5 septembre 2014 Depuis
juillet 2014, la famille Behida est logée dans le nouveau centre d’aide
d’urgence à Yverdon. Elle explique ceci :
La famille ne reçoit aucun argent, seulement des bons pour prendre des
aliments dans l’épicerie de l’EVAM ou des vêtements-chaussures au vestiaire de
Caritas. Leurs enfants sont âgés de 1 ½ ans à 15ans. Ceux qui sont scolarisés
ont reçu en tout et pour tout 50 frs en début d’année scolaire pour leurs
fournitures. Cette somme est insuffisante et ils manquent de tout :
feutres, crayons de couleur, plume, effaceur, calculatrice, tabliers, vêtements
et chaussures de sport appropriés, sac d’école, etc. La petite a des chaussures
trouées et c’est la seule paire qu’elle possède. Il n’y a pas sa taille au
vestiaire de Caritas et ses parents n’ont pas pu lui trouver des chaussures
correctes pour l’école, et rien pour le sport. Il en est de même pour les
autres enfants. Il est difficile de trouver la bonne pointure, la bonne taille
ou les vêtements recherchés au vestiaire de Caritas. Le garçon n’a pas pu payer
les 5 frs pour la photographie de classe. Les enfants reçoivent les réprimandes
régulières de leurs enseignants en raison de leur manque de matériel, et ils ne
savent pas comment expliquer leur situation.
En ce qui concerne la nourriture, la famille se nourrit essentiellement
de riz et de pâtes. Il n’y a jamais de salade dans l’épicerie et la viande
n’est pas halal. Ils ne peuvent pas la manger et ils n’en prennent jamais. Il y
a du poisson panné industriel qu’ils prennent de temps en temps dont les
enfants disent qu’il est « bizarre ». Il y a beaucoup de boissons
gazeuses en grandes bouteilles et pas de thé froid, alors que les enfants
préfèrent le thé froid. Les fournitures pour l’enfant en bas âge sont
inexistantes. Il n’y a pas de lolette, ni de biberon par exemple.
Les parents ont demandé à pouvoir faire un programme d’occupation mais
cela leur a été refusé. Ils ne reçoivent aucune prestation en espèce et n’ont
donc pas le libre choix de leurs achats. Ils ne peuvent pas vivre comme ils
l’entendent et cette situation affecte plus particulièrement les enfants. Les
deux aînées ne peuvent faire aucun achat personnel alors qu’elles sont en âge
de sortir avec leurs copines et d’avoir leurs propres activités. Elles ne
peuvent pas se rendre à un anniversaire par exemple, si elles sont invitées,
car elles ne peuvent pas acheter ni amener aucun cadeau. Les enfants n’ont
aucune activité extrascolaire, ni aucun loisir. Leurs parents ne peuvent leur
payer aucune activité ni aucun objet personnel. Ils rentrent au centre en
dehors des heures de classe, ils y passent tout leur temps, et leurs journées
entières les fins de semaine. Le câble n’est pas branché de sorte que la
famille ne reçoit pas la télévision. Les parents ne peuvent acheter aucun
jouet, aucun jeu, ni aucun livre, et le parc avoisinant a été interdit aux
enfants du centre.
En l’absence d’espace de jeu, les enfants du centre jouent et crient
dans les escaliers, dans le couloir principal qui est donc très bruyant, toute
la journée. Les portes ne sont pas insonorisées de sorte qu’il y a un bruit
permanent du couloir et de la route dans l’appartement. C’est encore pire la
nuit. Les gens se disputent et crient, il y a des bagarres, les enfants crient
et pleurent, les petits ne dorment pas, souvent très tard dans la nuit. Cela
est inapproprié pour les enfants scolarisés qui ont de la peine à dormir et à
se reposer.
L’appartement consiste en 4 pièces pauvrement meublées de lits
métalliques et d’armoires de récupération dont certaines menacent de
s’écrouler. Dans le hall d’entrée, qui est dépourvu de fenêtre et qui sert de
salle à manger, il y a deux petites tables de 75x75 cm, une armoire et trois
petites caisses de rangement en plastique. La porte d’entrée ne ferme pas car
la serrure est défectueuse. En outre, la famille n’a pas la clé. L’enfant de 1
an ½ cherche à sortir et il faut en permanence le surveiller. Il est déjà sorti
dans le couloir, il est passé à travers les montants de la balustrade des
escaliers et il a failli tomber la tête la première en bas. Sa grande sœur est
parvenue de justesse à le rattraper. Cette situation est une source
d’inquiétude permanente pour la famille. En outre, les fenêtres des chambres
sont basses (à moins de 1m de hauteur) de sorte que l’enfant risque de s’y
hisser et de tomber dans la rue.
Il n’y a pas de salle de séjour où la famille pourrait mener leur vie
commune. Ils n’ont pas d’autre choix que de stationner dans une chambre ou
l’autre, ou dans l’espèce de hall d’entrée qui est un endroit très moche, sans
intimité à cause des bruits du couloir et de la porte qui ne ferme pas, où on
n’a pas envie de rester.
Les parents signalent que la sortie du centre est très dangereuse. Elle
donne pratiquement sur la route qui est très fréquentée. Il n’y a pas de
trottoir, ni aucun signalement de la partie réservée aux piétons et de celle où
circulent les voitures, qui est très proche de l’entrée du centre, ni aucune
barrière. Il y a beaucoup d’enfants dans le centre.
La famille est venue avec une armoire personnelle, mais l’employé de
l’EVAM leur a ordonné de la jeter au motif que « les gens qui ont un
papier blanc [une attestation d’aide d’urgence] n’ont pas le droit d’avoir des
choses comme ça ».
La famille n’a pas d’intimité. Le couloir d’entrée de leur appartement
est considéré par l’EVAM comme un lieu commun et les employés entrent
pratiquement sans frapper. Ces derniers ont déjà souvent dit à la famille que « ce
n’est pas un appartement ici, vous n’êtes pas chez vous ici. ». Tous les
jours, l’agent de sécurité leur fait des reproches à propos de la porte
d’entrée en leur disant : « Vous devez laisser la porte ouverte pour qu’on
vous voie ! ». Au début de leur séjour, un autre résident du centre
venait là tous les matins pour utiliser la douche. L’agent de sécurité leur
demande également quotidiennement de jeter leurs trois bacs de rangement en
plastique et les deux tables qui se trouvent dans le hall d’entrée au motif
qu’ils n’y ont pas droit. La famille manque de place de rangement et a besoin
de tables pour les devoirs des enfants et pour les repas.
La famille se trouve ainsi en rupture de toute autonomie économique ce
qui affecte dans une large mesure les enfants, qui n’ont ainsi aucune
possibilité d’avoir des activités en dehors de l’école. Leur intégration
sociale, leur apprentissage de l’autonomie personnelle ou le développement de
leur personnalité par la création de liens sociaux et l’exercice d’activités, sont
prétérités par les mesures d’aide d’urgence que l’EVAM applique sans
discrimination à toute personne dépendante de leurs prestations qui, soi-disant
n’ont pas « droit aux prestations en espèces ». Il s’agit d’un
euphémisme de la loi pour dire qu’ils n’ont pas le droit d’exister, de vivre la
vie ordinaire de tous les jours, d’avoir des contacts avec d’autres gens, de
choisir leurs horaires, leur nourriture, leurs biens personnels ou leur mode de
vie, et qu’on les considère comme des animaux, aptes tout juste à se nourrir de
la nourriture distribuée par l’autorité, et à dormir dans l’abri collectif où
l’autorité les affecte.
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