10 décembre 2013 Les renvois ordonnés selon les accords de
Dublin sévissent encore. Le plus souvent brutaux, ils tendent à fragiliser
l’intégration sociale des réfugiés et à les maintenir dans l’exclusion, la
précarité et le déni de leur existence. Les migrants exposés à ces renvois endurent
la peur d’être expulsés de force pendant de longs mois, chaque nuit, dans ces
centres de parcage des « cas Dublin » que sont les centres de l’EVAM.
Ils subissent ensuite la violence policière, dans des conditions qui sont
susceptibles d’aggraver des traumatismes liés à l’exil, et qui sont la honte de
nos sociétés qui prétendent être attachées aux droits de l’homme. Les renvois
Dublin sont antinomiques aux droits de l’homme. Ils sont une manifestation de
l’Etat totalitaire qui veut contrôler la vie des réfugiés en s’arrogeant le
droit de décider à leur place du lieu où ils doivent demander une protection. Être
obligé de demander une protection dans un pays que l’on n’a pas choisi est le
contraire même de l’asile. Les accords de Dublin organisent la répression,
l’oppression et l’Etat policier contre les réfugiés, comme il ressort du
témoignage de Mme Sahla, qui a été brutalement renvoyée en Italie avec son fils
de 13 ans :
« C’était à 6h du matin. Huit policiers sont venus,
quatre étaient en uniforme. Mon fils et moi nous dormions. La police nous a dit
de descendre du lit. Ils ont attrapé mon fils violemment par le poignet de
l’ont forcé à baisser la tête en faisant une pression sur sa nuque. Ils l’ont
tiré avec brutalité dans le couloir. Ils ne nous ont pas laissé nous habiller.
Mon fils portait un tee-shirt et un short. J’avais un tee-shirt et un training.
Nous n’avions rien aux pieds. Les policiers ont mis les chaussures de force à
mon fils et l’ont poussé. Les voisins ont essayé de nous aider mais les
policiers les ont repoussés. Ils nous ont passé les menottes à mon fils et à
moi. Les policiers ont refusé que j’emmène mon appareil auditif alors que j’ai
déposé plusieurs documents au dossier qui expliquent que je souffre de surdité.
Les policiers ont pris des affaires au hasard et les ont jetées dans un sac.
Mon fils a demandé plusieurs fois qu’on lui enlève les menottes mais ils ont
refusé.
Avant d’entrer dans l’avion j’ai demandé d’aller aux
toilettes mais on m’a refusé. Ils m’ont attaché les mains sur une ceinture et
ils m’ont mis les menottes aux pieds également. J’étais très calme mais les
policiers étaient violents et agressifs. J’ai perdu connaissance. Ils ont
appelé quelqu’un qui est venu avec un uniforme de médecin. Je n’ai pas pu
communiquer avec lui. Après, deux policiers m’ont soulevée chacun par un bras
et m’ont tirée jusqu’à l’avion. Dans l’avion nous n’étions pas ensemble.
J’étais à l’arrière et mon fils était à l’avant. J’étais effroyablement
inquiète et en état de choc. En outre je n’ai plus pu me retenir et je suis
arrivée souillée à l’aéroport en Italie. Mon fils a demandé d’être avec moi
mais ils ont refusé. Il n’y avait aucune raison qu’ils refusent cela. Nous
avons été brutalisés et humiliés.
Arrivés en Italie, la police nous a
donné une adresse. Nous n’arrivions pas à trouver cette adresse. Je n’avais pas
de plan, je ne parle pas italien et je n’avais pas d’argent. Dans un parc, nous
avons rencontré des iraniens, des afghans. Ils nous ont montré une espèce de
camping où se trouvent les immigrants. Il y avait des tentes et beaucoup de monde.
Il n’y avait aucune organisation pour accueillir les gens. Nous étions dans une
tente avec d’autres familles qui avaient des enfants. Les gens se
débrouillaient pour cuire des spaghettis. Je n’ai pas vu de douche. Il y avait
des toilettes sales. Nous sommes restés quatre nuits dans cet endroit puis des
gens nous ont donné de l’argent pour prendre le train pour Lausanne. Ce n’était
pas possible pour moi de rester dans cet endroit avec mon fils. Nous sommes
très choqués par ces événements. Je n’ai pas fini mes soins médicaux. Je devais
être opérée encore d’une oreille. Mon fils va à l’école. Il a appris le
français et il a de bons résultats. Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont
fait ça. »
Mme Sahla n’avait jamais vécu en Italie auparavant. Elle n’y
connaît personne et elle n’a aucun soutien de famille sur place. Les autorités
là-bas ont été incapables de l’aider comme c’est malheureusement le cas de
nombreuses familles avec des enfants qui vivent dans la rue, dans des squats ou
sous des tentes, dans des conditions insalubres. L’expulsion de Mme Sahla et de
son fils n’est justifiée par aucun argument. Il s’agit d’un acte policier
d’expulsion d’étrangers indésirables. Pourtant, la famille Sahla est soutenue
par un important réseau d’intégration en Suisse. L’école a soutenu le jeune
adolescent qui est brillant et qui a considérablement investi pour apprendre le
français et rattraper le niveau scolaire. Ces efforts sont méritoires et
demandent à être relevés. Mme Sahla est chrétienne pratiquante. Les membres de
l’église l’ont soutenue également en soulignant son intégrité, sa foi et son
implication dans les activités de l’église. Tout cela était connu des autorités
mais elles n’en ont fait aucun cas. L’autorité qui ne tient pas compte de
l’avis de la population, des gens qui manifestent leur soutien à ceux qui
demandent asile, cette autorité est autocratique et répressive. Elle ne
représente pas l’idéal de démocratie qui l’a instituée. L’autorité tyrannique
menace la paix sociale comme cela ressort de la violence policière que Mme
Sahla et son fils ont dû affronter.
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