jeudi 13 juillet 2017

Au centre fédéral, un accès difficile aux soins médicaux


13 juillet 2017    Pour déposer une demande d’asile, les gens nouvellement arrivés en Suisse doivent se rendre dans un centre fédéral où ils séjourneront trois mois ou plus, jusqu’à ce que le SEM les transfère à un canton.

Beaucoup ont fui dans des conditions brutales, ont survécu à un voyage éprouvant et enduré toutes sortes de violences. Un certain nombre arrivent dans un état d’épuisement physique et psychique nécessitant une prise en charge. 

Or, au centre fédéral, l’accès aux soins médicaux est si restrictif qu’il confine parfois au déni d’accès. 

Il n’est pas rare par exemple qu’un rendez-vous fixé par un médecin soit annulé parce que l’autorité du centre ne l’estime pas nécessaire ou que les transports à l’hôpital dérangent son organisation. 

Ainsi par exemple, une dame a fui son pays après avoir subi des menaces de mort. Elle est avec son fils de moins de 5 ans. Elle est manifestement très angoissée. Elle se plaint de maux de tête et de moments d’absence. Elle ne sait plus où elle est, ou bien elle ne comprend pas ce qu’on lui dit parce qu’elle n’arrive pas à fixer son attention. Elle ne se souvient pas où elle met les choses et passe du temps à les chercher. Quand elle est dans une pièce, elle a l’impression que quelqu’un vient l’attaquer dans son dos et elle se retourne en sursaut. Elle prend des antidépresseurs et des somnifères qu’elle a ramenés de son pays. Ces médicaments créent une importante fatigue et appellent donc le bénéfice d’un espace de repos et de sécurité. En outre, ils nécessitent un suivi médical et d’être accompagnés d’une thérapie de soutien basée sur des entretiens individuels. 

Une nuit, elle a eu de fortes douleurs dans les reins et des vomissements. Elle a été conduite à l’hôpital en urgence. Elle avait rendez-vous quelques jours plus tard pour la transmission des résultats, mais ce rendez-vous a été annulé en raison de son transfert dans un autre centre fédéral. Aucun autre rendez-vous ne lui a été proposé et elle est restée dans l’incertitude sur les résultats. Elle n’a pas pu entendre l’avis ni les conseils du médecin ni poser ses questions sur le traitement ou les suites à donner. 

L’enfant ne va pas bien non plus. Il se réveille la nuit en criant et il souffre de maux de tête. Il n’a pas été adressé à un médecin. On a dit à la mère d’attendre le transfert. 

Madame aura passé avec son enfant trois mois au centre fédéral sans accès aux soins psychiatriques ni pédiatriques. A son arrivée dans le canton, sa situation est jugée prioritaire et de multiples rendez-vous dans différentes disciplines lui sont fixés.

Dans un autre cas, il s’agit d’un couple de personnes assez âgées, qui se déplacent difficilement. Monsieur a été adressé quatre fois à l’hôpital à cause d’un diabète insulino-dépendant. Il souffre de cailloux de calcaire dans le foie, ce qui est très douloureux, d’une hernie discale, d’une baisse de la vue et de douleurs dans les pieds, à cause du diabète. Il présente un surpoids avec une respiration lourde et il se plaint de maux d’estomac. Ici encore, le rendez-vous donné au patient pour la transmission des résultats d’analyse a été annulé. L’autorité du centre estimait qu’elle possédait suffisamment d’informations pour la remise des médicaments, et que de plus amples explications n’étaient pas nécessaires.

Madame souffre de différents maux également, notamment du dos et de fatigue, des suites d’un accident.

Le couple a passé trois mois au centre fédéral malgré leurs maladies et leur âge. 

Les médecins souvent ne se représentent pas bien la situation des gens. Ils ne savent pas qu’ils séjournent dans un centre fédéral et sont soumis à des restrictions de sortie ou d’accès aux soins. Une fois, à la suite d’une consultation en urgence, l’hôpital a invité la mère, qui ne parle pas un mot de français, à prendre un rendez-vous pour un suivi et lui a simplement remis une liste de pédiatres sur le canton. Or, la mère ne peut pas prendre un tel rendez-vous de manière autonome. Elle doit recevoir l’assentiment des autorités du centre et aucun rendez-vous n’a été pris.

Le plus difficile encore est l’absence d’information. Les gens ne possèdent aucun document expliquant leur situation, ni les consultations qu’ils ont eues, ni où ni avec qui, aucun diagnostique, et les résultats des analyses ne leur sont pas communiquées. Les éventuels documents médicaux les concernant sont transmis par les médecins au centre qui refuse d’en délivrer une copie aux intéressés. Ils sont privés de l’accès à leurs données médicales et ils ne possèdent aucun support pour comprendre leurs problèmes. 

Ce vide les laisse dans un sentiment de détresse parce qu’ils ne parviennent pas à s’approprier les informations sur leur propre santé. Ils demeurent avec une impression de n’avoir pas été compris ni correctement investigué, ou que le médecin n’a pas saisi exactement de quels maux ils se plaignent. Ils n’étaient pas assistés d’un interprète lors de la consultation, ils rencontraient un médecin en Suisse pour la première fois dans un système médical nouveau pour eux, ce qui contribue à alimenter leurs incertitudes.

Les gens qui séjournent dans les centres fédéraux ont besoin d’un document écrit qu’ils peuvent montrer à d’autres pour se le faire expliquer et ré-expliquer, avec l’aide de quelqu’un pour traduire le cas échéant. Un simple résumé de la situation du point de vue médical, remis en mains propres au patient, leur permettrait d’être quelque peu rassurés sur le suivi médical. 

Dans un autre cas, l’intéressé a reçu une décision de renvoi vers l’Allemagne. A l’occasion du recours, il devait expliquer sans aucun certificat médical ni aucun autre document qu’il venait d’être diagnostiqué d’un cancer du foie, d’une hépatite B et C active, et d’autres problèmes. Il montrait son ventre, mais il ne savait pas comment expliquer au juste. Ce manque de précisions empêche d’organiser une défense sérieuse des droits des gens contre une décision du SEM prise à la va-vite, où les situations individuelles même les plus graves sont ignorées. L’autorité s’appuie sur des arguments-type, par exemple que les soins médicaux existent aussi en Allemagne, et ne prend pas même la peine de s’informer du diagnostique ou des traitements à suivre. 

Les centres fédéraux sont des lieux de gestion collective des demandes d’asile et de l’hébergement des demandeurs. Tant le traitement du dossier que l’accueil sanitaire et social trahissent un manque de respect des gens, une absence de compassion et, dans les situations vulnérables, contribuent à une aggravation de l’état de santé des demandeurs d’asile.  


Pour reproduire ou citer cet article :
Au centre fédéral, un accès difficile aux soins médicaux, publié sur le site de Droit de rester pour tou∙te∙s, juillet 2017, http://droit-de-rester.blogspot.ch/

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