lundi 7 novembre 2011

lettre à Pierre Imhof, directeur de l'EVAM

Monsieur,

c’est avec consternation que nous avons lu dans la presse (24Heures du 7.10.11) votre menace de fermer le centre EVAM de Vennes pendant la journée et de le transformer en sleep-in, jetant ainsi des dizaines de personnes à la rue. Cette mesure ne pourra pas être appliquée sans violer, à nouveau et un peu plus profondément, les droits fondamentaux de toutes les personnes.

Dans la continuité des différentes critiques que nous vous avons adressées concernant la dégradation des conditions de vie et l'atteinte à la dignité des requérant-e-s d'asile dans le cadre de leur « prise en charge » par l’EVAM dans le canton de Vaud, nous vous interpellons aujourd'hui sur cette « proposition » que vous avez lancée dans les médias et qui reflète une fois de plus le mépris des gens qui subissent l'aide d'urgence et la banalisation de leur traitement inhumain.

Vous justifiez ce « projet » (sur lequel nous n'avons par ailleurs jamais été informé) en vous basant sur le nombre de « délits » commis par les résidents de Vennes, surtout en ce qui concerne le trafic de drogue, et ce suite à la descente de 148 policiers vaudois du 4 octobre 2011. Or, vous savez aussi bien que nous qu’en sanctionnant ainsi une minorité - par une double peine, car il existe une instance judiciaire chargée d'appliquer la Loi sur les stupéfiants - vous pénalisez gravement tous les requérants, en les exposant à l’errance et en les privant d’un minimum d’accueil auquel ils ont droit. Vous savez aussi que la petite délinquance dont vous accusez certains résidents de Vennes n’est qu’une conséquence de la misère dans laquelle cette population a été plongée. Et vous n’êtes pas sans savoir que des réseaux de trafiquants en tous genres profitent pour s’infiltrer parmi les requérants, entre autres à Vennes, et recruter ainsi des êtres humains à exploiter.

De plus, avez-vous réfléchi aux conséquences d'une telle mise à la rue? Contraindre les personnes à l'errance en ville est une manière de renforcer leur marginalisation ainsi que leur criminalisation. Elles se trouveraient non seulement tout autant voire plus exposées aux réseaux de trafic que vous-même signalez, mais seraient par ailleurs la cible des incessants contrôles policiers au faciès que vivent déjà les requérant-e-s. Ainsi on se débarrasse des gens parce qu'ils seraient délinquants, sachant que si délinquance il y a elle est le produit d'une condition sociale ultra précaire, et comme « solution » on précarise encore cette condition. Il est évident que cette logique va droit dans le mur et que surtout sa conséquence est une atteinte toujours plus grande aux droits des migrant-e-s. Nous vous rappelons qu’il est de votre responsabilité de protéger les personnes à l’aide d’urgence dans les centres gérés par l’EVAM, non d'accroître sans cesse la contrainte pesant sur elles et de les mettre encore plus en danger.

Pour toutes ces raisons basées sur le respect des droits fondamentaux de toute personne et dans le souci de voir l’administration traiter les êtres humains dont elle a la responsabilité en êtres humains, nous nous opposons fermement à la transformation du centre de Vennes en sleep-in et à toute autre forme de durcissement ultérieur de l’application de l’aide d’urgence. Nous estimons au contraire que le centre de Vennes devrait fermer et les personnes être relogées dans des conditions de logement et d’assistance dignes. Notre démarche fait écho aux discussions que nous avons eues avec de nombreux requérants de Vennes qui vivent dans l’angoisse de la mise en pratique de votre menace. Nous vous demandons donc de bien vouloir clarifier votre intention de fermeture diurne du centre de Vennes, en divulguant des informations aux personnes et associations concernées et non seulement aux médias.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous adressons, Monsieur, nos salutations,


Collectif Droit de rester et  Coordination Asile-Migration,
4 novembre 2011

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