La
famille Arman (nom d’emprunt) va être renvoyée en Italie où elle
n’a pas même passé un jour de sa vie. Mais c’est ainsi qu’en
a décidé l’ODM en application des accords de Dublin. Le SPOP est
décidé lui aussi. Il a ordonné la détention administrative du
père de famille parce que le départ volontaire n’était pas
possible.
La police est venue au petit matin dans le centre d’hébergement le 2 septembre 2013. Cinq policiers sont entrés dans la chambre de la famille, une femme et deux hommes en civil et deux policiers en tenue, ainsi qu’une fonctionnaire du SPOP, tandis que deux autres policiers attendaient dans le couloir. Madame a été prise de panique et s’est apparemment menacée d’un acte auto-agressif. Quatre policiers se sont jetés sur elle et l’ont plaquée au sol tandis que le père de famille criait qu’elle est enceinte, puis elle a été menottée aux poignets et aux pieds. Les policiers ont appelé une ambulance. Avec deux policiers, elle a été transportée de force pour être hospitalisée. Elle a ainsi été brutalement séparée de son mari et de ses enfants. Les policiers ont ensuite appelé des renforts et quatre autres sont venus. Les enfants et le père ont été emmenés de force au poste de police. Devant ses filles âgées de 4 et 8 ans, M. Arman a reçu des coups afin que lui soient passées des menottes. La fille âgée de 4 ans ne voulait pas lâcher son père et s’est agrippée à lui. Elle a dû être séparée de force et elle a gardé des traces sur les poignets. Les enfants ont été ainsi retenues au commissariat de 8h à 11h avant d’être restituées à leur mère qui a été lâchée de l’hôpital. Monsieur a été placé en détention administrative.Selon les certificats médicaux qui ont été versés au dossier, Mme Arman a été emprisonnée dans son pays d’origine pour la première fois à l’âge de 4 ou 5 ans avec toute sa famille, ses parents et ses grands-parents. Son père a disparu au cours de cette incarcération. Il a très probablement été assassiné par les autorités. Sa mère a subi des sévices en détention devant ses enfants. Mme Arman a été par la suite régulièrement arrêtée et incarcérée pour différentes périodes en raison de son appartenance à une religion interdite. A l’âge de 14 ans, elle a été torturée en détention. Ses quatre sœurs ont également été emprisonnées et torturées. L’une d’entre elles a perdu un enfant en couche. Mme Arman a été arrêtée et détenue à de multiples reprises pendant des périodes variables de plusieurs semaines à plusieurs mois, au cours desquelles elle a enduré toutes sortes de privations, subi de graves atteintes à son intégrité, et vécu des événements terrifiants qui ont profondément et durablement affecté sa personnalité. Elle a notamment été emprisonnée pendant 6 semaines alors qu’elle était enceinte de 4 mois. Elle explique dans son audition que sa meilleure amie, qui a été emprisonnée avec elle et placée dans la même cellule, a été prise subitement en pleine nuit et pendue.
Mme
Arman est une personne durablement affectée par la violence. Elle
est suivie en psychothérapie de soutien et a été hospitalisée
d’urgence en Suisse en milieu psychiatrique à la suite de trois
tentatives de suicide.
Sous
tous points de vue, l’action des autorités concernant cette
famille, qui a besoin de stabilité dans un environnement dépourvu
de répression policière, dépasse les limites de l’admissible.
L’ODM
n’a tout d’abord pas établi les motifs d’asile de la famille
et a décidé arbitrairement de leur renvoi en Italie, par pure
formalité, sans aucune considération pour les souffrances des
intéressés et leur besoin de protection. C’est peu dire qu’une
autorité chargée de l’asile a au moins pour tâche de s’inquiéter
des motifs d’asile. Il ne semble pas que ce soit un sujet de
préoccupation à l’ODM, qui rend des décisions qui placent les
autorités cantonales chargées de les exécuter dans des difficultés
qu’elles sont seules à assumer.
Le
SPOP, dûment informé par les rapports médicaux, a délibérément
ignoré la vulnérabilité de la famille et a provoqué une situation
de crise, impliquant les deux fillettes âgées de 4 et 8 ans. Tous
les membres de la famille sont en état de choc et leur renvoi en
Italie est une perspective qu’ils ne peuvent envisager en raison de
leur besoin de stabilité et de réparation des violences subies
pendant de longues années, qui sont à la base de leur demande
d’asile. Les autorités doivent tenir compte de la détresse des
personnes sans quoi, l’asile n’a plus aucun sens et n’est plus
qu’une rhétorique dans un Etat policier.
10.09.13
10.09.13
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