10 mai 2017 Au centre fédéral, à Vallorbe ou ailleurs,
on ne plaisante pas avec l’ordre édicté par le SEM.
Voici un couple venu séparément
en Suisse, Madame quelques mois auparavant. Elle est déjà attribuée à un
canton. Elle attend le terme de sa grossesse.
Le SEM ne voit d’abord pas la
nécessité d’attribuer Monsieur au plus vite au canton et l’envoie attendre ses
trois mois réglementaires de séjour au centre fédéral des Rochat, dans la
montagne loin de tout, à 6 km à pieds de la première station de bus postal.
Le SEM n’a pas non plus pensé à
le placer plutôt dans l’autre centre fédéral, des Perreux, beaucoup plus proche
du domicile de Madame, où les transports publics sont plus faciles d’accès.
L’autorité a ensuite refusé de
lui remettre un titre de transport pour se rendre à l’accouchement auquel son
épouse et lui souhaitaient qu’il puisse assister. Monsieur a donc pris les
transports sans moyens, parce que les 21 frs d’argent de poche hebdomadaires ne
suffisent pas aux déplacements. Il est revenu au centre avec deux amendes, pour
l’aller et le retour, de 120 frs et de 220 frs.
Pire, il est rentré plus tard que
l’horaire de 17h00 fixé par le centre. Or, tout retard est sanctionné d’une
privation de sortie de un jour. Monsieur a donc été retenu au centre pendant
toute la journée le lendemain, ceci, malgré le certificat médical qu’il a
dûment présenté, qui précisait que sa présence à l’hôpital était nécessaire
pour assister à l’accouchement.
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On peut d’abord énumérer les
droits floués du requérant. Principalement, il a subi une privation de liberté.
Accessoirement, sa liberté de voir naître son enfant ou d’être à ses côtés et
de le prendre contre lui pendant les premières heures de sa vie, protégée par
son droit à mener une vie familiale normale, n’a pas été reconnue puisque
l’autorité n’a pas accepté d’excuse.
En outre, le requérant a été
privé de facto de tous ses droits
procéduraux ou à la défense de son cas : il n’a pas pu faire valoir le
moyen de preuve c’est-à-dire le certificat médical comme justification de son
retard, il n’a pas reçu de décision écrite constatant une infraction à la loi,
l’autorité n’a pas cité la base légale sur laquelle elle s’appuie, ni n’a fait
application du principe de la proportionnalité qui veut que l’opportunité
d’infliger une sanction et l’étendue de celle-ci soient appréciées dans chaque
cas, en tenant compte de toutes les circonstances individuelles. Il n’y a donc
pas de motivation individuelle de la sanction. Finalement, en l’absence de
décision écrite, il n’y a pas de voie de recours non plus.
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Si on raisonne maintenant en se
plaçant à l’intérieur de la relation entre le requérant et l’autorité,
l’affaire a toutes les apparences d’un rapport discriminatoire, que l’on
définira comme l’action d’exclure la victime du bénéfice de ses droits en
exerçant sur elle une autorité arbitraire qui porte atteinte à sa personnalité.
Ici donc, le requérant est soumis
à l’autorité du SEM qui lui assigne une place d’hébergement au centre fédéral
où, par l’intermédiaire d’agents de sécurité, elle contrôle ses entrées et
sorties, son autonomie personnelle et économique, et la conformité de ses
comportements aux règlements internes qu’elle édicte. Le requérant est
totalement dépendant de l’autorité sauf à renoncer à sa procédure d’asile et à
sa famille en s’enfuyant dans la nature. Son épouse, requérante d’asile,
elle-même contrôlée par l’autorité cantonale, n’a pas la possibilité de
l’accueillir chez elle sans autorisation ni de l’entretenir. Il est pris dans
une obligation, au quotidien, de respecter les horaires de distribution des
repas, des produits d’hygiène, de la lessive, les horaires de lever et de
coucher, et de se conformer aux injonctions comme l’affectation aux tâches
ménagères assortie d’une interdiction de sortie. Il faut aussi accepter toutes
les remarques que les personnels d’encadrement sont susceptibles de lui faire
pour toutes sortes de raisons ou même sans raison. L’autorité exerce sur le
requérant une surveillance au quotidien et un contrôle sur ses activités. Il ne
peut accomplir que celles prévues par le règlement, telles se nourrir à heures
fixes, sortir du centre dans les horaires et passer les nuits dans le dortoir
collectif, sur la couchette attribuée.
La personnalité du requérant est
atteinte parce qu’il n’exerce pas son libre arbitre. On supporte les
contraintes qui contribuent au développement de notre bien-être ou à la
réalisation de nos idéaux. Dans le centre, le requérant est seulement soumis à
une discipline, qui a initialement pour objet de faciliter la gestion des
quelque 200 hommes de toutes origines qui y sont hébergés contre leur gré, mais
qui peut rapidement dériver vers les jugements de valeur dévalorisants ou les
attitudes dénigrantes. Ainsi, le requérant n’a pas été aidé pour se rendre à
l’hôpital et s’est retrouvé pénalisé de deux amendes qu’il ne pourra pas payer
avant de nombreux mois. Il ne pouvait pas renoncer à se rendre auprès de son
épouse. Le sens essentiel qu’il donne à son futur rôle de père et à la relation
affective qu’il entretient avec son épouse rendait sa présence à ses côtés
impérieuse et primait sur son devoir général de ne pas emprunter les transports
publics sans viatique. À son retour au centre, il a été affligé d’une peine
privative de liberté de un jour prononcée de manière automatique pour le type
d’infraction commise. Il s’est trouvé dans l’impossibilité de se justifier, ce
malgré le certificat médical pourtant rédigé dans une langue compréhensible
pour les agents de l’autorité, à supposer qu’ils ne saisissent pas l’anglais ni
le somali, et signé du médecin. Ce document avait une valeur significative pour
lui parce qu’il était émis par le corps médical ce qui devait lui donner une
certaine aura. Il l’a d’ailleurs soigneusement conservé pour le montrer à
d’autres et expliquer sa mésaventure.
Ce manque de considération a été
vécu comme une humiliation. La discipline imposée dans les centres, qui va bien
au-delà de la nécessité d’organiser un accueil de secours pour les étrangers
nouvellement arrivés en Suisse, la gestion collective des lieux de vie et
l’omniprésence du regard de l’autorité sont infantilisantes parce qu’elles
provoquent un sentiment de perte de la maîtrise sur soi et sur son quotidien et
de dépendance aux jugements de valeur d’autrui sur sa personne.
Pour citer ou reproduire l’article :
Nouvelle sanction
édifiante au centre fédéral, publié sur le site de Droit de
rester pour tou∙te∙s, mai 2017, http://droit-de-rester.blogspot.ch/
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