Première séance
Le 4 mai 2023, des familles à l’aide d’urgence
depuis de nombreuses années sur le canton de Vaud, se sont réunies pour
discuter ensemble de leur situation, et de la façon de faire valoir leur
revendication à leur régularisation par l’octroi d’une autorisation de séjour
au sens de l’article 14 LAsi.
Des discussions, il est ressorti :
-
L’aide d’urgence est de très longue durée pour de nombreuses
de familles, qui la subissent depuis plus de 10 ans, voire même plus de 15 ans.
Les enfants ont grandi à l’aide d’urgence et leur personnalité en est
profondément et durablement affectée.
-
Plusieurs familles ont des enfants devenus majeurs qui ont
été régularisé.es séparément. Les enfants ont un permis B et leurs parents et
jeunes frères et sœurs sont toujours à l’aide d’urgence. Ces différences de
statut créent de nombreuses complications dans la vie familiale, les enfants
régularisé.es étant contraints par l’EVAM de vivre dans un autre appartement
que celui de leurs parents, quand bien même ils seraient toujours en
apprentissage, ou auraient le souhait de demeurer auprès de leur famille.
-
L’interdiction de travailler pèse très lourdement sur le
moral des familles, qui ne peuvent pas entreprendre leur vie, s’approprier
leurs propres moyens d’existence, ni être autonomes.
-
Les enfants scolarisés rencontrent d’importantes difficultés
dans leur quotidien. Ils et elles ne peuvent pas mener la même existence que
leurs copain.es de classe et cela affecte leur développement, leur vie sociale
et leurs projets de vie.
-
Plusieurs familles ont exprimé l’incompréhension des
personnes suisses de leur entourage, qui sont devenues leurs amis, face à la
rigidité des autorités qui refusent leur régularisation alors que toutes les
conditions d’intégration sont remplies (parlent le français, promesse
d’embauche et nombreuses lettres de soutien), et que ces familles font partie
intégrante de la vie sociale de leur lieu de vie depuis des années.
Parmi les témoignages recueillis au cours de la
rencontre, nous partageons celui d’une adolescente qui nous a particulièrement
touché.es :
« Au gymnase, je ne sais pas comment expliquer
ma situation. J’ai des copines mais je ne peux rien faire avec elles et c’est
presque impossible de sortir, car il faut toujours de l’argent et je n’en ai
pas. Je dois inventer des excuses. Un jour après l’école, elles voulaient aller
manger une glace. J’aurais énormément aimé aller avec elles. Je voulais rester
avec elles, discuter et manger une glace aussi, mais je n’avais pas d’argent.
Je ne savais pas comment le dire et j’ai prétexté que je devais rentrer chez
moi et je suis partie. J’étais très très triste. Arrivée à la maison, je me
suis effondrée en larmes et j’ai beaucoup pleuré, pendant toute la soirée. Ce
que nous vivons est très dur. Nous ne sommes pas comme les autres et nous avons
la honte toujours avec nous. »
Nous remercions cette jeune fille d’avoir eu le courage de prendre la parole pendant la séance, et de raconter cet épisode qui nous a sincèrement ému.es et révolté.es.
La séance a abouti à différentes propositions d’action
à délibérer lors de nos prochaines rencontres. Parmi celles-ci :
-
Il faut donner un nom à notre mouvement afin de rendre nos rencontres
et nos revendications identifiables ;
-
Nous devons récolter des témoignages afin de documenter le
caractère arbitraire ou opaque des procédures d’examen des conditions
d’intégration devant le SPOP ;
-
Nous devons récolter des témoignages afin de documenter les
pressions humiliantes et anxiogènes exercées par le personnel au guichet lors
des renouvellements de l’attestation d’aide d’urgence ;
-
Il faudrait préparer une lettre de revendication de notre
régularisation à adresser aux personnes responsables des administrations
impliquées dans l’octroi d’une autorisation de séjour, le SPOP et le SEM ;
-
Une de nos revendications pourrait être la création d’une
commission indépendante pour l’examen de l’intégration, comme cela se fait à
Zürich ;
-
Nous pourrions réaliser des capsules vidéo/audio de témoignages
de personnes qui subissent l’aide d’urgence ;
-
Il faudrait créer un groupe de parole afin de permettre aux
adolescent.e.s et aux adultes concerné.e.s par l’aide d’urgence de longue durée
de se rencontrer et de discuter de leurs difficultés avec l’accompagnement d’un
psychiatre ;
- Nous pourrions préparer un genre de pétition qui permettrait aux familles de recenser les personnes de soutien autour d’elles, et de mieux connaître l’étendue du soutien sur lequel nous pourrons compter à l’avenir.
Un ordre du jour sera établi pour la prochaine séance
afin de structurer les discussions, dans le but que celles-ci aboutissent à des
projets concrets qui nous permettront d’avancer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire