Vol spécial, le film de Fernand Melgar qui montre les conditions de détention dans une prison spéciale pour requérants d’asile déboutés et sans-papiers en attente de leur expulsion, dérange et déclenche une campagne nauséabonde qui vise à occulter le véritable débat suscité par le film.
La première étape de cette escalade est franchie par Le Matin, dimanche 2 octobre 2011, au mépris du droit de la personnalité et de la Loi sur la protection des données. D’autres médias ont repris sans scrupules ces informations et donné la parole à Philippe Leuba. Au lieu de garder la discrétion à laquelle on est en droit de s’attendre de la part d’un magistrat, Philippe Leuba a surenchéri en justifiant les vols spéciaux et en questionnant l’objectivité du film. Le Conseiller d’Etat n’aurait-il pas mieux fait de s’interroger sur la violation du secret de fonction ? Qui d’autre que des fonctionnaires de son Département aurait en effet pu dévoiler ces informations ?
Mardi 4 octobre, 148 policiers de Lausanne munis de gilets pare-balles font une descente au centre EVAM de Vennes. La descente du siècle, comme le titrent les journaux. Coïncidence ou moyen facile de continuer l’escalade de la criminalisation des requérants d’asile ? Et pourtant, personne ne traverse la Méditerranée en risquant sa vie pour vendre des boulettes de coke à Chauderon. Ce sont les conditions de survie dans lesquelles les maintient l’Etat qui poussent certaines personnes à franchir les frontières de la petite criminalité. Tout le monde le sait, y compris les dirigeants de l’EVAM et M. Leuba, mais c’est tellement plus facile d’accuser les migrant-e-s que de se poser des questions sur le système de l’asile en Suisse ! En publiant les résultats de cette descente, on renforce une fois de plus l’amalgame entre requérants et criminels.
Or, c’est précisément ce que recherchent les autorités pour justifier des mesures toujours plus restrictives contre les migrant-es. En ce sens, la réaction de l’EVAM en dit long puisque Pierre Imhof parle de dégrader encore plus les conditions qui leur sont faites (cf 24Heures du 6.10.11). On renforce ainsi une propagande raciste et xénophobe qui devient de plus en plus acceptable pour tout le monde.
Désormais, la polémique se centre sur la projection de Vol spécial dans les classes vaudoises. Un député UDC a demandé de censurer le film. Nous espérons que la socialiste Anne-Catherine Lyon ne cautionnera pas cette mesure de censure, ce qui légitimerait les attaques contre les requérants d’asile.
Nous aimerions revenir sur ce qui est essentiel mais reste occulté par la polémique actuelle à savoir la violation continuelle des droits fondamentaux des requérants d’asile, qui sont avant tout des êtres humains. Parmi ces droits, le droit à la protection de la personnalité et le droit à la dignité. Mais qui protège leurs droits ?
Par conséquent, nous demandons :
- la fin du régime de l’aide d’urgence, source de pauvreté et de criminalisation, la fermeture des centres EVAM de Vennes et des abris PC ; le retour pour tou-te-s au système de l’aide sociale, le droit au travail et au logement
- l’arrêt des vols spéciaux,
- la fin de la double peine (renvoi forcé s’ajoutant à une condamnation pénale).
D’autre part, nous demandons aux autorités cantonales l’ouverture d’une enquête interne sur la divulgation des informations confidentielles concernant une des personnes apparaissant dans le film Vol spécial. Nous ne tolérons pas la divulgation de données personnelles.
Nous appelons également les médias à cesser d’entrer dans la surenchère populiste et à faire un véritable travail de journalistes. Les thématiques migratoires sont trop sérieuses pour qu’on les aborde de manière si légère, d’autant plus en période électorale.
Lausanne, 11 octobre 2011
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