Le
6 novembre 2019, Adboul Mariga, 29 ans, cuisinier au CHUV, a été renvoyé de
Suisse par la contrainte, en Guinée. Le 17 octobre 2020, il décédait, seul,
dans un hôpital de Conakry, probablement des suites d’une hépatite B. Le
collectif Droit de Rester avait publiquement dénoncé ce renvoi d’un jeune homme
très intégré vers un pays où il n’avait aucune attache.
« Ma
santé ne va pas bien. Mes bras et mes jambes s’endorment. Ça a commencé
pendant ma détention en Suisse, avant l’exécution du renvoi, et
maintenant c’est de plus en plus fréquent. J’ai
des vertiges et parfois je perds l’équilibre et je tombe.
J’ai été à l’hôpital au début, mais je n’ai
plus accès, faute d’argent. J’ai pris un traitement quelque
temps, mais maintenant c’est fini, je n’ai plus de médicaments et plus
de soins. Même me loger devient très difficile. Je suis là avec beaucoup d’angoisses
parce que les prochains jours, je ne sais pas comment je vais être.
Je suis malade je ne dors plus. Partout quand je vais dans les hôtels on
me demande un passeport et si je sors pour manger, je risque de me faire
arrêter par la police et racketter. Pour le logement, on me demande de payer 8
à 12 mois d’avance, ce que je ne peux pas. Je suis complètement
bouleversé, des fois, je ne mange pas. Je paie seulement l’hôtel.
C’est trop difficile pour moi. »
Abdoul Mariga, septembre 2020
Abdoul était arrivé à l’âge de 19 ans
en Suisse en 2009. Malgré le refus de sa demande d’asile et une décision de renvoi,
il est parvenu à rapidement apprendre le français malgré des conditions de vie
difficiles dans les dortoirs d’un abri antiatomique. Par la suite, il a suivi
un apprentissage de cuisinier au CHUV. Il a obtenu son CFC et a été engagé. Son
employeur qui comptait pouvoir le garder durablement comme employé, le décrit
comme un jeune homme exigeant, soigneux, respectueux, de très bonne
sociabilité, apprécié par son entourage et investi dans son travail, « un
collaborateur sur qui nous pouvons pleinement compter ».
Persévérant, travailleur, Abdoul Mariga
a fait un parcours sans faute. Les autorités vaudoises avaient d’ailleurs
soutenu sa demande de permis B pour cas de rigueur. Mais le Tribunal
fédéral, après un premier rejet de la demande par le Secrétariat d’État aux
Migrations (SEM), avait estimé que ses efforts d’insertion, son indépendance
financière, le soutien de son employeur, bref tous ces éléments attendus et
exigés pour obtenir le précieux sésame, étaient bien réunis mais ne
témoignaient pas d’une intégration exceptionnelle.
Après avoir passé son adolescence à
chercher un pays pour y poser ses valises et avoir cru pouvoir construire sa
vie dans le canton de Vaud, Abdoul est arrêté, jeté en prison
administrative, puis renvoyé vers la Guinée, dont sa mère, décédée, était
originaire. Abdoul avait pourtant répété à plusieurs reprises aux
autorités n’avoir aucune attache en Guinée.
Arrivé sur place, impossible pour
Abdoul d’obtenir des documents d’identité. Avec beaucoup de courage et de
détermination il a interpellé toutes les autorités guinéennes à même de traiter
son cas. Sans succès. Les autorités lui conseillent même de partir en
Mauritanie, où il n’a jamais vécu. Vivotant de son dernier salaire du CHUV,
l’état de santé d’Abdoul s’aggrave. L’argent arrivant au bout, il se retrouve
sans soins, sans médicament, et va d’une petite chambre d’hôtel à l’autre. Nous
avons publié l’intégralité
de son témoignage, poignant,
sur notre site.
Et puis un jour plus rien. Nous
apprendrons qu’Abdoul Mariga est décédé à l’hôpital de Conakry le
17 octobre 2020. Seul, dans l’indifférence. Aujourd’hui, nous avons
envoyé à tous les collaborateurs du SEM un faire-part annonçant le décès
d’Abdoul Mariga, pour les sensibiliser aux conséquences mortelles de la
mise-en-œuvre de la politique migratoire inhumaine de la Suisse.
Tout comme nous l’avions fait dans
notre communiqué du 10 mars,
nous dénonçons
son renvoi et nous réitérons nos
accusations :
-
Au
SEM (Secrétariat d’État aux Migration) de n’avoir jamais accepté la demande
d’asile d’Abdoul ;
-
Au
TAF (Tribunal Administratif Fédéral) de ne jamais avoir accepté les différents
recours d’Abdoul et
-
Au
SPOP (Service de la population du Canton de Vaud) d’avoir ordonné
l’arrestation, l’emprisonnement et le renvoi de force de ce jeune vers un pays
qui n’était pas le sien et qui ne l’a jamais reconnu.
Ce renvoi est inhumain et n’avait
nulle obligation d’être exécuté. Les autorités vaudoises avaient d’ailleurs
reconnu le parcours du combattant d’Abdoul et préconisaient sa régularisation.
Si les autorités fédérales avaient suivi cette recommandation, Abdoul Mariga serait
certainement toujours en vie et aurait continué à contribuer aux services
essentiels du CHUV, tant estimés en ces temps de pandémie. Quel gâchis de
ressources pour s’acharner à appliquer une telle décision absurde, qui a
résulté en une mort évitable ! Nous n’oublierons pas Abdoul et nous nous
efforcerons de continuer à dénoncer la violence de l’État suisse et de son
Secrétariat d’État aux Migrations.
Collectif Droit de Rester, Lausanne,
le 14 décembre 2020
Twitter @droitderester
facebook @droit.de.rester
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