pas d’une épaule qui se déboîte, c'est pourquoi on lui a dit d’aller se faire soigner chez lui.
• H., originaire de Sierra Léone, est arrivé en Suisse il y a 10 ans. Il a fui son pays à l’âge de 18 ans après avoir été enfant soldat pendant 4 ans et après avoir assisté aux pires atrocités de la guerre. Son père est décédé quand il avait 12 ans, il n’a plus de nouvelles de sa mère et croit qu’elle a été assassinée. Il n’a pas de frère et sœurs.Il n’a plus aucune nouvelle non plus des membres plus éloignés de sa famille, il n’a donc personne pour l’accueillir chez lui en cas de renvoi. Agé maintenant de 28 ans, il dit se sentir plus d’ici que de Sierra Léone. A la prison de Frambois depuis bientôt un mois, que deviendra-t-il s’il est renvoyé dans son pays ?
• Z., 21 ans, a déserté son pays, l’Erythrée, pour échapper à l’enrôlement dans l’armée durant 2 ans. Elle est arrivée en bateau en l’Italie, où elle a dû laisser ses empreintes digitales. Arrivée en Suisse en décembre 2008, elle y demande l’asile. Comme elle a transité par l’Italie, en Suisse elle est frappée par les règles «Dublin » et renvoyée une première fois au mois de juin 2009. Elle est arrêtée au centre d’hébergement de Bex tôt le matin. Menottée, embarquée par la police en pyjama elle est expulsée à Rome. Elle s’y retrouve en pyjama, sans argent, sans personne pour l’accueillir. Livrée à la rue, elle subit des graves traumatismes. Après un mois, elle arrive à s’enfuir et à revenir en Suisse. Elle y demande une nouvelle fois l’asile. On la place cette fois au centre d’aide d’urgence de Vevey. Trois mois plus tard, elle doit revivre le même traumatisme de l’expulsion : réveil par des policiers, embarquement, menottes, expulsion à Rome. Ce processus sera stoppé grâce à la vigilance de notre groupe et de son mandataire. Elle peut rentrer à Vevey …. mais dans quel état de peur, d’angoisse et de traumatisme ?
• P. est ressortissant de RDC. Il est en Suisse depuis 1998. Il était au bénéfice du permis N jusqu’en 2008, il a travaillé et il a toujours habité Lausanne. Suite à la mise en applications des nouvelles lois, en 2009, il est mis à l’aide d’urgence et il a l’interdiction de travailler. Sa demande de pouvoir bénéficier d’un permis de séjour grâce à l’art. 14 a été acceptée par le canton mais refusée par Berne. Sa compagne au bénéfice d’un permis F a accouché le 11 septembre dernier. Il est donc papa d’un nouveau né et il a fait des démarches pour la reconnaissance de son fils. Il souffre depuis des années d’une maladie chronique, soignée en Suisse. Lundi passé il a été arrêté devant sa compagne à son domicile et depuis il est à Frambois, menacé d’expulsion.
• C., originaire de RDC, a passé plus d'une année dans le "foyer" de Vennes. Il est électrotechnicien. Il a fait de la mécanique sur autos. Il était inscrit pour faire des études à l'école d'ingénierie de Lausanne et son année de mise à niveau devait commencer en janvier 2010. Un réseau d'amis a réuni les fonds pour financer cette année d'études, mais le Spop ne l'a pas voulu ainsi. Il l'a fait arrêter et enfermer à la prison de Frambois pour expulsion. Aux dernières nouvelles, on ne sait pas s'il a déjà été mis dans l'avion.
• T. se trouve en Suisse depuis 8 ans. Il a fui le Bénin et a travaillé pendant plusieurs années chez nous. Il a été apprécié partout. Il est confiant, chaleureux, ponctuel "en Suisse, il faut apprendre à être à l'heure". Il a déposé une demande de permis de séjour selon l'article 14 de la loi sur l'asile, un article qui permet de déposer une demande après 5 ans de séjour en Suisse. Pour toute réponse, arrestation et envoi à Frambois. On lui avait fait passer un test de langue et on n'avait pas pu déterminer s'il était bien béninois. Pas de problème, il n'a qu'à signer une déclaration disant qu'il est béninois.
• J. a fui le Cameroun suite aux persécutions dont a été victime sa famille. Il a 24 ans. Depuis son arrivée en Suisse, en 2006, il a apporté les preuves de la mort suspecte de son père, politiquement engagé, ainsi que les preuves du décès de sa mère et de sa sœur. Les autorités suisses estiment que son retour dans le pays ne pose pas de problèmes. Au Cameroun, les familles des opposants politiques au régime sont toujours en danger et l'expulsion de J. le livrerait aux mains des autorités, sans aucun moyen de défense. Il a été arrêté mercredi matin à son domicile, il était actuellement sous contrat de programme d'occupation de l'EVAM.
Conclusion :
Ces expulsions et les conditions dans lesquelles elle ont eu lieu démontrent une nouvelle fois le traitement inhumain fait aux migrant-e-s que les autorités décident d’expulser, comme s'il n'avait pas été suffisant de les maintenir pendant des années dans la restriction de leurs droits à recréer une vie digne. Souvent au moment où ils/elles pourraient aspirer à une régularisation, l'arbitraire de l'expulsion intervient pour briser tous ces efforts et tout espoir.
Un récent document onusien définit la migration comme moteur du développement humain. En Suisse, la migration est toujours considérée comme un problème et les migrant-e-s comme des êtres humains dont les autorités peuvent disposer selon les besoins de l’économie ou du cours de la politique.
Nous disons NON à cet état des choses. L’arbitraire, la discrimination, le racisme, la violence d’Etat doivent disparaître. Il en va non seulement du respect des migrant-e-s et de leur droits mais aussi de l’avenir de la communauté humaine.
Nous demandons l'arrêt immédiat de tous les renvois forcés et la régularisation des personnes migrantes qui ont reconstruit leur vie en Suisse et participent de cette société.
Quelques échos de la conférence de presse sur le blog L'asile dans le canton de Vaud au jour le jour.
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