vendredi 20 mars 2020

Coronavirus : des mesures de protection pour tout le monde !

Appel aux autorités fédérales, cantonales et à toutes les collectivités publiques

Coronavirus : des mesures de protection pour tout le monde !

La Suisse vit désormais au rythme du coronavirus. Pour freiner l’expansion de la pandémie et protéger les personnes à risque, la population doit respecter les règles émises par le Conseil fédéral et l’Office fédéral de la santé publique. Pourtant, les étrangers sont les grands oubliés des mesures sanitaires ! Il existe un décalage entre les mesures préconisées pour l’ensemble de la population et celles mises en place concrètement pour les personnes migrantes. Les autorités doivent faire preuve de bon sens, agir rapidement et de manière inclusive. Il y a urgence. Protéger les autres, c’est protéger l’ensemble de la population. La santé publique est aujourd’hui la priorité de la Confédération.

Pour les requérant-e-s d’asileLes centres fédéraux d’asile (CFA) regroupent sous un même toit plusieurs centaines de personnes. Les requérant-e-s d’asile dorment à plusieurs dans des dortoirs, passent des moments de la journée dans des salles communes, sont en permanence en contact étroit les uns avec les autres. Déjà en temps normal, l’accès aux soins médicaux est restreint, ce qui est doublement problématique : au regard de la santé des personnes concernées, mais aussi pour l’établissement des faits médicaux pertinents pour la décision d’asile.

Nous demandons :

1) Un moratoire immédiat sur toute la procédure d’asile. Le SEM doit continuer à enregistrer les nouvelles demandes d’asile, mais il doit renoncer aux entretiens et aux auditions pour protéger la santé des requérant-e-s d’asile, des fonctionnaires et des juristes. Celles-ci réunissent en effet plusieurs personnes dans un espace étroit (impossible de respecter les deux mètres de distance préconisé par l’OFSP) et cela pendant une durée dépassant 15 minutes (une heure pour les entretiens Dublin, plusieurs heures pour les auditions). Par ailleurs, le personnel médical a autre chose à faire qu’établir des certificats médicaux en lien avec la procédure d’asile. Il doit être mobilisé pour combattre le virus. De même, les bureaux de conseil juridique ont dû fermer leurs permanences, le SEM doit stopper les procédures et renoncer à prononcer des décisions, faute de quoi les faits médicaux risquent de ne pas être établis correctement et le droit au recours ne sera pas respecté. Il en va de même pour les décisions du Tribunal administratif fédéral.

2) Que le SEM permette aux requérant-e-s d’asile de respecter les règles édictées par l’OFSP. Pour cela, il doit désengorger les centres fédéraux, s’assurer que les personnes peuvent respecter une distance spatiale de deux mètres entre les personnes, en particulier dans les dortoirs et les espaces de vie communs.

3) Un accès aux soins pour les requérant-e-s d’asile. Les requérant-e-s d’asile sont des personnes comme les autres. Si l’un-e d’entre eux est contaminé par le virus, il doit avoir accès aux soins comme n’importe quel habitant-e-s de ce pays. Le personnel d’encadrement et de sécurité doit être réactif et préparé à réagir rapidement en présence de symptômes alarmants.

4) Que les requérant-e-s d’asile soient informés sur leur situation. Nous avons constaté que dans les CFA, des personnes continuent de s’endormir avec la peur d’être renvoyées en Italie au petit matin, alors même que les renvois vers ce pays sont suspendus. Dans un climat déjà angoissant à cause de la pandémie, il faut agir avec un peu d’humanité et informer les personnes concernées de manière à leur ôter ce poids psychologique supplémentaire.

5) La libération des personnes en détention administrative et la suspension de tous les renvois. A cause des mesures de restrictions des vols prises pour lutter contre le coronavirus, la plupart des renvois ne peuvent pas être exécutés. Il est donc absurde de maintenir des personnes en détention en vue d’un renvoi. Toutes les ressources à disposition doivent être consacrés à lutter contre l’épidémie plutôt qu’à traquer les personnes à renvoyer.
Pour les personnes sans-papiers
Les personnes sans-papiers vivent en Suisse mais ne possèdent pas d’autorisation de séjour. Que ce soit parce qu’elles n’ont pas d’assurance-maladie, ou à cause de la crainte d’être dénoncées, découvertes, arrêtées et expulsées, elles renoncent souvent à des soins de santé pourtant nécessaires.

Nous demandons :

1) Un accès aux soins pour les personnes sans permis de séjour.
2) Une couverture par la collectivité des frais de santé liés au coronavirus pour les sans-papiers n’ayant pas d’assurance maladie.
3) Une confidentialité absolue dans tous les établissements hospitaliers et de santé. C’est la seule manière de s’assurer que les personnes sans-papiers ne renoncent pas à des soins nécessaires.
4) Une flexibilité dans la mise en place de mesures pour les plus vulnérables (hébergement d'urgence et aides alimentaires). Veillez à être inclusifs : ne mettez pas en place des solutions qui ne sont pas accessibles aux personnes sans statut légal, ne demandez pas de pièces justificatives que les sans-papiers ne peuvent pas fournir (permis de séjour, bail à loyer, attestation de domicile, fiche de salaire, etc.).
Pour tous les étrangers établis en Suisse
En raison de l’épidémie, les guichets publics sont fermés. Cela est valable aussi pour les services de migration et les bureaux de contrôle des habitants.

Nous demandons :

1) Un renouvellement automatique de tous les permis de séjour arrivant à échéance pendant la période exceptionnelle que nous vivons. Les personnes étrangères ne peuvent en effet pas être considérées comme responsables de la fermeture des guichets, ni de l’éventuelle perte d’un emploi vu la situation de crise économique.

2) Une prolongation des délais de réponse (droit d’être entendu, droit de recours au niveau cantonal). Ces délais doivent être prolongés au moins jusqu’à 30 jours après la fin de l’état de nécessité. Sinon, des décisions risquent d’entrer en force sans que les personnes concernées n’aient eu la possibilité de faire valoir leur droit.

3) Une annulation de toute décision de renvoi ou de délai de départ pendant la durée de l’état de nécessité. Il s'agit non seulement de ne pas exécuter les décisions déjà prises, mais de ne pas en prendre de nouvelles pendant toute la période.

4) La prolongation de six mois des délais de l’Agenda Intégration Suisse pour atteindre les objectifs fixés.

Comme le dit le Conseil fédéral, c’est tous ensemble et de manière solidaire que nous arriverons à combattre le virus. Laisser de côté les personnes migrantes se révèlerait catastrophique, pour elles comme pour l’ensemble de la population.
 
Solidarité sans frontières 
Anlaufstelle für Sans-Papiers Basel
Autonome Schule Zürich
CaBi Antirassismus-Treff St.Gallen
CaBi Solidaritätsgruppe Syrien/Kurdistan
Centre social protestant Genève
Cercle d'amis Cornelius Koch
Coordin'action Poya Solidaire
Coordination asile.ge
Droit de rester Fribourg
Droit de Rester Lausanne
Droit de Rester Neuchâtel
Forum Civique Européen
Freiplatzaktion Basel
Freiplatzaktion Zürich
Gewerkschaft UNIA
isa - Fachstelle Migration
Jesuiten-Flüchtlingsdienst Schweiz (JRS-Schweiz)
L’AMAR
Migrationscharta.ch
Rainbow Spot
Sans-Papiers Anlaufstelle Zürich SPAZ
Schweizerischer Friedensrat
Solibrugg Beratung- und Schreibstube für Flüchtling/Asylsuchende, Suhr/Aarau
solinetze.ch (Solinetz Zürich, Bern, Basel, Ostschweiz, Luzern und Netzwerk Asyl Aargau)
Syndicat UNIA
Verlagsgenossenschaft vowärts
Vivre Ensemble | asile.ch
Watch the Med Alarm Phone
«wo Unrecht zu Recht wird...»

dimanche 15 mars 2020

Le SEM reproche aux requérant∙e∙s d’asile de mener une « guerre d’usure »


27 février 2020     
Le SEM a de moins en moins de scrupules à exprimer son agacement devant les demandes d’asile récidivistes, d’une manière qui déborde le cadre de l’action administrative et empiète sur la marge politique du gouvernement. Le SEM est le gouvernement. Il nous propose sa propre idéologie du requérant insoumis donc réprimandable : celui qui résiste aux décisions négatives. La dissidence dans l’asile, ou l’opposition aux points de vue de l’administration sur la légitimité de demander asile, devient un objet de répression politique que le SEM inscrit désormais directement dans ses décisions de rejet, par dégoût de l’asile pourrait-on croire. Voici un extrait d’une décision de février concernant une famille, où il est question de chacun des membres du couple, un jeune couple parents d’un jeune enfant :

« A titre liminaire, le SEM fait remarquer que vous en êtes à votre deuxième, respectivement votre troisième demande d’asile, les précédentes ayant toutes été rejetées, malgré moult recours, demandes de reconsidération et autres recours sur demandes de reconsidération. Ainsi, vous êtes en Suisse depuis 2011, respectivement 2012. Or, la procédure d’asile a pour but, rappelons-le tout de même, d’assurer une protection aux personnes en ayant réellement besoin, et non d’essayer divers motifs d’asile successifs, s’assurant par là un droit de séjour à l’usure grâce à des maneouvres dilatoires réparties sur plusieurs années dans l’espoir d’obtenir, de guerre lasse, une autorisation de séjour. Si cela est théoriquement possible, cela n’était assurément pas dans l’esprit du législateur. »

Aucune base légale ni aucune règle de procédure ne permet au SEM de réprimander. Le « législateur » prévoit au contraire la possibilité de déposer plusieurs demandes d’asile. Cela est inscrit à l’article 111b de la loi sur l’asile. Le SEM n’a que le devoir de traiter ces demandes et d’appliquer la loi, pas de juger, d’un point de vue moral, si cela convient à l’administration qu’après un retour dans leur pays d’origine, les gens y soient confrontés à de nouvelles persécutions et soient contraints de fuir à nouveau à la recherche d’une protection.
En outre, l’affirmation du SEM selon quoi ce jeune couple serait en « demande multiple » est proprement effarante. Le jeune homme explique dans son audition : « Oui, c’est ma première interview. Je n’ai jamais eu d’interview auparavant car j’étais mineur quand je suis venu avec mes parents et, quand on a fait la deuxième demande d’asile, on est partis au SPOP directement, sans passer par Vallorbe, car ils avaient déjà nos données et ils nous ont envoyés directement au foyer. »
Ainsi, c’est la première fois que ce jeune peut exprimer ses propres motifs mais pour le SEM, c’est encore trop.

mardi 10 mars 2020

Le Non-asile ou la politique de rejet de la Suisse


Un jeune homme renvoyé de force dans un pays qui n’est pas le sien

Il vivait en Suisse depuis bientôt 10 ans, Abdoul, citoyen somalien arrivé seul à 19 ans, renvoyé en Guinée.
Et pourtant Abdoul avait tout fait juste en suivant un parcours d’intégration exemplaire dans notre pays. Orphelin de maman, il avait fui l’Afrique avec son papa, à la recherche d’un bout de monde pour s’installer, pour arrêter l’errance. Au cours de leur long périple, son papa est mort et c’est seul qu’Abdoul a demandé l’asile en Suisse.
Mais la Suisse n’a pas voulu lui accorder sa protection et tous les recours aux différentes voies juridiques pour faire changer la décision ont été un échec.

Malgré cela, Abdoul s’accroche à la possibilité de donner un sens à sa vie. Il  apprend le français et termine plusieurs formations. Il réussit brillamment un CFC de cuisinier et trouve un travail, malgré l’absence de permis de séjour. Il travaille au CHUV à grande satisfaction de son employeur.
Il dépose alors une demande de permis B pour cas de rigueur (art. 14 al.2 LAsi). Les autorités suisses refusent sa demande. Son intégration n’a pas un caractère exceptionnel pour Berne !  Malgré le fait qu’il a réussi à rembourser une grande partie de l’aide reçue et qu’il est financièrement autonome.
Et une fois de plus, le recours est négatif.

Abdoul continue de travailler, d’espérer jusqu’au jour où la police vient le prendre, l’arrête et le renvoie de force en Guinée.
Mais la Guinée n’est pas son pays.

Depuis qu’il y est, il a fait plusieurs démarches pour avoir un permis de séjour guinéen. Même avec l’aide d’un juriste, sa demande a été refusée. Il n’a pas de famille en Guinée, il doit se débrouiller tout seul, une fois de plus.
Et des questions se posent : pourquoi la Suisse ne lui a pas permis de continuer la vie qu’il s’était construit ici ? Qu’aurait-il dû faire de plus pour être accepté ?
La Suisse était devenue la patrie qu’il n’avait jamais eue, dans laquelle il croyait.
Aujourd’hui, il est malade en Guinée et les soins ne lui sont pas dispensés facilement. Son médecin suisse, qui l’avait suivi ici, est toujours en contact avec lui et il a pu constater qu’il manque des soins indispensables pour sa santé. Pas de permis de séjour, pas d’accès aux soins ou seulement si on paie... mais Abdoul n’a pas d’argent. Lors des différents contrôles de police qu’il a subi, on lui a soustrait tout son avoir.
Maintenant la Guinée menace de le renvoyer en Somalie. Abdoul est devenu un paquet qu’on envoie d’un pays à l’autre.

Au Collectif Droit de Rester nous ne nous posons plus de questions, nous accusons les autorités :
  • ·  le SEM (Secrétariat d’État aux Migration) de n’avoir jamais accepté la demande d’asile d’Abdoul ;
  • ·   le TAF (Tribunal Administratif Fédéral) de ne jamais avoir accepté les différents recours d’Abdoul et
  • · le SPOP  (Service de la population du Canton de Vaud) d’avoir ordonné l’arrestation, l’emprisonnement et le renvoi de force de ce jeune vers un pays qui n’est pas le sien et qui ne l’accepte pas.

 Avec ce renvoi inacceptable, le SPOP a non seulement cassé la vie difficilement construite par Abdoul ici, mais il a aussi, une fois de plus, montré le mépris vis-à-vis des personnes dont il a la charge.
Pour obéir à Berne, afin de ne pas être pénalisé financièrement, le Canton de Vaud éjecte Abdoul n’importe où avec la collaboration du consulat guinéen.
Ce n’est pas ça qu’on est en droit d’attendre des autorités du Canton de Vaud.

Avec sa mandataire, ses amis, ses médecins et toutes les personnes qui ont eu la chance de connaître Abdoul, nous demandons le retour immédiat de ce jeune homme pour qu’il puisse finalement occuper la place qui est la sienne en Suisse et où son employeur l’attend.
 10 mars 2020