mardi 10 décembre 2013

Renvoi brutal d’une femme en Italie avec son fils de 13 ans


10 décembre 2013          Les renvois ordonnés selon les accords de Dublin sévissent encore. Le plus souvent brutaux, ils tendent à fragiliser l’intégration sociale des réfugiés et à les maintenir dans l’exclusion, la précarité et le déni de leur existence. Les migrants exposés à ces renvois endurent la peur d’être expulsés de force pendant de longs mois, chaque nuit, dans ces centres de parcage des « cas Dublin » que sont les centres de l’EVAM. Ils subissent ensuite la violence policière, dans des conditions qui sont susceptibles d’aggraver des traumatismes liés à l’exil, et qui sont la honte de nos sociétés qui prétendent être attachées aux droits de l’homme. Les renvois Dublin sont antinomiques aux droits de l’homme. Ils sont une manifestation de l’Etat totalitaire qui veut contrôler la vie des réfugiés en s’arrogeant le droit de décider à leur place du lieu où ils doivent demander une protection. Être obligé de demander une protection dans un pays que l’on n’a pas choisi est le contraire même de l’asile. Les accords de Dublin organisent la répression, l’oppression et l’Etat policier contre les réfugiés, comme il ressort du témoignage de Mme Sahla, qui a été brutalement renvoyée en Italie avec son fils de 13 ans :
« C’était à 6h du matin. Huit policiers sont venus, quatre étaient en uniforme. Mon fils et moi nous dormions. La police nous a dit de descendre du lit. Ils ont attrapé mon fils violemment par le poignet de l’ont forcé à baisser la tête en faisant une pression sur sa nuque. Ils l’ont tiré avec brutalité dans le couloir. Ils ne nous ont pas laissé nous habiller. Mon fils portait un tee-shirt et un short. J’avais un tee-shirt et un training. Nous n’avions rien aux pieds. Les policiers ont mis les chaussures de force à mon fils et l’ont poussé. Les voisins ont essayé de nous aider mais les policiers les ont repoussés. Ils nous ont passé les menottes à mon fils et à moi. Les policiers ont refusé que j’emmène mon appareil auditif alors que j’ai déposé plusieurs documents au dossier qui expliquent que je souffre de surdité. Les policiers ont pris des affaires au hasard et les ont jetées dans un sac. Mon fils a demandé plusieurs fois qu’on lui enlève les menottes mais ils ont refusé.
Avant d’entrer dans l’avion j’ai demandé d’aller aux toilettes mais on m’a refusé. Ils m’ont attaché les mains sur une ceinture et ils m’ont mis les menottes aux pieds également. J’étais très calme mais les policiers étaient violents et agressifs. J’ai perdu connaissance. Ils ont appelé quelqu’un qui est venu avec un uniforme de médecin. Je n’ai pas pu communiquer avec lui. Après, deux policiers m’ont soulevée chacun par un bras et m’ont tirée jusqu’à l’avion. Dans l’avion nous n’étions pas ensemble. J’étais à l’arrière et mon fils était à l’avant. J’étais effroyablement inquiète et en état de choc. En outre je n’ai plus pu me retenir et je suis arrivée souillée à l’aéroport en Italie. Mon fils a demandé d’être avec moi mais ils ont refusé. Il n’y avait aucune raison qu’ils refusent cela. Nous avons été brutalisés et humiliés.
Arrivés en Italie, la police nous a donné une adresse. Nous n’arrivions pas à trouver cette adresse. Je n’avais pas de plan, je ne parle pas italien et je n’avais pas d’argent. Dans un parc, nous avons rencontré des iraniens, des afghans. Ils nous ont montré une espèce de camping où se trouvent les immigrants. Il y avait des tentes et beaucoup de monde. Il n’y avait aucune organisation pour accueillir les gens. Nous étions dans une tente avec d’autres familles qui avaient des enfants. Les gens se débrouillaient pour cuire des spaghettis. Je n’ai pas vu de douche. Il y avait des toilettes sales. Nous sommes restés quatre nuits dans cet endroit puis des gens nous ont donné de l’argent pour prendre le train pour Lausanne. Ce n’était pas possible pour moi de rester dans cet endroit avec mon fils. Nous sommes très choqués par ces événements. Je n’ai pas fini mes soins médicaux. Je devais être opérée encore d’une oreille. Mon fils va à l’école. Il a appris le français et il a de bons résultats. Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont fait ça. »
Mme Sahla n’avait jamais vécu en Italie auparavant. Elle n’y connaît personne et elle n’a aucun soutien de famille sur place. Les autorités là-bas ont été incapables de l’aider comme c’est malheureusement le cas de nombreuses familles avec des enfants qui vivent dans la rue, dans des squats ou sous des tentes, dans des conditions insalubres. L’expulsion de Mme Sahla et de son fils n’est justifiée par aucun argument. Il s’agit d’un acte policier d’expulsion d’étrangers indésirables. Pourtant, la famille Sahla est soutenue par un important réseau d’intégration en Suisse. L’école a soutenu le jeune adolescent qui est brillant et qui a considérablement investi pour apprendre le français et rattraper le niveau scolaire. Ces efforts sont méritoires et demandent à être relevés. Mme Sahla est chrétienne pratiquante. Les membres de l’église l’ont soutenue également en soulignant son intégrité, sa foi et son implication dans les activités de l’église. Tout cela était connu des autorités mais elles n’en ont fait aucun cas. L’autorité qui ne tient pas compte de l’avis de la population, des gens qui manifestent leur soutien à ceux qui demandent asile, cette autorité est autocratique et répressive. Elle ne représente pas l’idéal de démocratie qui l’a instituée. L’autorité tyrannique menace la paix sociale comme cela ressort de la violence policière que Mme Sahla et son fils ont dû affronter.

samedi 30 novembre 2013

Le dossier numéro 530 275 de l'ODM...

« C'est un cri du coeur ouvert à la Conseillère fédérale de justice et police » 

Chère Madame la Conseillère fédérale, pendant mon dernier séjour en clinique psychiatrique à Cery, j’ai fait un rêve singulier : J'étais Jésus…

Normalement Jésus est ma personnalité préférée. La montagne des Oliviers… Le climat méditerranéen… Je suis entouré par mes disciples… La foule m’écoute…
« Je suis la lumière ; celui qui m’écoute ne marchera jamais dans les ténèbres…
Je leur demande : Que voulez-vous que je vous fasse ? Ils me répondent : Que nos yeux s’ouvrent… Les passants se demandent : Qui est celui-ci ? Et la foule répond :    C’est Jésus, le prophète, de Budapest »  J’adore ça ! C'est comme un conte de fée...

Mais cette fois, Madame la Conseillère fédérale, tout était autrement. Peut-être c’est à cause d’un nouveau médicament… Je vais vous raconter.

C’était à l’aéroport de Zurich. Une femme, en uniforme de l’office des migrations, a pris ma main.
- Mon Dieu, me disait-elle en hongrois... Vous êtes victime d’un complot. On veut vous crucifier.
- Relaxez-vous, Madame, nous sommes en Suisse. Je suis sauvé.
- Non. Vous vous trompez. Ce n’est pas la Suisse, c’est un département qui s’appelle « Asile ». Ils veulent vous crucifier.

J’ai tout compris. La pauvre femme… « C’est un esprit impur qui la rendait malade.  J’étendis la main, et dis : Esprit impur, tais-toi, et sors de cette femme ! »

- Monsieur Jésus, s’il vous plaît, soyez sérieux. Je veux vous protéger. J’écrirai que vous êtes sorcier.
-Quoi ? Un sorcier ? Madame, comment pouvez-vous dire une chose pareille ?  Je suis médecin. J’ai mon diplôme, voyez…
- Je sais que vous êtes médecin. Dans le temps on parlait beaucoup de vous… Croyez-moi ! Les gens dont je vous parle sont superstitieux, ils ont peur des sorciers. Ça peut vous protéger.

« De nouveau je levai la main, et dis : Esprit impur, je te l’ordonne, sors de cette femme, et n’y rentre plus »

- Arrêtez-vous… O.K. Pas de sorcier. J’écris, profession : « spiritueller Heiler ». Avec ça on peut gagner du temps.

Mais qu'est-ce que tout ça ?!
« Comme je faisais beaucoup de bruit, arriva une foule armée de bâtons... Ces gens contrôlèrent mes papiers et ligotant mes mains, ils me conduisirent dans la maison des principaux sacrificateurs »

Qu'y a-t-il écrit sur la façade ? « Le Sanhédrin, le département d’asile »
- Mes amis ! Mais pourquoi l’asile ...? Rendez-moi mon passeport et autorisez mon transfert vers la Hongrie selon l’art. 23 let. a, b et d  LAsi. C’est ma nouvelle patrie. J’ai ma maison là-bas.

« Mais ils ne m’écoutèrent pas, ils me poussèrent à l’intérieur où s'assemblèrent tous les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin. Le souverain sacrificateur m’interrogea sur mes convictions spirituelles et sociales … »

Mes convictions... Comment les expliquer dans une ambiance pareille ?

Je me suis réveillé dans le centre d’hébergement pour requérants d’asile à Crissier.
« Ainsi fut accompli ce que dit l'Écriture : Il a été mis au nombre des malfaiteurs »

Il s’est passé deux longues années…  

En été 2011 je suis sorti de nouveau de l’hôpital. Mon médecin a décidé d’envoyer un rapport médical au Sanhédrin, pour faire bouger les choses. J’ai pris ce rapport, je l’ai mis sous enveloppe et une pensée stupide a traversé ma tête : « Si je me cache dans cette enveloppe, je peux gratuitement aller à Berne et regarder ce qui se passe avec mon dossier ».

J’ai le syndrome de dissociation. Ça veut dire que parfois je m’occupe de mes affaires et je laisse mon corps faire ce qu’il veut et où il veut.

Sans trop réfléchir, je me suis glissé entre les pages de ce rapport médical…

Je dois dire que la poste en Suisse fonctionne bien. Le lendemain, je suis arrivé très confortablement au Sanhédrin. La secrétaire m’a mis dans mon dossier dans l’armoire et... j’ai réalisé que pendant tout ce temps personne ne s’est intéressé à mon dossier. Il y avait beaucoup de poussière… Je suis allergique à ça. J’ai crié…

Un jour, un Monsieur, dont je ne connais pas encore le nom, ouvrant l’armoire a dit :
- C’est quoi tout ce bordel ! On ne peut plus travailler comme ça ! Vous avez entendu la directive de la Ministre ? Il faut accélérer la procédure !

- Merci Monsieur.

Prenant mon dossier, sans l'avoir lu, il nous a jetés à la poubelle.
J’ai perdu le don de la parole... C’est ça que vous appelez l’accélération ?! 
Le soir, la femme de ménage, polie, tranquille et un peu triste, a remarqué mon nom sur le dossier dans la poubelle. Elle a pris mon dossier dans ses bras, elle l’a nettoyé soigneusement et priant elle l’a mis sur la table du Monsieur.  Et j’ai compris que des gens en Suisse… ils m’aiment. Merci.

Le 2 septembre 2011.  
Dossier numéro 530 275. Nom - Jésus. Adresse - Budapest. Profession - médecin.
- Hm… Qu’est-ce qu’il fait ici ?

« Le requérant a déposé une demande d’asile à l’aéroport de Zurich, le 20 août 2009.
Il a fait l’objet d’une audition sur les données personnelles le 24 août 2009. Il a été auditionné sur ses motifs d’asile, au sens de l’art. 29 al. 1 LAsi, le 28 août 2009.
Le 3 septembre 2009, l’ODM a rejeté sa demande d’asile au sens de l’art. 3 LAsi et prononcé son renvoi. Le 15 octobre 2009, il a été admis à entrer en Suisse en raison de la durée de la procédure de recours engagée suite au recours formulé le 9 septembre 2009 auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision matérielle négative de l’ODM du 3 septembre 2009 ».

Où se trouve la réponse du TAF ? Où ont-ils mis la réponse du TAF ?
- Est-ce que quelqu’un a vu la réponse du TAF ?
- On peut demander la copie.
- La copie… Il s’est passé déjà deux ans… Qu’est-ce qu’ils vont penser de nous ?
Essayons de penser logiquement... Donc, si le requérant, en attendant, se trouve en Suisse, cela veut dire que le Tribunal a annulé notre décision du 3 septembre 2009...
- Oui, c’est logique.
Qu’a-t-il dit à le deuxième interview ?
- Où se trouve le deuxième interview ?
Il n’y a pas eu de deuxième interview ?!  Tiens, tiens !
- Que va-t-on faire ? Lui accorder le deuxième interview… après deux ans... ?
Mais que pensera-t-on de nous… Non, ça ne va pas.  Ecrivons :

« ... Dans la mesure où les déclarations du requérant ne satisfont pas aux conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié selon l’art. 3 LAsi, l’Autorité peut se dispenser d’examiner leur vraisemblance.

En conséquence, le requérant n’a pas la qualité de réfugié et sa demande d’asile doit être rejetée ».
                                                     O.K. Je signe…

Qui va signer ?   Je lis… Spécialiste Asile  M. Judas  

Afin que vous reconnaissiez la certitude de ce récit, Madame la Ministre, il me semble bon de vous exposer une conversation qui a eu lieu le 12 mars 2012. 
« C'était le matin. Monsieur Judas conduisit mon dossier au Prétoire. Il n'entra point lui-même dans le tribunal, afin de ne pas se souiller... Mais, comme c'était parmi eux une coutume, le juge sortit donc pour discuter avec lui… »

- Bonjour Monsieur Judas.
- Bonjour Monsieur Pilate.

Le nom du juge - Pilate ?! Oh, non. C'est trop ! C’est mauvais signe.
« Je criai : S'il est possible, éloignez de moi cette coupe ! »

Le juge Pilate prit le dossier. Il lit mon nom.
- Quelle accusation portez-vous contre lui ?
« Nous avons trouvé cet homme excitant la nation à la révolte, en enseignant partout sa doctrine, depuis la Hongrie où il a commencé, jusqu'ici »
- Que voulez vous donc que je fasse ?
- Crucifiez-le.
- Crucifier Jésus ?!  « Mais quel mal a-t-il fait à vous ? 

- Ce n’est pas lui, c’est son dossier. Après sa crucifixion on pourra l’effacer. « Il est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple » sinon la réputation de tout notre département ... De plus, je peux perdre ma place de travail…

- Cet argument est grave. Je dois étudier le dossier…

Le dossier numéro 530 275. L’audition sur les données personnelles du 24 août 2009. L’audition de l’ODM sur les motifs d’asile du 28 août 2009, les 17 pages. Le rejet de la demande d’asile au sens de l’art. 3 LAsi, du 3 septembre 2009…

Seulement cinq jours, week-end inclus, pour examiner attentivement… ?!

- Vous travaillez très efficacement, Monsieur Judas.
- Ce n’est pas moi. C’était avant mon arrivée à l’Office. 

Le rejet du 3 septembre 2009   « Der Gesuchsteller, ein 51-jähriger spiritueller Heiler aus ….........., stammt gebürtig aus …............. »  ?!

- Monsieur Judas, êtes-vous sûr que ce document concerne Jésus ?
- Bien sur Monsieur Pilate, regardez le numéro… 

Oui. C’est son numéro. Pourtant c’est étrange… Ils ont changé son lieu de naissance, sa nationalité et sa profession...
- Pourquoi l’art. 23 let. a, b et d  LAsi n’a-t-il pas été appliqué à l’aéroport ?
- Une petite négligence… « NEM » selon l’art. 3 ou l’art. 23… cela nous est égal.
Page 6   « … In anbetracht des vorliegenden Sachverhaltes muss allerdings der Schluss gezogen werden, dass die vom Gesuchsteller vorgebrachten Verfolgungsmassnahmen als zu wenig intensiv zu werten sind… »  ?!

C’est chez nous, en Suisse, que les collègues de Monsieur Judas considèrent les souffrances de Jésus comme ... pas assez intensives ?! « Mais c’est du blasphème ! » 

- Monsieur Judas… Vous-même, avez-vous lu l’histoire de Jésus ?
- Chez nous, monsieur Pilate, il est interdit de lire les histoires que racontent les hérétiques.
- Vraiment ? C’est comme ça que vous…?! Mais cela n’a pas d’importance. En tout cas je vais annuler cette décision de l’ODM du 3 septembre 2009. En plus j’ai le rapport de son médecin traitant qui prouve que pendant plusieurs années, avant son arrivée en Suisse, il a subi une pression psychique insupportable. L’Art. 3 al. 2 LAsi.

« Je n'ai rien trouvé en ce dossier qui mérite la mort. Je relâcherai donc Jésus… »

- Monsieur Pilate, regardez ma décision du 2 septembre 2011...  

La décision du 2 septembre 2011    « ... »  ?!

- Monsieur Judas, est-ce que vous fumez du ...
- Ne vous énervez pas, Monsieur Pilate. Cette décision a déjà été annulée.
- Annulée ? Mais... par qui ?
- Par moi. Regardez ma décision du 19 septembre 2011.

La décision du 19 septembre 2011    « ... Votre mandant a déposé une demande d'asile en Suisse le 20 août 2009. Celle-ci a fait l'objet d’une décision négative le 3 septembre 2009, décision contre laquelle son mandataire d'alors avait formulé un recours le 10 septembre 2009.
Ce recours étant toujours pendant et la décision devant le Tribunal administratif fédéral et la décision du 20 août 2009 n'étant pas entrée en force, nous annulons par la présente notre décision du 2 septembre 2011... »  ?!

- Mais c'est une diablerie...  Dans ma pratique je n’ai jamais vu le dossier pareil...

- Monsieur Pilate...  « Nous avons une loi... et selon cette loi Jésus doit mourir... »
- Qu’est-ce que cette loi ?! 
- C’est l’instruction d’en haut...

« Pilate, voyant qu'il ne gagnera rien, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit : Afin que vous sachiez. Je suis innocent du sang de ce juste. Cela regarde le département d’asile ! »
- Ce que vous demandez sera fait. Je vais écrire l’arrêt du 12 mars 2012.
- Monsieur Pilate, fumez un peu, ça vous aidera.

« Je propose que Jésus soit pris en charge par les psychiatres de son pays d’origine »

- C’est très cynique, monsieur Pilate… Vous savez bien que dans son pays d’origine la psychiatrie depuis toujours est à la solde de l’Etat. Avec ses convictions spirituelles et sociales Jésus très rapidement finira en prison. Rappelez-vous ce fameux procès de trois jeunes femmes : une prière non autorisée, une peine de deux ans de prison. Là-bas Jésus peut être condamné à perpétuité. Cela Dieu ne nous pardonnera jamais et Humans Rights Watch non plus.  La simple crucifixion sera plus que suffisante…

- Mais pourquoi la crucifixion ?
- Dans le cas de Jésus nous pourrions écrire dans notre rapport : L’acte de regroupement familial… Dieu l’a amené chez nous, et maintenant nous…
   « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »

Votre Monsieur Judas, Madame la Ministre, est très dangereux. Une fois il a mis un sac de plastique sur ma tête et il a dit : « Étouffe-toi, étouffe-toi ». Une autre fois il m’a mis sur le balcon pendant la nuit et il a dit : « Saute, saute ». Une dernière fois il a attaché une corde au plafond de ma chambre et il a crié : « Pends-toi, pends-toi »
Il me fatigue…
- Pends-toi toi-même, si tu veux ! Je ne le veux pas ! 

Mais il insiste… Il vient souvent pendant la nuit dans ma chambre et il insiste, insiste, insiste…

Chaque fois que j’ouvre mon dossier, Monsieur Judas me dit : Je suis ton dieu…
« Le tentateur me montra les Alpes dans toute leur gloire, et il me dit : Regarde à l’orient. Au delà de ces belles montagnes, se trouve la Hongrie. Je te transférerai là-bas, si tu te prosternes et m'adores. Je lui dis : Retire-toi ! J’insiste pour que la justice lise mon dossier »

« Le diable me transporta au tribunal. Il me montra le symbole de la justice - une femme avec les yeux bandés et une balance en mains. Et il me dit : Naïf, tu espères qu’elle le lira… Ha ! Ha ! Ha ! »

Chère Madame la Ministre, je n’en peux plus... S’il vous plaît examinez vous-même le dossier numéro 530 275. Assurez-moi que tout ce cauchemar n'a aucun rapport avec mon dossier, que je délire…


P.S. - Au secours !!!

Annexe : Loi sur l’asile (LAsi)  du 26 juin 1998
 Art. 3 Définition du terme de réfugié 1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. 2 Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable.
 Art. 23 Renvoi préventif à l’aéroport
 1 Lorsque l’office n’autorise pas le requérant à entrer en Suisse à l’aéroport, il peut le renvoyer préventivement si la poursuite de son voyage vers un Etat tiers est possible et licite et qu’elle peut raisonnablement être exigée de lui, notamment :a. si cet Etat est compétent pour traiter sa demande d’asile en vertu d’une convention ;
b. si le requérant y a séjourné auparavant et qu’il peut y retourner et y demander protection ;
c. si le requérant possède un visa pour cet Etat tiers ;d. si de proches parents ou d’autres personnes avec lesquelles il a des liens étroits y vivent.
 2 Le renvoi préventif est immédiatement exécutoire si l’office n’en décide pas autrement.

En août 2009 l’office a décidé autrement. Je n’ai pas été renvoyé vers la Hongrie.
Pourquoi ? Je ne sais pas. Personne ne juge nécessaire de me l’expliquer…



mardi 26 novembre 2013

Jeune femme menacée de renvoi en Hongrie


7 novembre 2013  Sonia est une jeune femme kosovare qui a demandé l’asile en Suisse. L’ODM a décidé qu’elle sera renvoyée en Hongrie, pays par lequel elle a transité. Elle raconte son passage en Hongrie :
J’ai été arrêtée à la frontière. Les gardes m’ont conduite dans un centre de détention où j’ai été fouillée. J’ai été complètement déshabillée pour la fouille ce qui était humiliant et terrorisant. Ensuite, j’ai été enfermée dans une cellule avec une vingtaine d’autres femmes. On ne m’a pratiquement rien donné à mangé pendant 24 heures, seulement un peu de pain. Il fallait supplier et crier pour pouvoir se rendre aux toilettes. Les matelas étaient posés directement par terre, sans draps ni couvertures. Il faisait très froid. Le lendemain on m’a amenée dans un centre surveillé, dans les mêmes conditions, dans une grande pièce sans commodités aucune, où on ne m’a donné qu’une fois un peu de pain à manger en tout et pour tout. J’ai prétexté vouloir aller faire une course et les gardiens m’ont laissée sortir. Je me suis enfuie avec une famille en abandonnant mes affaires dans ce centre.

En Hongrie, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont en-dessous des normes minimales. La loi prévoit de nombreux motifs de détention des requérants d’asile et la détention est prononcée de manière quasi-automatique pour 6 mois. Il n’y a pas de voie de recours indépendante. Les centres sont surpeuplés (celui de Debrecen accueille plus de 1'300 personnes), infestés par la vermine et les conditions d’hygiène sont déplorables. (cf. Hungarian Helsinki Committee, Brief Information Note on The Main Asylum-Related Legal Changes in Hungary as of 1 July 2013, en ligne)

Nous sommes inquiets de la décision de l’ODM de renvoyer Sonia en Hongrie. Elle est une jeune femme à la santé psychique fragile. Elle n’a aucune famille ni aucun soutien là-bas, et le risque de prostitution forcée est très élevé compte tenu des trafics importants qui sévissent dans toute la région, de son origine kosovare et de l’absence totale de protection pour elle sur place. Elle n’a jamais vécu en Hongrie. Elle est susceptible de se retrouver là-bas dans une situation d’extrême vulnérabilité et d’abus.

Le SPOP, à qui cette situation a été dûment signalée, notamment par le médecin psychiatre qui suit la jeune femme, la menace d’appeler les policiers pour qu’ils aillent la chercher à son domicile et la renvoient de force. Elle vit dans la peur. Ces menaces sont lourdes compte tenu de l’insécurité dans laquelle Sonia se retrouverait si elle était renvoyée en Hongrie.

lundi 4 novembre 2013

L’EVAM supprime les prestations d’urgence



30 octobre 2013 Douardo a reçu une décision de rejet de sa demande d’asile au motif qu’il n’a pas apporté de preuves suffisantes. Il survit donc à l’aide d’urgence et avait été placé par l’EVAM dans l’abri de protection civile de Pully, qui est une espèce de cave en béton où les résidents dorment dans des dortoirs collectifs, sur des couchettes superposées, et sont expulsés de l’abri pendant la journée jusqu’à 18 heures. Après plusieurs mois de ces conditions éprouvantes, Douardo se met en ménage commun avec sa fiancée, qui habite à Yverdon.
L’EVAM a royalement ignoré le changement de situation et enregistré ce déménagement à son propre crédit, l’air de rien, en déclarant simplement à Douardo qu’une place lui est toujours réservée dans l’abri de protection civile, en cas de besoin, et qu’il peut chaque jour aller y chercher son sandwich de midi (avant 9 h 00), ou y prendre le repas du soir (après 18 h).
Huit mois plus tard, Douardo en parle à son mandataire qui l’aide à demander le versement des prestations d’aide d’urgence à l’EVAM, conformément à la jurisprudence du Tribunal cantonal PS.2011.0042 du 10 janvier 2012, qui dit que les prestations ne sont interrompues que si l’entretien est effectivement pris en charge par un tiers. En l’occurrence, Douardo ne peut pas être pris en charge par sa fiancée qui reçoit elle-même l’aide sociale et qui est enceinte.
L’EVAM a refusé de verser les prestations rétroactivement à la date de leur suppression. La raison en est que cette aide est « subsidiaire ». Cela signifie que, puisque Douardo n’est pas mort de faim au cours de ces huit mois, c’est bien la preuve qu’il n’avait pas véritablement besoin des prestations d’urgence.
Donc, pour faire des économies budgétaires, la solution pour l’EVAM est très simple. Les prestations sont supprimées en informant oralement les intéressés qui vivent avec leurs proches qu’ils peuvent toujours aller chercher le sandwich de midi ou le repas du soir, s’ils en ont vraiment besoin, dans un lieu déterminé par l’EVAM, en l’occurrence pour Douardo, à quelques 30 km de son domicile. Ils n’ont par ailleurs pas droit aux titres de transport qui ne font pas partie du droit fondamental au minimum vital, et ils doivent s’y rendre à pieds ou aux frais d’autrui. S’ils ne s’y rendent pas, l’EVAM pourra toujours affirmer qu’ils ne « demandent » pas l’aide d’urgence et qu’ils ne sont pas du tout obligés de la recevoir. L’autorité économise ainsi sur les prestations jusqu’à ce que les intéressés, finalement, parviennent à prendre contact avec un mandataire qui les aide à faire une demande officielle, écrite et motivée. Pour Douardo, les économies sur l’aide d’urgence se montent à environ 9,50 frs par jour pour l’entretien et 300 frs par mois pour le loyer soit un total, sur les huit mois, de 4'730 frs.
Le Tribunal fédéral a jugé que l’aide d’urgence se confond avec le droit fondamental au minimum vital et qu’en aucun cas les prestations dont la survie du requérant dépend ne peuvent être supprimées. Il y a un monde entre la définition de notre beau droit tel que les autorités et les tribunaux l’idéalisent à l’attention du public, et la réalité que vivent au quotidien les personnes contraintes de se conformer aux instructions de l’EVAM sur leur vie quotidienne.

mardi 29 octobre 2013

Intervention de Karine Povlakic au forum de Solidarité sans frontières, 28 septembre 2013


On m’a demandé de parler des révisions récentes de la loi sur l’asile et des perspectives de défense des requérants d’asile dans ce contexte. 
L’énumération des différentes révisions serait fastidieuse et je préfère y renoncer. On trouve tout ce qu’il faut sur le site de l’OSAR en particulier. Sachez que, pour celle qui a sans doute le plus occupé les médias, l’abolition de la désertion comme motif d’asile, le Tribunal administratif fédéral a déjà jugé qu’il s’agissait d’une modification de pure forme qui n’aura pas d’impact dans la pratique, parce que la désertion en soi n’a jamais été un motif d’asile. Ce sont les risques de persécution en cas de désertion qui constituent les motifs d’asile. (TAF, D-5699/2011, 01.05.2013)
Les deux changements les plus importants à mon avis sont la mise en place de grands centres pour y concentrer les requérants d’asile sous l’autorité et la gestion de l’ODM, et le blanc-seing accordé au gouvernement pour faire des « test » de procédure sur les requérants d’asile, au besoin en violant les lois en vigueur[1].
Lorsque le parlement donne, en adoptant une loi, tous les pouvoirs au gouvernement de légiférer et de fabriquer ses propres lois, on appelle cela « l’Etat d’exception ». L’Etat d’exception, dans la tradition philosophico-juridique et politique, est envisagé lorsque les institutions fondées par la Constitution ne sont plus en mesure de fonctionner pour cause de guerre ou de troubles graves, et que, pour sauver l’intégrité de l’Etat, le parlement reconnaît son impuissance et donne les pleins pouvoirs au gouvernement pour agir vite et dans l’urgence d’une situation perçue comme catastrophique.
Qu’y a-t-il donc de si catastrophique dans le domaine de l’asile, qui pousse le parlement à remettre les pleins pouvoirs au Conseil fédéral, c’est-à-dire à l’ODM, à l’administration directement concernée ?
Je dirais que c’est très probablement la démocratie, car c’est précisément contre la démocratie qu’est dirigé l’Etat d’exception. Le but est de créer une autorité possédant tous les pouvoirs, sans partage et sans appel, une autorité omnipotente, qui ne tolère aucune intervention extérieure dans le domaine qui lui a été attribué en propre, en l’occurrence, l’asile. C’est-à-dire que l’objectif est de détruire le principe même de la démocratie dans l’asile.
L’ODM donc devient une autorité omnipotente. Les révisions de la loi sur l’asile tendent à lui accorder non seulement tous les pouvoirs juridiques et politiques, c’est-à-dire aussi sur la définition elle-même de l’asile et sur les options à suivre en la matière, mais également tous les pouvoirs pratiques, ceux d’agir effectivement, concrètement sur la matière à traiter : les requérants d’asile.
Les nouveaux centres fédéraux que l’ODM s’active à mettre en place seront des espaces clos, séparés de la société civile, éloignés de l’opinion publique, fermés à la démocratie, que l’autorité va s’approprier. L’ODM va pouvoir agir sur les requérants d’asile comme un propriétaire de ce groupe de personnes et comme le détenteur exclusif de l’asile. L’autorité va décider des lieux d’hébergement des gens, des modalités d’hébergement, des horaires du lever et du coucher, des heures de repas, du contenu des repas, et de toute la discipline de ces centres c’est-à-dire de toute la vie des gens pendant le temps où ils seront sous son emprise. L’ODM va pouvoir décider exclusivement, sans partage, qui est un réfugié, qui ne l’est pas, qui est renvoyé en Italie, qui est un bon requérant d’asile, qui est un mauvais requérant d’asile ou un faux requérant, dans ces vastes centres de tri des personnes selon les critères et les catégories définis par l’autorité.
Y a-t-il une défense possible des migrants dans un tel contexte ? Il faut d’abord bien comprendre que la défense possible ne se trouve pas dans les arcanes de la loi, parce que la loi sur l’asile est faite sur mesure par l’ODM qui rédige lui-même les propositions de révisions pour le Conseil fédéral et qui introduit donc naturellement dans la loi toutes les bases légales sur lesquelles l’autorité va appuyer, fonder ou justifier son large pouvoir de décision. La loi sur l’asile aujourd’hui ne représente que les intérêts de l’administration à peu de choses près, et les requérants d’asile n’y trouveront aucun droit en leur faveur. Ils ne pourront invoquer aucun droit pour défendre leur besoin de protection. Ils sont entièrement dépendants du bon vouloir et des décisions des autorités en ce qui concerne les critères d’appréciation de leur situation.
La défense juridique rejoint donc de plus en plus la défense politique finalement, pas dans ses modalités où le juriste est toujours celui qui rédige les actes de procédure tandis que le militant est plutôt celui qui conteste, dans l’espace public. Ils se rejoignent en ce sens qu’ils doivent résoudre le même problème, qui n’est plus de déterminer dans chaque cas par quels arguments particuliers on pourra défendre telle ou telle situation individuelle, mais qui est de rechercher les moyens de renverser le caractère total du pouvoir de l’autorité administrative, dans le but de rétablir un espace de discussion démocratique sur les requérants d’asile et la politique d’accueil des migrants en Suisse. C’est un problème global, institutionnel, qui affecte toutes les couches de la société impliquées dans le soutien aux demandeurs d’asile, de trouver la porte d’entrée pour rétablir une table de discussion équilibrée, avec les autorités, où on pourra entendre d’autres réponses à nos questions ou à nos arguments que celle que nous n’avons que trop entendue ces 5 ou 6 dernières années (depuis 2008) que « c’est la loi ».
Non, l’asile, ce n’est pas la loi. La démocratie, ce n’est pas la loi non plus, pas même lorsqu’elle est approuvée en référendum à 78%. La démocratie nous dit Jacques Rancière dans « La haine de la démocratie », c’est l’absence d’autorité, la non-autorité, la liberté d’exister ou l’existence libre, en dehors des injonctions, de la discipline ou des critères de l’autorité. La démocratie c’est l’existence autonome, selon ses propres critères, ses propres choix lesquels se construisent ou se définissent au gré des circonstances par la discussion permanente autour de ces choix. C’est donc, d’une manière ou d’une autre, la participation de tous les acteurs au processus d’accueil, quels qu’ils soient : les bénévoles, les voisins, les militants, les médecins, les membres des églises, les employeurs, les enseignants, toute personne intéressée, quelle que soit son étiquette, qui défend les valeurs auxquelles elle adhère.
La démocratie, nous dit la Cour européenne des droits de l’homme[2], c’est l’aptitude à prendre en compte l’avis, ou l’opinion, ou les intérêts des minorités. En démocratie, il est sans importance qu’une loi soit approuvée à 78% des votants. Cela n’est jamais une justification du pouvoir total de l’autorité, la démocratie n’étant pas un régime politique en particulier et ne se définissant ni par la loi, ni par le référendum. Elle se définit par le respect de la dignité et de la liberté de chacun.
La défense des requérants d’asile aujourd’hui c’est contester l’autorité de la loi sur l’asile, contester le droit de la loi de définir catégoriquement la façon dont on choisi qui est réfugié ou qui ne l’est pas, qui a droit à un statut et qui n’y a pas droit. C’est contester le droit de l’autorité, de l’ODM ou des autorités cantonales, de désigner de manière exclusive et sans partage qui a droit, qui n’a pas droit ; c’est contester le droit de l’autorité de décider de tout sur tout et c’est revendiquer, contre toutes les évidences, que nous avons le droit de donner notre opinion, de critiquer le point de vue de l’administration, de défendre nos valeurs et de participer activement à la définition de l’asile.
Et donc, nous les mandataires, nous avons de plus en plus de mal à répondre aux intervenants qui nous appellent chaque jour et qui nous demandent : « mais, est-ce qu’on peut encore faire quelque chose pour cette famille ? » Aujourd’hui, la réponse juridique à cette question est « Non, on ne peut plus rien faire ». C’est la réponse totalitaire, celle où l’autorité, s’appuyant sur la loi qui lui donne tous les pouvoirs, décide de tout sur tout et devient propriétaire de la procédure. Celle où pour chaque demande de réexamen, l’ODM répond négativement en trois jours et facture 600 frs au requérant d’asile, quels que soient les arguments, y compris les motifs médicaux. A nos interlocuteurs qui demandent « est-ce qu’on peut encore ? », nous devons répondre, parce que nous connaissons la loi, contre notre propre gré, « non, on ne peut plus ». Après, nous essayons de leur suggérer, devant l’impasse, de faire une lettre à l’autorité, n’importe laquelle, parce que le problème est politique, de contestation de l’évaluation, de l’appréciation ou de la décision des autorités, ce n’est pas un problème juridique, de compréhension ou d’interprétation de la loi. Et là on nous demande : « Mais, à quoi ça sert ? ». Je ne sais pas à quoi « ça sert ». La politique, ce n’est pas fait pour que « ça serve ». C’est fait pour être porteuse de valeurs, de représentations que nous avons du juste et de l’injuste, de la dignité et de l’indignité, de la nécessité de défendre nos libertés et celles des personnes que nous soutenons contre l’emprise de l’autorité administrative. Ce n’est pas important à quoi ça sert. Donnons-lui le sens que nous voudrons, n’attendons pas que ce soit l’autorité qui donne du sens à ce que nous faisons pour la défense des gens. Nous donnons nous-mêmes du sens à nos propres actes.
Aujourd’hui, les clés de la défense des migrants se trouvent peut-être dans la littérature sur la résistance civile. Cette littérature, appliquée au droit d’asile nous dirait ceci : les arguments de l’ODM ou ceux du TAF n’ont aucune importance fondamentale en soi, s’ils ne rencontrent pas l’adhésion de leurs destinataires et si le résultat de leurs décisions paraît immoral ou d’une manière ou d’une autre, insoutenable. Nous devons conserver toute l’intégrité de notre point de vue sur les gens que nous côtoyons, et nous dire que les raisons pour lesquelles les autorités ont rejeté telle ou telle demande de protection ne sont jamais ni essentielles, ni définitives. Elles ne se rattachent à aucune justification en rapport avec les valeurs. Ce ne sont que des raisons totalitaires, c’est-à-dire purement administratives ou purement politiques au sens de la propagande que l’ODM mène contre les requérants d’asile. Pour les mêmes raisons, ce que dit la loi est sans importance. Nous devons défendre notre perception de la société dans laquelle nous voulons vivre. C’est cela qui nous donne des arguments et qui suffit en soi, comme justification de nos actions.
Karine Povlakic, septembre 2013


[1] Article 112b al. 2 LAsi : Le Conseil fédéral règle les modalités des phases de test par voie d’ordonnance. Ce faisant, il peut déroger à la présente loi et à la LEtr pour ce qui a trait à l’aménagement de la procédure d’asile de première instance et de la procédure de renvoi, ainsi qu’aux questions financières y afférentes.
[2] Bayatan c. Arménie, requête n°23459/03, arrêt du 7 juillet 2011, § 126

mardi 8 octobre 2013

Au pain sec et à l'eau!


3 octobre 2013 Monsieur Rodovan est un homme dans la cinquantaine souffrant de diabète. L’EVAM l’a placé en hébergement dans un abri antiatomique, lieu inapproprié pour toute personne souffrant de troubles médicaux. L’abri est humide et mal aéré, éclairé aux néons. Tous les dortoirs sont communs à trois étages de couches de lits superposés. La promiscuité empêche de se reposer ou de dormir correctement et les sanitaires ne sont pas propres. L’abri étant fermé pendant la journée, Monsieur Rodovan est condamné à errer dans les rues sans but, par tous les temps.

Sur une demande d’allocation d’un logement approprié, déposée en août, l’EVAM a réagi en plaçant Monsieur Rodovan au sleep-in de Morges.

Au sleep-in, le dortoir héberge 10 à 12 personnes. Les mauvaises odeurs y sont insoutenables et le bruit permanent, ce qui empêche de dormir. Il n’est pas possible d’ouvrir les fenêtres qui sont condamnées, de sorte que la pièce ne peut pas être aérée.

Monsieur Rodovan y reçoit une nourriture incompatible avec son état de santé. Le matin, on sert de la margarine avec de la confiture et du pain blanc. Il reçoit un sandwich pour le midi et il y a de nouveau de la margarine avec de la confiture et du pain blanc le soir, avec du thé, du lait ou du café. Monsieur Rodovan ne reçoit donc pratiquement rien à manger qui soit compatible avec son état de santé. Il souffre de la faim et d’une dégradation de son état de santé.

Par ailleurs, Monsieur Rodovan n’a pas reçu de savon, ni de dentifrice, ni de brosse à dents, ni de rasoir, ni aucun article d’hygiène, ce qui est indigne de la personne humaine et contraire au droit fondamental au minimum vital au sens de l’article 12 Cst, lequel garantit à chacun de vivre de manière décente. La vie n’est pas décente sans un minimum d’hygiène corporelle.

Il n’y a au sleep-in aucune personne à qui adresser ses plaintes. Monsieur Rodovan doit se débrouiller seul pour se procurer de quoi se laver et laver son linge, alors qu’il est expulsé du sleep-in tous les matins après le petit déjeuner, qu’il doit quitter avec toutes ses affaires qu’il n’a pas le droit de laisser au sleep-in, et qu’il ne reçoit aucun argent. Il ne peut acheter de lui-même aucune nourriture ni aucun produit d’hygiène.

Pendant la journée, il n’a nulle part où se reposer, le sleep-in étant fermé de 9h à 18h. Sa maladie lui occasionne de la fatigue et il est particulièrement pénible pour lui de devoir errer dans les rues toute la journée, sans but, sans lieu de repos, sans accès aux sanitaires, à souffrir du temps qu’il fait ainsi que d’un état de misère et de complète désocialisation.

Monsieur Rodovan est victime de traitements contraires à l’interdiction de la torture au sens de l’article 3 CEDH. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet déjà jugé qu’une nourriture insuffisante est indigne de la personne humaine et est un mauvais traitement (Tabesh c. Grèce, requête n°8256/07, arrêt du 26 septembre 2009). Lorsque le régime alimentaire n’est pas compatible avec l’état de santé, il s’agit d’un traitement dégradant (Gorodnitchev c. Russie, requête n°52058/99, arrêt du 24 mai 2007). Les conditions d’hébergement doivent être compatibles avec la dignité humaine et préserver la santé et le bien-être de la personne assignée à un lieu de séjour (Paladi c. Moldova, requête n°39806/05, arrêt de la Grande chambre du 10 mars 2009). Enfin, les personnes dépendantes de l’aide des autorités pour leur survie doivent être correctement et individuellement renseignées de la façon dont elles peuvent avoir accès aux biens de première nécessité (Gebremedhin c. France, requête n°25389/05, arrêt du 26 avril 2007).

Apparemment, dans le cas d’espèce, l’EVAM n’a pas renseigné correctement Monsieur Rodovan sur les horaires de distribution du repas du soir, ni sur la personne à qui adresser sa demande de produits d’hygiène, et ne s’est pas soucié de son accès effectif au minimum vital. Le simple affichage des horaires, par exemple, n’est pas conforme aux obligations de l’autorité d’assurer concrètement l’accès aux biens de première nécessité, si le requérant, après plusieurs semaines de séjour au sleep-in, n’a toujours pas eu accès aux repas du soir et n’a pas de savon pour se laver.