3
octobre 2013
Monsieur Rodovan est un homme dans la cinquantaine souffrant de
diabète. L’EVAM l’a placé en hébergement dans un abri
antiatomique, lieu inapproprié pour toute personne souffrant de
troubles médicaux. L’abri est humide et mal aéré, éclairé aux
néons. Tous les dortoirs sont communs à trois étages de couches de
lits superposés. La promiscuité empêche de se reposer ou de dormir
correctement et les sanitaires ne sont pas propres. L’abri étant
fermé pendant la journée, Monsieur Rodovan est condamné à errer
dans les rues sans but, par tous les temps.
Sur
une demande d’allocation d’un logement approprié, déposée en
août, l’EVAM a réagi en plaçant Monsieur Rodovan au sleep-in de
Morges.
Au
sleep-in, le dortoir héberge 10 à 12 personnes. Les mauvaises
odeurs y sont insoutenables et le bruit permanent, ce qui empêche de
dormir. Il n’est pas possible d’ouvrir les fenêtres qui sont
condamnées, de sorte que la pièce ne peut pas être aérée.
Monsieur
Rodovan y reçoit une nourriture incompatible avec son état de
santé. Le matin, on sert de la margarine avec de la confiture et du
pain blanc. Il reçoit un sandwich pour le midi et il y a de nouveau
de la margarine avec de la confiture et du pain blanc le soir, avec
du thé, du lait ou du café. Monsieur Rodovan ne reçoit donc
pratiquement rien à manger qui soit compatible avec son état de
santé. Il souffre de la faim et d’une dégradation de son état de
santé.
Par
ailleurs, Monsieur Rodovan n’a pas reçu de savon, ni de
dentifrice, ni de brosse à dents, ni de rasoir, ni aucun article
d’hygiène, ce qui est indigne de la personne humaine et contraire
au droit fondamental au minimum vital au sens de l’article 12 Cst,
lequel garantit à chacun de vivre de manière décente. La vie n’est
pas décente sans un minimum d’hygiène corporelle.
Il
n’y a au sleep-in aucune personne à qui adresser ses plaintes.
Monsieur Rodovan doit se débrouiller seul pour se procurer de quoi
se laver et laver son linge, alors qu’il est expulsé du sleep-in
tous les matins après le petit déjeuner, qu’il doit quitter avec
toutes ses affaires qu’il n’a pas le droit de laisser au
sleep-in, et qu’il ne reçoit aucun argent. Il ne peut acheter de
lui-même aucune nourriture ni aucun produit d’hygiène.
Pendant
la journée, il n’a nulle part où se reposer, le sleep-in étant
fermé de 9h à 18h. Sa maladie lui occasionne de la fatigue et il
est particulièrement pénible pour lui de devoir errer dans les rues
toute la journée, sans but, sans lieu de repos, sans accès aux
sanitaires, à souffrir du temps qu’il fait ainsi que d’un état
de misère et de complète désocialisation.
Monsieur
Rodovan est victime de traitements contraires à l’interdiction de
la torture au sens de l’article 3 CEDH. La Cour européenne des
droits de l’homme a en effet déjà jugé qu’une nourriture
insuffisante est indigne de la personne humaine et est un mauvais
traitement (Tabesh c. Grèce,
requête n°8256/07, arrêt du 26 septembre 2009). Lorsque le régime
alimentaire n’est pas compatible avec l’état de santé, il
s’agit d’un traitement dégradant (Gorodnitchev
c. Russie,
requête n°52058/99, arrêt du 24 mai 2007). Les conditions
d’hébergement doivent être compatibles avec la dignité humaine
et préserver la santé et le bien-être de la personne assignée à
un lieu de séjour (Paladi
c. Moldova, requête
n°39806/05,
arrêt de la Grande chambre du 10 mars 2009).
Enfin, les personnes dépendantes de l’aide des autorités pour
leur survie doivent être correctement et individuellement
renseignées de la façon dont elles peuvent avoir accès aux biens
de première nécessité (Gebremedhin
c. France, requête
n°25389/05, arrêt du 26 avril 2007).
Apparemment,
dans le cas d’espèce, l’EVAM n’a pas renseigné correctement
Monsieur Rodovan sur les horaires de distribution du repas du soir,
ni sur la personne à qui adresser sa demande de produits d’hygiène,
et ne s’est pas soucié de son accès effectif au minimum vital. Le
simple affichage des horaires, par exemple, n’est pas conforme aux
obligations de l’autorité d’assurer concrètement l’accès aux
biens de première nécessité, si le requérant, après plusieurs
semaines de séjour au sleep-in, n’a toujours pas eu accès aux
repas du soir et n’a pas de savon pour se laver.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire