100 jours de refuge et une nouvelle expulsion
Mercredi 19 janvier, à 4 heures du matin, la police cantonale valaisanne est venue arrêter Mme F. à son domicile près de Sion. Cette femme avait fui le Kosovo en 2005 avec sa fille malade pour se protéger d’un mari violent. Malgré un suivi médical, elle avait dû faire face au décès de sa fille en mars 2010. Malheureusement, son fils Boris* venu du Kosovo en 2008 a été attribué au canton de Vaud, loin de Sion, et ne venait la voir que rarement car il n’avait pas d’argent pour prendre le train. Très attaché à sa petite soeur, mère et fils ont cependant continué à se soutenir mutuellement. Ce mercredi, Mme F venait de rentrer de l’hôpital où elle avait passé 2 semaines suite à un sérieux problème de santé. Elle était retournée dans son appartement où elle était suivie par une infirmière qui l'aidait à subvenir à ses besoins élémentaires (repas, hygiène).
Boris est resté au refuge de la Coordination Asile à Lausanne durant 6 semaines, pour échapper au renvoi forcé dont les autorités le menaçaient. Lui aussi était malade et durant cette période, une demande de réexamen a été soumise aux autorités fédérales qui lui ont accordé début décembre un effet suspensif. Cela signifiait qu’ils ne l’expulseraient pas le temps de faire des examens médicaux complémentaires. Du coup, ce jeune homme de 23 ans a pu sortir du refuge et retourner dans les structures d’aide d’urgence**. Suivi médicalement, il commençait à espérer que le canton permettrait une réunification familiale avec sa mère, seule et souffrante, en attendant un rétablissement et une régularisation de leur situation.
Ce matin, sa vie s’arrête à nouveau. Sa mère n’a eu que le temps de prendre une valise puis a été amenée à l’aéroport. Affaiblie après sa longue maladie, elle a été emmenée de force par les policiers et s’est retrouvée à Pristina dans la journée. Jointe au téléphone par son fils Boris, elle raconte avoir été blessée à la jambe et au bras lors de l'intervention.
Se débarrasser des personnes indésirables
Si nous occupons des locaux d’églises, c’est justement pour nous dresser contre ce genre de pratiques que nous jugeons contraires aux droits humains. De nombreuses personnes ont été expulsées alors qu’elles tentaient de reconstruire une vie après un parcours difficile. Beaucoup sortaient de l’hôpital, ou étaient en traitement médical. Par ailleurs, la dernière personne qui est morte lors de son renvoi forcé sortait d’une grève de la faim, et a succombé sur le tarmac de l’aéroport de Kloten en mars 2010.
La machine à expulsion n’a ni œil ni oreilles. Il s’agit de faire du chiffre. Les nouvelles lois ont établi des critères pour avoir droit à l’asile qui nient la réalité des migrant-e-s. Ces durcissements ont dressé un mur de non-recevoir auquel se heurtent les requérant-e-s d’asile.
Il s’agit, afin de trier le bon grain de l’ivraie, de soupçonner plutôt que d’aider. Que cela soit pour les rentes AI ou les chômeurs, les lois tiennent pour acquis qu'une partie des gens abuse et qu’une autre petite partie est « authentiquement » dans son bon droit d’être aidée.
Ces procédés ont pour résultat de diviser les gens, entre les bons qui méritent et les autres qui abusent. C’est le discours populiste et manichéen que l’on entend de plus en plus au sein des partis institutionnels et des médias. Nous constatons chaque jour à quel point ces politiques sont absurdes et arbitraires. Au lieu de laisser les gens vivre normalement, on les enferme et les contrôle, ce qui coûte des sommes faramineuses, alors que la plupart de ces personnes pourraient être autonomes.
Des droits égaux pour toutes et tous
Notre mouvement qui exige des droits égaux pour toutes et tous, quelle que soit la couleur de leur passeport, n’est qu’un grain de sable dans cette énorme machine à expulser ( expulser de notre travail, de notre appartement, de nos droits, et du pays où l’on vit).
Nous demandons d’abord une régularisation qui permettra de laisser vivre les gens en paix, sans la tutelle permanente d’un Etat qui contrôle et menace, qui arrête et détient, qui détruit la vie de milliers de gens. Comme dans les vieilles dictatures, faut-il attendre que des gens s’immolent par le feu pour que les autorités reviennent à la raison ?
* Prénom d’emprunt
** Dans le centre de Vennes, l’aide d’urgence consiste en un lit, une armoire, un sandwich à midi et un repas du soir. Les requérants déboutés n’ont pas le droit de travailler, ni de recevoir de l’argent (charité). Ils n’ont pas de pièce d’identité mais un papier blanc sans photo qu’ils doivent présenter aux autorités toutes les deux semaines. Ils ont le droit d’aller à la PMU pour des soins minimaux.