vendredi 14 mars 2014

Jetée hors du centre à 8 ½ mois de grossesse

7 mars 2014     Depuis le 1er février 2014, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile, l’ODM pratique l’exclusion du centre d’enregistrement sans autre forme de procès. Sahana a fait les frais de cette nouvelle mode. Originaire de l’Erythrée, cette jeune femme a été renvoyée une première fois en Italie où elle s’est retrouvée dans des conditions de vie extrêmement précaires, dans lesquelles elle est tombée enceinte. Elle dépose une deuxième demande d’asile au centre d’enregistrement de Vallorbe en janvier, mais trois semaines plus tard, les autorités lui ordonnent subitement de quitter le centre avec toutes ses affaires. Elle comprend vaguement qu’elle doit retourner dans le canton où l’ODM l’avait attribuée deux ans plus tôt, mais aucune adresse ni aucune information écrite ne lui est remise, ni aucun billet de train. Elle est enceinte de 8 ½ mois. Sur un appel téléphonique aux fonctionnaires du centre d’enregistrement, une bénévole reçoit l’assurance finalement qu’elle peut se présenter à nouveau au centre pour y recevoir un billet de train. Elle y retourne mais aucun billet ne lui est remis, et on lui dit de partir. Dans le train finalement, elle rencontre un autre bénévole qui l’aide à prendre contact avec une organisation d’aide aux requérants d’asile. Elle n’a vécu que deux semaines dans le canton de Schwitz, deux ans plus tôt, et elle est incapable de se souvenir où se trouve la police cantonale où elle est censée demander l’aide d’urgence. Il n’est pas même sûr que cette autorité l’attende et l’accueille effectivement. La pratique montre que les polices cantonales n’hésitent pas à refuser toute aide et à dire aux gens de partir.
Sahana s’est ainsi retrouvée sans secours dans un état d’abandon extrême, les autorités du centre l’ayant tout simplement renvoyée à destination de nulle part, sans aucune information plus précise et sans moyen pour s’y rendre. Elle s’est retrouvée dans la rue sans logement, sans nourriture, sans rien. La vie de son enfant à naître a été mise en danger. Sans l’aide de bénévoles et d’organisations caritatives qui ont pris du temps pour l’accompagner, Sahana n’aurait pas pu trouver seule où aller, ni comment.
Or, le refus ou la privation d’assistance aux personnes qui sont sans possibilité d’assurer leur propre subsistance est un mauvais traitement au sens de l’article 3 CEDH, une forme de torture, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce (requête n°30696/09, § 263). Les autorités sont responsables de la non-assistance aux demandeurs d’asile qui n’ont pas de famille pour les accueillir, n’ont pas de revenu, pas de logement et qui ne parlent pas la langue. En outre, elles doivent rendre l’accès au minimum pour vivre effectif. Une simple possibilité théorique de recevoir une aide en se présentant à la police cantonale du canton de Schwitz ne suffit pas pour qu’il soit satisfait à l’obligation d’assistance envers les personnes vulnérables, qui sont dépourvues de tout soutien (Gebremedhin c. France, requête n°25389/05). L’autorité a une obligation d’information également. Le fait que Sahana ait dû se débrouiller seule pour se rendre dans un autre canton auprès d’une autorité dont elle ignore le nom et l’adresse, sans aucun document de référence en sa possession, est une violation flagrante du devoir minimum d’assistance et d’information qu’il incombe à l’autorité de fournir.

Maintenant, quand les personnes sont déjà enregistrées dans le fichier de l’ODM, l’accès au centre d’enregistrement leur est refusé. L’ODM ne leur donne aucune explication à ce sujet. Les gens ne savent même pas qu’ils ont la possibilité de demander l’aide d’urgence dans leur ancien canton de domicile. Ils ne savent pas non plus que la loi prévoit qu’ils puissent demander l’asile une seconde fois par écrit. On leur dit simplement de partir. Certains n’ont pas d’argent, pas de nourriture et n’ont nulle part où passer la nuit, après parfois des mois d’errance dans de telles conditions, en Suisse et ailleurs en Europe, en Italie, en France ou en Espagne, car la clochardisation et l’abandon des demandeurs d’asile à leur propre sort, est une pratique maintenant répandue à l’échelle européenne.

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