Arrivé à 19 ans en Suisse en octobre 2009, où il avait
déposé une demande d’asile, Abdoul
Mariga, titulaire d’un CFC en restauration, travaillait comme cuisiner au
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Son employeur le décrivait
comme un jeune homme exigeant, soigneux, respectueux, de très bonne
sociabilité, apprécié de son entourage et investi dans son travail, « un
collaborateur sur qui nous pouvons pleinement compter ». D’après d’autres
témoignages de son entourage, Abdoul était persévérant, déterminé dans ses
apprentissages et il avait montré beaucoup de courage pour mener à bien sa
formation professionnelle, réussie avec succès.
Renvoyé en Guinée par la force le 6 novembre 2019, Abdoul Mariga s’est retrouvé seul à
Conakry, sans logement et rapidement désargenté. Il a survécu sur place grâce à
son dernier salaire du CHUV puis grâce à l’aide privée d’amis suisses. Sa santé
s’est vite dégradée et il n’a pas pu avoir accès aux soins médicaux. Il a été
hospitalisé alors qu’il se trouvait au plus mal et est décédé quelques jours
plus tard, seul, sans l’accompagnement d’aucun proche. Cette terrible nouvelle
nous laisse dans l’incrédulité et la colère, ainsi que dans une profonde
tristesse.
Voici un témoignage
d’Abdoul Mariga qui décrit sa situation et sa détresse à Conakry :
« Ma santé ne va pas
bien. Mes bras et mes jambes s’endorment. Ça a commencé pendant ma détention en
Suisse, avant l’exécution du renvoi, et maintenant c’est de plus en plus
fréquent. J’ai des vertiges et parfois je perds l’équilibre et je tombe. J’ai
été à l’hôpital au début, mais je n’ai plus accès, faute d’argent. J’ai pris un
traitement quelque temps, mais maintenant c’est fini, je n’ai plus de
médicaments et plus de soins.
Même me loger devient
très difficile. Je suis là avec beaucoup d’angoisses parce que les prochains
jours, je ne sais pas comment je vais être. Je vis très difficilement ici et
chaque fois que la police me contrôle, ils me prennent tout l’argent que j’ai
sur moi. Chaque sortie est risquée et me fait perdre encore mes moyens pour
vivre.
Le ministre de la
sécurité a refusé de me donner un document de circulation. Je n’ai pas la
nationalité guinéenne et pas de papier d’identité et je risque à tout moment
d’être expulsé. J’ai pris un avocat pour avoir un permis de circulation. Mon
avocat a saisi la Présidente du Tribunal de première instance de Kaloum. Mardi
25 février 2020, j’ai été convoqué devant le juge du tribunal de Kaloum.
Actuellement, la procédure n’a pas abouti et je n’ai plus de moyen de recours
et plus d’argent pour payer mon avocat.
Je suis malade je ne dors plus. Partout quand
je vais dans les hôtels on me demande un passeport et si je sors pour manger,
je risque de me faire arrêter par la police et racketter. Pour le logement, on me
demande de payer 8 à 12 mois d’avance, ce que je ne peux pas. Je suis
complètement bouleversé, des fois, je ne mange pas. Je paie seulement l’hôtel.
C’est trop difficile pour moi. »
Sans ce renvoi décidé
par le SEM, Abdoul Mariga serait certainement
toujours en vie et contribuerait aujourd’hui encore aux services essentiels du
CHUV, tant estimé en ces temps de pandémie. Son destin était dans vos mains.
Nous vous tenons responsables de ce décès. Malgré les interventions de son
avocate, vous avez persisté dans votre décision alors même que le canton de
Vaud vous avait demandé de lui accorder un permis pour cas de rigueur après 10
ans de séjour en Suisse.
Pourquoi lui avoir refusé ce
permis ?
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