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mars 2014 Depuis le 1er février
2014, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile, l’ODM pratique
l’exclusion du centre d’enregistrement sans autre forme de procès. Sahana a
fait les frais de cette nouvelle mode. Originaire de l’Erythrée, cette jeune
femme a été renvoyée une première fois en Italie où elle s’est retrouvée dans
des conditions de vie extrêmement précaires, dans lesquelles elle est tombée
enceinte. Elle dépose une deuxième demande d’asile au centre d’enregistrement
de Vallorbe en janvier, mais trois semaines plus tard, les autorités lui
ordonnent subitement de quitter le centre avec toutes ses affaires. Elle
comprend vaguement qu’elle doit retourner dans le canton où l’ODM l’avait
attribuée deux ans plus tôt, mais aucune adresse ni aucune information écrite
ne lui est remise, ni aucun billet de train. Elle est enceinte de 8 ½ mois. Sur
un appel téléphonique aux fonctionnaires du centre d’enregistrement, une bénévole
reçoit l’assurance finalement qu’elle peut se présenter à nouveau au centre
pour y recevoir un billet de train. Elle y retourne mais aucun billet ne lui
est remis, et on lui dit de partir. Dans le train finalement, elle rencontre un
autre bénévole qui l’aide à prendre contact avec une organisation d’aide aux
requérants d’asile. Elle n’a vécu que deux semaines dans le canton de Schwitz,
deux ans plus tôt, et elle est incapable de se souvenir où se trouve la police
cantonale où elle est censée demander l’aide d’urgence. Il n’est pas même sûr
que cette autorité l’attende et l’accueille effectivement. La pratique montre
que les polices cantonales n’hésitent pas à refuser toute aide et à dire aux
gens de partir.
Sahana
s’est ainsi retrouvée sans secours dans un état d’abandon extrême, les
autorités du centre l’ayant tout simplement renvoyée à destination de nulle
part, sans aucune information plus précise et sans moyen pour s’y rendre. Elle
s’est retrouvée dans la rue sans logement, sans nourriture, sans rien. La vie
de son enfant à naître a été mise en danger. Sans l’aide de bénévoles et
d’organisations caritatives qui ont pris du temps pour l’accompagner, Sahana
n’aurait pas pu trouver seule où aller, ni comment.
Or,
le refus ou la privation d’assistance aux personnes qui sont sans possibilité
d’assurer leur propre subsistance est un mauvais traitement au sens de
l’article 3 CEDH, une forme de torture, comme l’a rappelé la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’arrêt M.S.S.
c. Belgique et Grèce (requête n°30696/09, § 263). Les autorités sont
responsables de la non-assistance aux demandeurs d’asile qui n’ont pas de
famille pour les accueillir, n’ont pas de revenu, pas de logement et qui ne
parlent pas la langue. En outre, elles doivent rendre l’accès au minimum pour
vivre effectif. Une simple possibilité théorique de recevoir une aide en se
présentant à la police cantonale du canton de Schwitz ne suffit pas pour qu’il
soit satisfait à l’obligation d’assistance envers les personnes vulnérables,
qui sont dépourvues de tout soutien (Gebremedhin
c. France, requête n°25389/05). L’autorité a une obligation d’information
également. Le fait que Sahana ait dû se débrouiller seule pour se rendre dans
un autre canton auprès d’une autorité dont elle ignore le nom et l’adresse,
sans aucun document de référence en sa possession, est une violation flagrante
du devoir minimum d’assistance et d’information qu’il incombe à l’autorité de
fournir.
Maintenant,
quand les personnes sont déjà enregistrées dans le fichier de l’ODM, l’accès au
centre d’enregistrement leur est refusé. L’ODM ne leur donne aucune explication
à ce sujet. Les gens ne savent même pas qu’ils ont la possibilité de demander
l’aide d’urgence dans leur ancien canton de domicile. Ils ne savent pas non
plus que la loi prévoit qu’ils puissent demander l’asile une seconde fois par
écrit. On leur dit simplement de partir. Certains n’ont pas d’argent, pas de
nourriture et n’ont nulle part où passer la nuit, après parfois des mois
d’errance dans de telles conditions, en Suisse et ailleurs en Europe, en
Italie, en France ou en Espagne, car la clochardisation et l’abandon des
demandeurs d’asile à leur propre sort, est une pratique maintenant répandue à
l’échelle européenne.
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