Ce matin, une vingtaine de
personnes à l’aide d’urgence se sont rendues au siège de l’EVAM (Etablissement
vaudois d’accueil des migrant-e-s) pour alerter le directeur Erich Dürst de
leurs conditions de vie. Coalisées sous le nom Urgent Help, elles attendent désormais une réponse de l’EVAM et du
Conseil d’État.
Dans le canton de Vaud, près de 800 personnes vivent soumises à l’aide
d’urgence, qui frappe celles qui se sont vu refuser l’asile ou qui ont déposé
une demande d’asile après un premier refus. Ce régime ne leur permet ni de
travailler, ni de se former, et les contraint à une dépendance totale de l’État.
Destiné à soutenir les réfugié·e·s sur un temps très court, d’urgence, cette
« aide » dure pour certain·e·s depuis des années. Célibataires ou
familles avec enfants sont touchés et voient toutes perspectives d’intégration
et d’avenir réduites à néant.
La plupart du temps, ces personnes restent dans le canton plusieurs
années car leur renvoi est inexigible ou matériellement impossible. Pendant ces
années, elles survivent avec une aide minimale, alors qu’elles aimeraient
travailler, apprendre le français le cas échéant, en bref s’intégrer. L’État
leur rend la vie impossible en espérant qu’elles repartiront d’elles-mêmes.
L’EVAM, au lieu de les soutenir dans ce processus, applique des règles
extrêmement dures : promiscuité dans les logements, accès difficile aux
programmes d’occupation, nourriture fade et répétitive. L’État de Vaud refuse
quant à lui de défendre cette partie de la population, alors qu’il serait à son
honneur d’accorder à ces personnes souvent formées et motivées le droit de
travailler par exemple.
Ce n’est pas la première fois que des « bénéficiaires » de
l’aide d’urgence se coalisent pour dénoncer leurs conditions de vie. En 2014,
les habitant·e·s de plusieurs abris PC s’étaient insurgés contre leus
conditions de vie. Mais les réponses de l’EVAM comme celles du Conseil d’Etat
n’ont jamais été à la hauteur du courage des débouté·e·s. Le collectif Droit de
rester, qui soutient cette lutte, attend cette fois des réponses.
***
Nous
sommes des bénéficiaires de l'Aide d'Urgence.
Nous sommes des requérant-e-s d'asile qui avons fui les persécutions de
régimes dictatoriaux, la misère et la guerre. Pour des raisons souvent
incompréhensibles, la Suisse a rejeté nos demandes d'asile. Comme il nous est impossible de retourner
dans nos pays, nous vivons en Suisse, plusieurs d'entre nous, depuis plus de 10
ans, malgré les menaces de renvoi.
Il
nous est interdit de travailler, ce qui nous prive de toute possibilité
d'autonomie et nous oblige à vivre à la
charge de la société.
Que
nous soyons célibataires ou en famille avec enfants, nous sommes tous
hébergé-e-s par l’EVAM dans des foyers collectifs où nous souffrons
du bruit permanent et du manque d'intimité. Nous
sommes contraints de cohabiter avec des personnes dont la situation de grande
précarité et les difficultés d’accès aux soins médicaux, notamment
psychiatriques, rendent parfois violentes. Les caméras de surveillance et les
agents de sécurité omniprésents ne nous protègent pas, mais contribuent à faire
monter les tensions.
Nous
ne recevons aucune aide financière, mais uniquement une aide en nature.
L'EVAM nous oblige à quitter nos logements ou
nous transfert abruptement et à de multiples reprises. De ce fait, après avoir
fui nos pays, nos enfants subissent à nouveau
des déracinements qui nuisent à leur développement. Ils ne savent pas
quel sera leur avenir et craignent que la police vienne nous chercher. Nous ne
voulons pas que nos enfants vivent dans la peur et l’isolement, ils ont les
mêmes droits que tous les enfants du monde ! Notre logement est souvent limité à une place en abri-PC ou
au Sleep-in, où il est obligatoire de sortir dehors tous les jours avec ses affaires sur le dos, les places étant attribuées
journellement. Certains d'entre nous y
sont depuis plusieurs années.
Plusieurs
d'entre nous ont déposé une nouvelle demande d'asile que la Suisse examine,
mais sont toujours soumis-e-s au régime de l'Aide d'Urgence et à l'interdiction de travail. Ces situations
sont particulièrement dramatiques, car
ces requérant-e-s séjournent légalement en Suisse, mais sont grandement
limité-e-s dans leur intégration.
Nous
sommes à l'aide d'urgence depuis parfois plusieurs années. Nous ne quitterons
pas la Suisse, nos vies en dépendent. Nous souhaitons nous intégrer dans la
société qui nous accueille et nous protège. Nous prions l'EVAM et le Conseil d'État
vaudois de nous donner les moyens de vivre dignement et de nous rendre utiles à
la communauté
Nous demandons :
- Que le canton de Vaud prenne fermement position en faveur de
l'abrogation de l'interdiction de travail pour les bénéficiaires de l'aide
d'urgence.
- Que l'EVAM et le canton de Vaud nous donnent l'accès aux
programmes d'activité et d'occupation, quelle que soit la durée de notre séjour
en Suisse, ainsi qu'aux formations organisées
par l'EVAM, principalement les cours de français. L’aide à la participation aux associations sportives et culturelles
doit aussi être allouée aux personnes à l’aide d’urgence, surtout les enfants.
Nous demandons également une augmentation des indemnités des travaux que nous
réalisons parfois pour l'EVAM : 3.75 Frs de l'heure ne suffisent pas !
- Que l'EVAM et le canton de Vaud facilitent l'accès aux
formations, stages et apprentissages.
- Des logements décents qui garantissent notre droit fondamental à
l'intimité et à la vie privée. En
particulier nous demandons le changement de fonctionnement immédiat du Sleepin
de Morges. Il est inacceptable que certains d'entre nous soient obligés de
passer toute la journée dehors avec leur affaires. Nous avons besoin d'armoires
pour garder nos affaires et d'un lieu pour se reposer la journée !
- De recevoir une partie de notre aide pour la nourriture en cash
ou au moins sous forme de bons Migros : Les épiceries n'offrent pas assez de diversité, surtout pour ceux et
celles qui sont malades et doivent suivre un régime adapté.
- Des places de jeux et de sport pour les enfants, des locaux à
vélo, autour des foyers d'Aide
d'Urgence. Le foyer d'Ecublens en particulier est situé en dans une zone
industrielle proche de l'autoroute et n'offre aucune activité à proximité.
- La possibilité de se déplacer en transport public. Nous avons
besoin des mêmes prestations de transport que celles qui sont données aux
permis N et F.
- Que le canton nous délivre une pièce de légitimation qui nous
permette, entre autres, de retirer à la
poste les courriers recommandés et les colis.
-Qu'une attention particulière soit portée aux requérant-e-s
d'asile ayant déposé une nouvelle demande moins de 5 ans après le dernier refus
et qui sont soumis au régime de l'aide d'urgence bien qu'ils séjournent
légalement en Suisse.
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