2 octobre 2014 Olivier
et Shamsa sont jumeaux. Ils sont
âgés de 17 ans. Ils ont perdu leur père à l’âge de 6 ans et leur mère à l’âge
de 12 ans. Eux-mêmes sont séparés depuis des années. Ils se sont retrouvés par
hasard en Suisse avec l’aide de la Croix-Rouge. Les autorités restent sourdes à
leurs demandes désespérées de pouvoir rester ensemble en Suisse. Ils sont l’un
pour l’autre leur seule famille.
Olivier a été placé en détention
administrative et il va être renvoyé en Italie en application des accords de
Dublin pour le traitement de sa demande d’asile. Il sera ainsi définitivement
séparé de sa sœur, les demandeurs d’asile n’ayant aucune possibilité de voyager
au sein de l’Union Européenne.
Olivier est originaire du Congo où il était
enfant des rues pendant deux ans, après la mort de sa mère. Puis il a été
recueilli par une œuvre de charité et avec de l’aide, il est parvenu à venir en
Suisse où il espérait trouver son père. C’est sa sœur jumelle qu’il a retrouvée
et qui a dû lui apprendre le décès de leur père en 2005, en Suisse, des suites
d’une grave maladie.
Depuis août 2013, toutes les procédures
tendant à l’annulation du renvoi en Italie pour permettre aux deux jeunes de
rester ensemble ont échoué. Les autorités sont restées intraitables. Elles ont
pour principal argument qu’Olivier n’ayant pas déposé de documents d’identité,
il n’a pas prouvé son âge et il n’est donc pas prouvé qu’il est mineur.
Les autorités n’ont pas tenu compte de tous
les autres éléments du dossier plaidant en sa faveur. Sa sœur jumelle a
elle-même produit sa carte d’identité originale. A son arrivée en Suisse
quelques années plus tôt, elle a déclaré avoir un frère jumeau et elle a donné
son identité. La Croix-Rouge a pu les retrouver et les mettre en contact sur la
base de leurs déclarations qui étaient concordantes. Une expertise ADN a montré
qu’il existe une probabilité de 99.83% que Shamsa et Olivier soient de la même
fratrie. L’autorité d’assistance a placé Olivier dans un centre d’accueil pour
requérants d’asile mineurs non accompagnés, compte tenu de sa maturité et de
son comportement d’adolescent. Il s’est vu attribuer un éducateur et il a été intégré à l’OPTI, qui accueille des jeunes
de plus de 14 ans, pour y poursuivre leur scolarité dans le but de les préparer
à un intégrer un apprentissage. Selon un rapport médical psychiatrique, de janvier
2014, d’un service spécialisé dans la prise en charge des adolescents, les contacts
réguliers qu’Olivier entretient avec sa sœur ont un effet bénéfique sur sa
santé. En raison de sa maturité affective et de son apparence, il est considéré
par son entourage comme un mineur. Il est très vulnérable et sa santé psychique
a été profondément ébranlée. Un autre certificat médical atteste qu’Olivier « présente
toutes les caractéristiques biologiques et psychosociales d’un
adolescent ».
L’intervenante sociale du centre d’accueil où
séjourne Shamsa, qui se trouve dans un canton alémanique, atteste que le frère
et la sœur se téléphonent plusieurs fois par semaine. Ils se sont rencontrés
pour la première fois au centre en novembre 2013. Shamsa a décrit ces
retrouvailles de manière très positive. Ils ont passé les fêtes de fin d’année
ensemble et ils se retrouvent très souvent les week-end. L’état psychique de Shamsa
s’est fortement dégradé lorsqu’elle a appris la détention administrative de son
frère. Elle a pleuré durant tout l’entretien. Elle ne supporte pas l’idée que
son frère risque d’être renvoyé en Italie. Pendant de nombreuses années, elle
ne savait pas où il était ni ce qu’il était devenu. Depuis qu’ils se sont
retrouvés, ils se voient souvent et se téléphonent souvent. Quelqu’un a trouvé
la jeune fille avec un couteau à la main dans la cuisine. Elle était dans un
état de crise et il a fallu appeler immédiatement les urgences. Elle a été
hospitalisée en milieu psychiatrique en raison d’un état de détresse intense. Olivier
de son côté a aussi tenté de se suicider en détention, en avalant le contenu
d’une pile.
Ces deux frère et sœur, qui entretiennent des liens affectifs étroits
compte tenu de leur parcours de vie difficile et de leur jeune âge, et qui
n’ont aucune autre famille sur qui compter, vont être séparés par les autorités
qui ont décidé que la demande d’asile d’Olivier devait être traitée en Italie.
Il s’agit d’une décision administrative digne de la plus haute bureaucratie,
laquelle n’a que pour objet l’application des règlements de police, qui
définissent ce qui est bon pour la Suisse, c’est-à-dire qu’il y ait le moins de
requérants d’asile possible sur le territoire helvétique. Les autorités sont demeurées
sourdes à la situation de détresse et d’humiliation dans laquelle les deux
jumeaux se retrouveront après avoir été séparés de force, contre leur volonté.
Le processus de l’asile est censé prendre en compte les besoins de protection
des gens. Ici, le traitement administratif a prévalu, qui rompt les liens de
famille d’Olivier et de Shamsa et les prives de la liberté de vivre ensemble
selon leurs besoins affectifs et identitaires respectifs. Le traitement
administratif détruit l’individu, sa famille, ses libertés et son identité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire