28 avril 2014 Sahiba,
originaire d’un pays en guerre, a déposé une demande d’asile en Norvège mais
elle a été renvoyée avec ses enfants en France, le 6 décembre 2013, en
application des accords de Dublin. Ses enfants sont âgés de 13, 9, 7 et 3 ans. A
l’aéroport de Paris, l’organisation de la Croix-Rouge les a conduits à un hôtel
où la famille pouvait rester pour trois nuits. Dans cet hôtel, il n’était pas
possible de faire la cuisine et on ne leur donnait rien à manger. La famille
n’avait reçu aucune aide en espèces. Madame avait quelques euros sur elle et elle
n’a pu acheter que quelques biscuits et du pain, et c’est tout ce qu’ils ont pu
manger pendant 6 jours. Elle devait rationner ses enfants qui avaient faim. Au
bout de trois jours, ils ont dû quitter l’hôtel avec leurs valises et la
famille s’est retrouvée dans la rue sans savoir où aller. La Croix-Rouge leur
avait donné le n°115 à appeler, ce que Sahiba a fait. Après plusieurs
téléphones, elle a fini par obtenir une prolongation de trois nuits dans le
même hôtel, toujours sans aucune aide alimentaire ou en argent. Trois jours
plus tard, la famille s’est de nouveau retrouvée à la rue, le ventre vide. Sahiba
a essayé désespérément de contacter le n°115 mais personne ne répondait. Les
enfants pleuraient et il faisait très froid. Elle n’avait aucune idée où aller.
Ils sont restés assis dans un endroit avec leurs bagages. Des gens les ont vus
et leur ont demandé ce qu’ils faisaient là et quelqu’un leur a dit qu’ils
devaient aller dans une autre région. Ils lui ont donné de l’argent pour
prendre le train. La famille est partie pour cette région. Sahiba ne se
souvient pas du nom. Arrivés là, elle a demandé son chemin et on l’a adressée à
un endroit pour les demandeurs d’asile, où ils pouvaient passer la nuit, qui
ressemblait à une école désaffectée. Il n’y avait pas de douche, ni de
chauffage. La famille s’est retrouvée dans une petite chambre de 15 personnes,
essentiellement des hommes. A 7 heures du matin, ils devaient quitter le lieu
avec tous leurs bagages. Ils devaient ensuite marcher pendant toute la matinée pour
rejoindre un autre endroit où on leur distribuait un repas par personne. Les
enfants devaient porter les bagages trop lourds pour eux. La mère devait porter
le plus jeune de ses enfants. Il pleuvait et il faisait froid. La famille
n’avait pas assez de rechanges et ils devaient porter leurs habits mouillés par
la pluie, qui ne séchaient pas pendant la nuit. Ils ne recevaient pas un repas
chaque jour parce que, épuisés et engourdis par le froid, les enfants
avançaient difficilement. Il leur arrivait d’être en retard au point de
distribution du repas, auquel cas, ils ne recevaient rien. Ils restaient alors
sans manger, éreintés et frigorifiés, obligés de retourner à l’abri de nuit et
de marcher des heures à nouveau en portant les bagages. Sahiba s’est rendue à
la Préfecture où on lui a dit qu’elle devait attendre trois mois avant
d’obtenir un rendez-vous. On l’a laissée sans aucun document et sans aucune
aide. Un des enfants est tombé malade. Sahiba ne savait pas comment accéder aux
soins médicaux.
A son arrivée en Suisse, l’enfant de 3 ans pensait
11 kg. L’enfant de 9 ans est resté choqué de cette expérience. Il peine à
suivre à l’école. Il s’énerve facilement et il pleure souvent. Un suivi
pédopsychiatrique a dû être mis en place. Sahiba, qui a craint pour la santé et
la vie de ses enfants, et qui a dû les voir endurer la faim, la fatigue et le
froid, ainsi que des conditions de vie extrêmes, pratiquement à la rue, est
également en état de choc. Elle suit une psychothérapie de soutien. Elle perd
la mémoire. Elle ne se souvient pas de ses rendez-vous. Des fois, elle se lève
la nuit pour aller vérifier que ses enfants sont bien là. Elle a peur de se
déplacer toute seule dans la rue.
Sur ces faits, l’ODM a ordonné l’exécution du renvoi
de la famille en France, en application des accords de Dublin. Aucune prise en
charge appropriée de la famille dans le pays de destination n’a été organisée,
de sorte que c’est de nouveau vers l’inconnu, dans des conditions dangereuses
pour la vie et la santé des membres de la famille, que le renvoi risque d’être
exécuté, selon une politique de l’autruche.