vendredi 8 février 2019

Contrôle au faciès à Lausanne: témoignage


Ci - dessous le résumé de l'humiliation
dont j'ai été l'objet le dimanche 3/02/2019

Invité par l’ARAVOH pour une tournée de conférences dans quelques villes de Suisse-Romande, je revenais de Gorgier où je venais de faire une intervention dans l’église évangélique dans l’avant midi quand je me vois arrêté par la police sous prétexte de contrôle d’identité pendant qu’il y avait des centaines de passagers blancs et blanches qui passaient sans être inquiétés.

En effet : ce dimanche 03 février 2019 à 15 h 45, je descends du train à la gare de Lausanne et je me dirige vers l’endroit où l’on s’est fixé rendez – vous avec Danilo Gay pour nous rendre à Ecublens où je devais tenir la conférence à 17 h.  Je suis le seul homme de couleur au milieu des hommes et des femmes blancs (blanches) lorsque je vois deux jeunes hommes (en civil) qui se dirigent vers moi.  L’un d’eux me dit : « Monsieur, je suis policier en me montrant sa carte. Il me demande de lui présenter mes pièces d’identité. Je lui montre ma carte d’identité et il garde ça en me demandant de lui donner mon petit sac à main que j’avais pour qu’il contrôle.
Moi :  Je leur dis « Monsieur, vous savez que ce que vous faites est une infraction » ?  
Policier :  « Comment ça »  ?
Moi : Oui c’est une infraction parce que c’est un contrôle au faciès, il y a beaucoup de gens qui passent ici, mais vous ne leur demandez rien.  Seulement moi, pourquoi ?  Vous savez que le contrôle au faciès est interdit par la loi ou pas ? Je vous ai montré ma carte et laissez-moi partir.
Policier : Non, Monsieur, c’est notre travail et vous venez avec nous.
Moi : Oui, c’est votre travail, mais je vous ai montré ma carte d’identité. C’est tout.
Police : Oui mais nous avons un problème avec les cartes d’identité néerlandaises. Donc il faut venir avec nous.
Moi : Aller avec vous, où ?  Je ne vous connais pas.
L’un d’eux ouvre une porte de cave et me demande d’y entrer. Je lui dis que je ne peux pas entrer là-bas. Il n’y a rien qui indique que c’est un bureau de police et vous-même, vous n’êtes pas en uniforme de police. Qu’est qui me rassure pour entrer dans cette cave ?
Le policier insiste pour que j’entre et moi, je refuse.
L’un d’eux dit à l’autre d’envoyer un sms à un troisième policier qui vient et se met à l’écart pour observer. Ils insistent pour que j’entre dans la cave. J’ai refusé en leur répétant que c’est un contrôle au faciès et que rien ne me rassure d’entrer dans cette cave. Je ne vois aucune mention de la police là. Comment expliquer que tout le monde passe et il n’y a que moi que vous contrôlez.  Parce que j’ai la peau noire, donc je suis criminel !
Sur ce, il ferme la cave et me dit de remonter avec eux les escaliers. L’un des policiers dit à l’autre de partir avec moi au bureau pour me prendre les empreintes.  Je sors mon téléphone pour appeler Danilo, mais ces policiers m’intiment l’ordre de ne pas appeler. Il prend mon téléphone et le garde.
Nous remontons  et nous arrivons  devant un bureau où il y avait la mention  «  Borders control »  nous y entrons. Ils me demandent de sortir tout ce que j’avais dans les poches. Ils m’ont fouillé et ont fouillé mon petit sac à main. Ils n’ont rien trouvé qui pouvait menacer la sécurité de la Suisse à part le flyer et le programme de la conférence.  Il me demande de remettre mes effets dans le petit sac, pourtant c’est lui qui avait sorti ça.
Policier : Vous venez faire quoi en Suisse ?
Moi : Je viens pour une tournée de conférences, ce matin j‘ai été à Gorgier dans une église et on m’attend pour partir à Ecublens pour une autre conférence ce soir et je lui montre le flyer et le programme.
Policier : Conférence dans quel cadre ?
Moi : dans le cadre de la migration.
L’un des policiers demande à l’autre de prendre mes empreintes, mais le troisième leur dit : si vous n’avez rien trouvé, il faut le laisser partir.
C’est comme ça qu’ils m’ont laissé et je leur dis que je me sens humilié.

Cette humiliation je l’ai subie encore le 31 janvier 2019 vers 21 h., juste avant de sortir de la gare de Bâle. Un douanier en uniforme m’a demandé ma pièce d’identité, que je lui ai donnée. Il l’a gardée et pendant qu’il me demandait de contrôler ma valise, Claude Braun qui était venu m’accueillir à la gare arriva. On se salue  Sans contrôler ma valise le policier me pose la question :  si Claude Braun était mon ami qui venait m’accueillir, je réponds que oui et le policier me remet ma carte et me dit de prendre ma valise et partir.
Et dans leur bureau qui était juste à côté, il y avait un homme de couleur noire comme moi qui était arrêté et qui se plaignait du contrôle au faciès. Cet homme je l’ai laissé là.

Je déplore et condamne ce contrôle au faciès qui n’est qu’une humiliation des personnes de couleurs. Rien n’indique qu’il n’y a que des personnes de couleurs qui commettent des crimes en Suisse !

Emmanuel Mbolela, Lausanne, le 4.2.2019
Auteur et militant des droits de l'homme



mardi 5 février 2019

Le SPOP discrimine les vieilles dames


Le SPOP discrimine les vieilles dames
F en B : l’improbable régularisation (3)

29 janvier 2019       Mme Alima vit en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire depuis avril 1999. Elle est originaire d’un pays d’Afrique qui était en guerre. Elle est arrivée à l’âge de 48 ans. Elle était analphabète et l’autorité d’assistance, à l’époque la FAREAS, ne lui a proposé aucune mesure d’accompagnement à l’intégration pendant les premières années de son séjour. En outre elle s’occupait seule de ses trois filles.
Ce n’est qu’à l’âge de 62 ans qu’elle fait connaissance avec l’association Appartenances qui propose aux femmes migrantes, souvent victimes de traumatismes, un espace de rencontre et de parole, où des activités sont organisées pour créer des liens et aider ces femmes à sortir de l’isolement. Des cours de français et d’alphabétisation sont également dispensés. Mme Alima suit ces cours assidûment pendant quatre ans. Elle devient autonome financièrement de l’aide sociale à l’âge de la retraite et sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour qui lui est refusée parce qu’elle n’est pas suffisamment intégrée selon le SPOP et le Tribunal cantonal (PE.2015.0360, arrêt du 19 février 2016), en particulier parce qu’elle ne parle pas assez bien le français. Le Tribunal ne l’a jamais entendue et a donc repris telle quelle l’appréciation de l’autorité administrative à ce sujet.
Pourtant, Mme Alima se débrouille dans la vie quotidienne. Elle possède les rudiments pour communiquer avec son entourage et c’est l’essentiel. En outre, quatorze membres de sa famille vivent en Suisse : ses trois filles et leurs proches respectifs. Elle s’occupe régulièrement de ses petits-enfants, c’est-à-dire qu’elle entretient des relations étroites et effectives avec des proches parents tous de nationalité suisse, qui possèdent un droit durable et constant de vivre en Suisse.
Il n’est pas normal qu’un proche parent de suisses vivant depuis 17 ans ici ne puisse pas obtenir une autorisation de séjour et doive ainsi demeurer durablement au titre d’une tolérance au séjour précaire, la privant de l’exercice d’un certain nombre de droits, comme celui à la liberté de se rendre occasionnellement en visite en France ou en Italie où elle a d’autres membres de sa famille qu’elle n’a pas vus depuis des années.
L’argument de l’insuffisance de la langue est un argument de circonstance, qui sert une politique cantonale de restriction d’accès aux autorisations de séjour. Il suffisait ici de constater qu’il n’est de toute façon plus exigé de Mme Alima qu’elle s’insère sur le marché du travail de sorte que son parlé français est suffisant pour ses activités quotidiennes, et qu’elle a fait les efforts que l’on pouvait attendre d’elle dans les circonstances. Le refus de régularisation était arbitraire.

Pour citer ou reproduire cet article : Le SPOP discrimine les vieilles dames, article publié par Droit de rester pour tou.te.s, février 2019 http://droit-de-rester.blogspot.com/